Guillermo Del Toro n’est décidément jamais là où l’on attend. L’empereur des geeks, sorti de la production massive de Crimson Peak, déclaration d’amour au cinéma gothique à l’esthétique enivrante, a comme à son habitude fait parler de lui sur de multiples projets. À ce stade, il est clair que la carrière fantasmée du réalisateur mexicain est au moins aussi importante que sa filmographie « réelle ». Faute de pouvoir compter sur un Justice League Dark, un Pacific Rim 2 (qui se fera sans lui) ou un Hellboy 3 (qui sera « rebooté » sans lui aussi), c’est à nouveau avec un scénario original, co-écrit avec Vanessa Taylor (Divergente, Game of Thrones), et mûri depuis plusieurs années qu’il revient derrière la caméra. Le nom du projet : The Shape of Water.
Le monde du silence… et des sentiments
Tout comme Le labyrinthe de Pan et L’échine du diable, qui restent objectivement ses deux films les plus personnels, The Shape of Water se déroule en temps de guerre. L’histoire se déroule en 1963, une ère d’espions et de secrets, et Elisa (Sally Hawkins, Blue Jasmine) est au cœur de ce monde fait d’ombres et de mystère. Muette, Elisa travaille avec son amie Zelda (Octavia Spencer) à l’entretien d’un laboratoire gouvernemental ultra-secret, dans lequel sont menées de nombreuses expériences. L’une d’entre elles concerne une créature aquatique amphibie (Doug Jones), un spécimen unique et fascinant dont l’origine intéresse particulièrement le patron des lieux, Strickland (Michael Shannon). La vie d’Elisa, marquée par l’isolement et le silence, va être bouleversée par sa rencontre avec la créature : une connexion se crée entre eux, qui va les pousser à braver les pires dangers…
[quote_center] »La vie d’Elisa, marquée par l’isolement et le silence, va être bouleversée par sa rencontre avec la créature. »[/quote_center]
Les histoires d’amour ne sont pas si fréquentes dans l’univers féerique, mais torturé de Del Toro. Hellboy et Crimson Peak contenaient leur lot de romances contrariées – voire carrément tordues, mais avec The Shape of Water, le réalisateur semble embrasser pleinement sa nature sentimentale. Il suffit de jeter un œil à la renversante bande-annonce, pas avare en révélations et en plans magiques, pour comprendre que le scénario misera tout autant sur le mariage entre film d’époque et éléments fantastiques, que sur l’étude intimiste d’une « princesse sans voix » redécouvrant un sens à la vie au contact d’une créature que personne d’autre ne comprend. Si elle rend forcément hommage à celle du Lagon Noir (il était d’ailleurs question que le réalisateur en dirige un remake avant qu’elle n’intègre le « Dark Universe »), la créature en question, dans le look comme dans la gestuelle (et sa nourriture !), fait fortement penser à Abe Sapien, l’amphibien ami de Hellboy. Il est de fait joué par le même acteur : doit-on en penser que The Shape of Water se déroulerait dans l’univers du « BPRD » imaginé par Mike Mignola ? C’est un mystère qu’il faudra résoudre dans les salles.
Magie, mystères et Guerre Froide
Ce qui est sûr, c’est que le film, dont l’ambiance caverneuse et hyper esthétisante rappelle par endroits le récent Cure For Life, pourra s’appuyer sur une équipe technique de haute volée, comme toujours chez Del Toro, du directeur photo Dan Lausten (John Wick 2) au compositeur Alexandre Desplat en passant par le directeur artistique Nigel Churcher, collaborateur habituel d’Edgar Wright. Outre les excellents Hawkins, Spencer et Shannon – une fois de plus castés dans un rôle de méchant qu’il maîtrise parfaitement -, le film comptera au casting Richard Jenkins, Michael Stuhlbarg (phénoménal dans la dernière saison de Fargo), ou encore David Hewlett. Tout en étant parfaitement dans la lignée thématique et esthétique de ses précédents travaux, The Shape of Water pourrait bien s’avérer être une élégante et passionnante surprise de la part d’un Guillermo Del Toro toujours aussi désireux d’apporter une patte d’originalité dans un Hollywood de plus en plus cynique et aseptisé. Verdict le 10 janvier 2018 dans les salles !