Le Chilien Pablo Larrain vit une année formidable. Resté plutôt discret après le succès et la nomination à l’Oscar de son excellent No, en 2013, le réalisateur venu de Santiago a mis en boîte à une vitesse remarquable non pas un, mais trois films successivement. En début d’année est sorti chez nous El Club, drame rigoureux en forme de huis clos, s’attaquant aux brebis galeuses de l’Église catholique. Quelques mois plus tard, c’est au Festival de Cannes, où il était sélectionné pour la troisième fois, qu’a été présenté le surprenant Neruda, évocation pas très conventionnelle de la vie du poète Pablo Neruda, durant une cavale argentine mélangeant fiction et réalité. Incidemment, le film marque ses retrouvailles avec sa star de No, Gael Garcia Bernal. Neruda sortira en France le 4 janvier prochain, mais nous n’aurons à attendre que quelques semaines pour découvrir l’autre nouveau film de Larrain, son premier réalisé à Hollywood : Jackie.

L’héritage de « Camelot »jackie_1

 

Bien évidemment, il ne s’agit pas ici d’un biopic affectueux sur la star hongkongaise du même (pré)nom, mais d’un film s’attardant sur la figure, devenue légendaire, de Jacqueline Bouvier Kennedy, dit Jackie, sans doute la veuve la plus tristement fameuse de l’histoire des États-Unis. Jackie Kennedy était une femme modèle et admirée durant les années 60, la moitié d’un couple au charisme incandescent, dont le destin fut brisé par l’assassinat de son mari. Jackie, basé sur un scénario de Noah Oppenheim, co-scénariste du Labyrinthe et plus connu pour ses activités en tant que producteur de télévision, s’intéresse à ce personnage illustre et tragique en prenant pour point d’ancrage l’attentat de 1963. Il s’agit non pas de faire œuvre de pédagogie théoricienne comme l’avait fait Oliver Stone et nombre d’autres réalisateurs, mais de pénétrer l’intérieur de la psyché de la Première Dame, qui voit son monde s’écrouler en quelques minutes, mais doit surmonter sa peine dans les jours qui suivent pour construire l’héritage de ses années à la Maison Blanche, ce royaume clos qu’elle surnomme « Camelot ».

[quote_center] »Les premiers retours critiques applaudissent l’approche inhabituelle du montage de Pablo Larrain. »[/quote_center]

La gestation du projet remonte à plusieurs années, puisque dès 2010, le couple Darren Aronofsky et Rachel Weisz s’était intéressé au script. Au final, le réalisateur de Black Swan s’est contenté de produire le film, tandis que la star oscarisée… de Black Swan, Natalie Portman, s’est glissée dans la peau et les tenues impeccables de Mme Kennedy. Présenté en grandes pompes à la rentrée dans les festivals de Venise et Toronto, Jackie a fait une quasi-unanimité : les premiers retours critiques applaudissent l’approche inhabituelle du montage de Larrain, peu connu pour être un adepte de la narration conventionnelle. Comme le suggère la première et excellente bande-annonce ci-dessous, le film est construit comme une mosaïque de souvenirs, arrangée selon une logique hasardeuse semblable à l’état mental des victimes de traumas sévères. Un choix judicieux donc au vu des événements retracés en flash-back dans Jackie, et qui permet surtout à Natalie Portman, métamorphosée pour les besoins du rôle, d’effectuer une prestation d’équilibriste très remarquée. À tel point que les médias américains lui prédisent déjà une nouvelle statuette lors des prochains Oscars. Nul doute que Jackie devrait faire reparler de lui d’ici là…


Bande-annonce