Après avoir emmené Pierre Niney vers le César du meilleur acteur pour Yves-Saint-Laurent, l’acteur et réalisateur Jalil Lespert s’essaie à présent au polar avec Iris, libre interprétation de Chaos, l’un des plus fameux films de Hideo Nakata, sorti en 2001. À première vue, l’exercice semble prendre une assez belle allure. Le réalisateur se met en scène aux côtés de Romain Duris, Charlotte Le Bon et Camille Cottin, « connasse » ici à contre-emploi. Mais l’interprétation peine pourtant à convaincre. Caricaturaux et sans mystère, les acteurs manquent un peu d’imagination, de variation dans leur jeu. Une impression douloureusement renforcée par leur surexposition actuelle.

N’existe-t-il pas, dans le vivier des jeunes pousses françaises, des talents capables d’endosser avec une vraie épaisseur de pareils rôles ? Avec un Romain Duris sans nuance, qui ne cherche jamais à aller plus loin que son personnage de mécano plein de haine refoulée, une Charlotte Le Bon effacée à la sensualité poussive, et une Camille Cottin qui sonne tout simplement faux, le film est handicapé par ces choix de casting possiblement manqués. Sans chercher à « refaire le match », il est impossible de ne pas imaginer l’ampleur d’un tel rôle entre les mains de Tahar Rahim, entre autres exemples. À l’écran, la machination agencée par Lespert ne semble pas totalement maîtrisée et cela est fort dommageable.

Noir, sensuel… et incohérent

L’un des points attirants soulevé par ce remake reste un beau mélange des genres sur le papier. Dans la plus pure tradition du polar à rebondissements, Iris débute avec l’enlèvement de l’épouse d’un milliardaire (Jalil Lespert lui-même). Camille Cottin (il faudra s’y faire) mène l’enquête, accompagnée par un collègue sans relief interprété par Adel Bencherif. Un jeu de dupes débute lorsque la mystérieuse Claudia (Charlotte Le Bon) demande à un garagiste (Romain Duris) tiraillé entre ses obligations familiales et ses ennuis financiers, d’organiser son enlèvement pour échapper aux griffes redoutables de son riche époux.

[quote_center] »Caricaturaux et sans mystère, les acteurs manquent un peu d’imagination, de variation dans leur jeu. »[/quote_center]

Il est possible de déceler un hommage très net à Body Double de Brian de Palma dans ce film qui plonge à corps perdu dans un long suspens érotico-malsain, en appuyant bien trop cette dernière carte, sans réelle justification. Chaussant ses gros sabots, Jalil Lespert met en place une intrigue dominant/dominé mal amenée et truffée d’incohérences, sur fond de sado-masochisme et de sous-intrigues sans saveur. Rapidement, bien trop vite, un twist clôt le suspens pour tenter de s’accrocher aux branches et apporter un semblant de cohérence à une intrigue brouillonne. Les accents pervers, sulfureux, sont bien là, mais plusieurs éléments de collent pas.

Heureusement, Jalil Lespert parvient à rendre l’ensemble divertissant grâce à une certaine maîtrise de la caméra. Avec Yves Saint-Laurent, il avait prouvé son goût pour l’éclairage signifiant et l’importance, littérale, des zones d’ombres. Une nouvelle fois, avec son équipe, il sait utiliser ce talent à bon escient : des gouttes d’eau qui chutent sans laisser de trace sur l’écran, un travail tout en nuance sur l’obscurité, autant de touches qui rendent le long-métrage plutôt élégant visuellement… Mais pas suffisamment pour façonner un grand film.


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Deux sur cinq
Iris
De Jalil Lespert
2016 / France / 99 minutes
Avec Romain Duris, Charlotte Le Bon, Jalil Lespert
Sortie le 16 novembre 2016
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Crédits photos : Thibault Grabherr