Rasta Rockett, Les rois du patin, Over the top, Dodgeball… Il existe de nombreux exemples de comédies sportives improbables, tournant en dérision l’esprit de compétition de bras cassés ou de champions contre-nature et les transposant dans une discipline athlétique touchant au ridicule. Car oui, un film de boxe ou de base-ball c’est bien gentil, mais il y a beaucoup plus de chance d’être plié en deux devant une comédie de Will Ferrell sur le patinage artistique ou une œuvre grandiose dédiée à la balle au prisonnier.

À la force du balai, tu vaincras

Dans le coin marron et bleu, on retrouve Truls Paulsen (Antonsen), perfectionniste de la pierre plate !

Le Norvégien Ole Endresen a lui décidé de s’inspirer du mètre-étalon du film de bowling, The Big Lebowski, ainsi que de l’humour scato-vachard-tendre des frères Farrelly (auteurs de l’autre film-clé sur le bowling, Kingpin) pour tourner un long-métrage dédié à la gloire… du curling. Oui, vous savez ce sport d’intérieur (qu’on pratique aussi sur les ponts de paquebots transatlantiques dans les films de James Cameron) où deux balayeurs s’escriment à nettoyer le passage d’une grosse boule plate pour qu’elle vienne se placer au centre d’une cible aux couleurs de la France. Une sorte de pétanque sur glace, donc, qui oblige chacun des athlètes à emprunter des poses ridicules, et dont les matches sont des modèles de lenteur fascinante. Les Norvégiens, tout heureux d’avoir été médaillés d’or dans cette discipline tout sauf branchée, sont de grands amateurs de ce sport olympique. Will Ferrell n’ayant pas pris d’option sur le sujet, Le roi du curling se charge donc d’immortaliser cet univers, avec la manière.

Vêtus du genre de joggings assortis qu’on réserve aux vrais winners, Truls Paulsen et ses équipiers sont les champions incontestés du curling norvégien, des maniaques de la « pierre » au balai affûté. Truls, pourtant a moins l’étoffe d’un champion que celle d’un maniaque obsessionnel. Le jour où il pète un câble sur la glace, Truls prend le chemin de l’asile, et la dream team se sépare. Dix ans plus  tard, pourtant, alors que son mentor se meurt d’un cancer, le bidonnant moustachu, tout juste revenu à la liberté, doit reformer son équipe, et vaincre son ennemi de toujours, le bellâtre Stefan Ravndal.

Ça peut vous laisser de glace

Stefan Ravndal (Conradi) gagne le prix du « jogging assorti» de l’année. Haut la main.

Dès les premières minutes, l’influence du classique des frères Coen se fait sentir : remplacez la boule par une « pierre », et vous obtenez ce même mélange de grâce absurde, de ridicule assumé, de triomphe dérisoire et de travellings latéraux qui faisait la spécificité de Big Lebowski. Endresen a pioché dans tous les classiques du genre pour mettre sur pied cette histoire habituelle de bras cassés aux caractères grossièrement tracés (l’idiot gentil, le dragueur lourdaud, le rabat-joie…), dont les différences ne les empêcheront pas de triompher de tous les obstacles, mêmes les plus imprévus. Le « méchant » Ravndal, aussi vulgaire que miteux, paraît même complètement calqué sur l’anthologique White Goodman joué par Ben Stiller dans Dodgeball.

On reste donc en terrain connu malgré les inévitables différences culturelles : l’humour scandinave d’Endresen, qui n’est pas sans rappeler celui de son compatriote Bent Hamer (Kitchen Stories) est toujours à cheval entre la connerie cosmique de l’école SNL et la tendresse pour les outsiders qu’on retrouve chez certains auteurs de comédies décalées tels qu’Aki Kaurismaki. Pas qu’Endresen parvienne toujours à émuler ces références : le film est handicapé par la tendance de ses comédiens, Atle Antonsen en tête, à improviser plus que de raison autour de blagues plus ou moins efficaces. Lorsque les gags visuels, et le curling lui-même, prennent le dessus, le résultat se révèle toutefois séduisant, car plutôt soigné et enlevé. La partie finale vaut ainsi son pesant de semelles plates ! Toutefois, comme tout sport improbable, le curling ne se prête pas trop à d’infinies variations, et les ressorts humoristiques éculés d’Antonsen et Endresen, co-scénaristes de la chose, privent le film d’une certaine énergie, perdue dans des sous-intrigues inexploitées et dont on cherche parfois l’utilité drolatique. Heureusement donc, que Le roi du curling ne dépasse pas les 85 minutes de métrage, dont, surprise, moins d’une vingtaine seulement est consacrée à ce sport venu d’une autre dimension (en fait d’Écosse).


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Troissurcinq
Le roi du curling (Kong curling)
D’Ole Endresen
2011 / Norvège / 82 minutes
Avec Atle Antonsen, Linn Skaber, Harald Eia
Sortie le 2 janvier 2013
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