Stephanie : la jeune fille et le monstre
Encore du Blumhouse ? Oui, mais Stephanie, huis clos fantastique sur une jeune fille cachant de lourds secrets, parvient à captiver autant qu’à nous faire frissonner.
Voilà maintenant une décennie que la boîte à frissons Blumhouse parfait la formule qui lui permet de régner sans partage sur l’univers du film d’horreur à travers le monde. Des films à petit budget, un casting de têtes connues, mais pas trop chères, et surtout un scénario permettant de cantonner l’action à un minimum de décors, comme une grande maison de banlieue. American Nightmare, Dark Skies, Pas un bruit, The Visit ou encore le carton Get Out : autant de longs-métrages se déroulant pratiquement dans un unique décor, rentable et économique en terme de production. Tourné il y a presque deux ans par Akiva Goldsman, par ailleurs scénariste et adaptateur déplorable de romans cultes auteur des massacres de Je suis une légende et de La tour sombre, entre autres infamies, Stephanie entre de plain-pied dans cette catégorie, puisque l’intégralité de ce film fantastique se déroule dans le pavillon cossu où habite notre (très) jeune héroïne.
Stéphanie (Shree Crooks, très convaincante) vit par elle-même dans une grande maison laissée plus ou moins à l’abandon. Elle se prépare elle-même ses repas – aussi équilibrés que vous pourriez l’espérer avec une enfant de 8 ans —, discute avec Francis, son ourson préféré, et préfère regarder ses dessins animés à la télé plutôt que les news faisant état d’une mystérieuse épidémie touchant l’ensemble de la planète. La routine de la jeune fille, aussi amusante et innocente, soit-elle, se pare vite d’un inquiétant mystère. La chambre de son petit frère n’est semble-t-il pas vide, et une présence monstrueuse semble empêcher Stéphanie de mettre le pied dehors. Les questions s’accumulent dans notre tête, jusqu’à ce que les parents de l’enfant, Paul (Frank Grillo) et Jane (Anna Torv, que nous n’avions pas croisé depuis un moment), effectuent un retour-surprise à la maison. Une autre histoire, tout aussi chargée en points d’interrogation, démarre alors…
Paranoïa parentale
Avec son pitch évoquant un épisode long format de La quatrième dimension (il est évident qu’un twist se profile à l’horizon), son intrigue ramassée autour d’un trio d’acteurs représentant chacun la partie d’un puzzle que le spectateur doit reconstituer, Stephanie réussit à accrocher notre attention avec une vraie économie d’énergie. Basique au possible, la réalisation de Goldsman (qui enchaînera bientôt, ô coïncidence, avec un remake du Charlie de Stephen King), fait le choix intelligent de s’effacer devant un script aussi logique que carré, signé par Ben Collins et Luke Piotrowski, qui jongle longtemps avec l’idée de faire de son personnage central une victime piégée dans une situation qui la dépasse, ou un descendant du Damien de La malédiction. L’économie de moyens propre aux productions Blumhouse a tendance à jouer en faveur du film, qui ne prétend pas tutoyer les classiques du genre, mais fait planer avec maîtrise le suspense. Que les parents, figures protectrices et savantes, se révèlent par des successions d’ellipses et de dialogues à double sens, aussi taiseux que paranoïaques, rajoute à l’atmosphère malsaine qui règne sur ce huis clos ne laissant aucune question irrésolue, quitte à se montrer impitoyables avec ses personnages.
À noter que pour cette édition française, le public semble avoir échappé au montage originel, qui encadrait le début et la fin du film avec un flash-forward futuriste où apparaissait Harold Perinneau Jr (Lost , Sabotage), totalement hors de propos et superflu aux dires des critiques anglo-saxonnes. Pour une fois, on ne se plaindra donc pas qu’Universal ait préféré proposer un cut différent !