Seuls sur Terre : post-apo en duo (Sitges 2018)
Peter Dinklage et Elle Fanning survivent difficilement à l’apocalypse dans Seuls sur Terre, production indé estampillée Sundance pour le meilleur et pour le pire.
Après une catastrophe qui a dépeuplé l’Amérique, Del (Peter Dinklage) survit seul dans une petite bourgade de l’état de New York. Méthodiquement, il va de maison en maison, enterre les corps qu’ils trouvent, collectent les souvenirs et photos des anciens occupants pour en faire un musée personnel. À la fin de ce processus, il marque la rue devant la maison avec un X géant en peinture blanche puis il passe au suivant. Mais c’est sans compter sans l’irruption soudaine d’une autre survivante, Grace (Elle Fanning) qui va non seulement perturber sa routine de vie personnelle bien réglée mais induire un doute jusqu’alors ignoré : et s’il y avait d’autres rescapés ailleurs ?
Un scénario à deux vitesses
Pur produit du cinéma indépendant US, avec aux manettes Reed Morano, une ancienne directrice photo émérite passée à la réalisation (avec déjà un long-métrage à son actif, Dans la brume du soir et des épisodes de The Handmaid’s Tale), I Think We’re Alone Now présente à la fois toutes les qualités et les défauts d’un film estampillé Sundance. Pour la faire courte et sans spoiler un des ressorts dramatiques centraux, on a la nette impression de voir deux courts métrages combinés avec quelques éléments en surplus pour allonger la sauce, et sans que la conclusion soit concluante au demeurant.
De cette œuvre, Peter Dinklage qui, tout en étant quasi mutique, semble s’épanouir dans cette inquiétante solitude, tout dévoué à une tâche qui le rattache encore à son humanité. À travers une narration quasi hypnotique, servie par une photographie alternant atmosphère ouatée et le réalisme plus crû, Reed Romano construit un mystère persistant et saisissant sur ce petit personnage, tout en ne donnant aucune clé sur l’origine de la catastrophe et pourquoi ce destin meurtrier lui a été épargné. Et l’interprétation solide de la star de Game of Thrones, son magnétisme naturel, est pour beaucoup dans la tenue de ce premier acte, où le simple fait de le voir boire un verre de vin au coucher du soleil ou s’affairer dans le confort de sa grande bibliothèque résonne comme une victoire sur la vie. Ce lyrisme et ce calme seront troublés par l’arrivée d’Elle Fanning, en mode candide et presque enjouée, d’abord perçue comme une perturbation et une source d’ennui pour Del, avant que la jeune femme parvienne à s’insérer parfaitement dans ce semblant de rêve.
Une fin de parcours chaotique
Ce passage d’une méditation artistique sur la nature de l’isolement à une étude plus traditionnelle de personnages contrastés venant d’horizons différents, avec une opposition somme toute classique (lui taiseux et prudent alors qu’elle est bavarde et aventureuse) est prévisible, mais reste soutenu avec grâce par le talent complémentaire des comédiens. Il est donc dommage que ce dispositif, qui insufflait au film une bonne dynamique, se trouve sacrifié par un troisième acte qui tourne au récit de science-fiction paranoïaque, comme si l’on revenait au bon vieux temps de l’anticipation seventies avec un zeste de Twilight Zone. Même si la surprise pouvait être anticipée, les ressorts scénaristiques qui s’enchaînent alors se révèlent trop tortueux pour être crédibles, annihilant toute l’émotion qui avait été fabriquée avant, laissant le spectateur à la fois floué et déconcerté.
Œuvre qui se veut une réflexion sur la conservation de la mémoire et du devenir d’une certaine Amérique, I Think we’re alone now ne restera donc malheureusement pas dans les annales du genre post-apocalyptique, même s’il offre comme maigre compensation le plaisir d’écouter quelques bons vieux morceaux de Rush !