Du 4 au 14 octobre se déroule à Sitges, attrayante bourgade balnéaire logée à quelques encablures de Barcelone, la 45e édition du Festival international du cinéma fantastique de Catalogne. Sitges, pour les professionnels comme les amoureux du cinéma de genre, fait figure d’événement incontournable depuis toutes ces années, tant le nombre d’avant-premières, de révélations et de pépites dénichées par l’équipe organisatrice est impressionnante. Plus d’une centaine de films, du plus gros blockbuster américain à plus fauchée des séries Z polonaises, sont projetés durant une dizaine de jours dans les trois salles de ce festival marathonien par définition. Le twist étant qu’on y trouve pas que du fantastique, mais aussi du polar, de la comédie non-sensique, voire du drame… Pour résumer les choses, Sitges c’est un peu Cannes sans le strass et les défilés de mode, la capitale européenne du cinéma de genre, point de passage obligé pour démarrer un buzz international.
Afin de saluer l’ouverture de cette cuvée 2012, My trailer is rich est dédié cette fois-ci intégralement à la sélection pantagruélique du festival. Il y a de l’exclu attendue (le nouveau Rob Zombie), de la production locale (toujours aussi alléchante), du barge asiatique (pléonasme)… Comme toujours, n’essayez pas de comprendre. Regardez !
Un Zombie au pays des sorcières
On n’ira pas jusqu’à dire que Rob Zombie a des choses à se faire pardonner. Mais le réalisateur de The Devil’s rejects parie malgré tout gros sur son prochain, et très attendu, film d’horreur, succédant aux deux déconvenues très médiatisées qu’ont été Halloween 1 et 2. Pas des mauvais films, en tout cas pas le premier, mais des occasions manquées de redonner un certain lustre à une saga traînée depuis trois décennies dans la boue de séquelles commerciales et sans âme. Le premier à en avoir pâti est Zombie lui-même, qui a du coup décidé de partir d’une idée originale pour réaliser son longtemps annoncé The Lords of Salem. Petit budget, promo contrôlée, casting composé d’habitués du genre et/ou du cinéaste, histoire entourée de mystère (on sait en gros que des sorcières brûlées au XVIIe siècle vont revenir déchaîner les Enfers à notre époque, à cause d’une animatrice radio)… et maintenant un premier trailer, hypnotique, qui évoque forcément Kubrick avec son Requiem de Mozart rythmant une succession de plans larges mystérieux et inquiétants. On pense aussi beaucoup à Argento, Mojica Marins et à la Hammer, références plutôt logiques vu le sujet. Excepté quelques moments assez cheap qui évoquent plus un clip de black métal qu’autre chose, ces 90 secondes d’images cryptiques suintent l’ambition et la démesure, et nous rendent encore plus impatients de juger sur pièces ce retour aux affaires.
Le cercle des peluches parlantes
Qu’y a-t-il de mieux qu’une bande-annonce rythmée par le staccato de sa musique, un montage musical qui emploie l’ellipse répétée pour mieux nimber ce qu’il vend d’une aura de mystère ? Le premier long de Marçal Forès, jeune talent catalan (c’est joli ça, essayez de le dire vite pour voir), Animals, se repose sur cette figure de style pour nous aguicher efficacement. L’histoire, quand même, qui rappelle à la fois Kaboom… et Ted : un étudiant nommé Pol a pour ami (imaginaire ?) un ours en peluche qui parle avec lui et l’épaule dans ses moments de joie comme de peine. Cette amitié déjà bien étrange prend un tour un peu plus glauque lorsqu’il rencontre Ikari, un autre étudiant mystérieux, et qu’un meurtre secoue l’université. Bourré on l’imagine de métaphores sur le passage à l’âge adulte et le pouvoir de l’imagination, Animals intrigue fortement, d’autant plus qu’on y croise un invité surprise nommé Martin Freeman, alias Bilbo lui-même (ou docteur Watson, si vous êtes sérivore).
Tell me where is the bomba!
Malgré un budget relativement restreint de 4 millions d’euros, et un réalisateur surtout connu pour son travail à la télévision, l’ibérique Invasor, présenté en avant-première mondiale, a l’ambition d’être un thriller d’action à grande échelle (à la 24, donc), surfant sur une actualité brûlante. Le héros de cette adaptation du roman de Fernando Marias est Pablo (Alberto Ammann, découvert chez nous dans Cellule 211, des mêmes producteurs), un médecin militaire qui sort vivant d’une attaque dévastatrice au Moyen-Orient. Revenue dans sa Galicie natale, le soldat commence à mettre en doute l’explication officielle, et met ce faisant sa famille en danger. Parce que c’est bien connu, c’est pas parce qu’on est paranoïaque qu’ILS ne sont pas après vous. On peut donc se préparer à courir beaucoup avec Pablo, dans cette tentative efficace d’émuler le style des films d’actions yankees, ce qui change des films fantastiques feutrés que l’Espagne nous envoie régulièrement en masse (le dernier en date, The Body, fait pour info office de film d’ouverture cette année à Sitges).
À la recherche du temps perdu
Le voyage dans le temps est un thème tout trouvé pour triturer la matière cinématographique, pour plier à ses désirs les techniques de narration et d’effets visuels. Lee’s Adventure nous fait cette promesse dans sa délirante bande-annonce, avec son histoire de « syndrome de désordre temporel » évoquant une version sous stéroïdes de Cashback. Lee souffre donc de cette maladie (imaginaire) qui lui fait ressentir le temps différemment. Il tombe, forcément, amoureux de Wang quand il apprend qu’elle aussi est victime de ce syndrome. Lorsqu’elle meurt par accident, il se persuade qu’il peut remonter le temps pour la sauver. Dans ce film chinois, on parle donc amour fou, jeux vidéo et time travel, avec l’intrusion de séquences animées pour dynamiser un récit fonctionnant comme un Inception en roue libre (et aussi sans doute pour masquer un certain manque de budget). Autant dire qu’on a hâte de rentrer dans la partie avec Lee.
Dans les petits espaces, tout le monde vous entend crier
Bon, on va pas nier l’évidence : il y a peu de chances que Crawlspace soit un grand film. Il y a même peu de chances qu’il soit juste bon, puisque le trailer nous présente ce qui semble bien être un bon gros film de couloirs, comme Outpost et un grand paquet de séries B toujours expédiées en DVD. Une troupe « d’élite » (qui se révèle souvent être bien peu pro) investit dans Crawlspace une base souterraine, rencontre une jeune fille amnésique qui erre dans les corridors (hello Aliens), et se retrouve confrontée à… des monstres mutants. On s’en fout un peu, puisqu’on se doute bien que le réalisateur Justin Dix, qui a fait ses armes au rayon effets spéciaux sur la prélogie Star Wars, ne va pas chercher à émuler Andrei Tarkovski, mais plutôt à emballer avec peu de décors un huis-clos bourrin avec assez de suspense pour nous empêcher de ronfler. Pourquoi en parler, alors ? Peut-être parce que le film est australien (un point), parce qu’il est produit par Greg « Wolf Creek » McLean (un point) et que l’affiche est positivement sublime (dix points). Aussi simple et subjectif que ça.
Bonus time : soyez pas timides, si vous voulez plonger à fond dans la programmation éclectique et électrisante de Sitges, baladez-vous sur la page dédiée aux trailers du festival, à cette adresse. Vous m’en direz des nouvelles !