Oscars 2023 : quel bilan pour les plateformes ?
Les Oscars 2023 ont consacré avec 7 statuettes Everything Everywhere All at Once, mais Netflix et AppleTV Plus ont également tiré leur épingle du jeu.
Le refrain entonné par l’hôte des Oscars Jimmy Kimmel dès le début de la 95e cérémonie a donné la couleur : cette édition 2023 était celle du retour en force de Hollywood et de la salle, après presque deux années marquées par un box-office en berne et des cinémas fermés des mois durant. Les machines à gagner que sont les blockbusters Avatar : la voie de l’eau et Top Gun : Maverick, étaient là pour marteler ce message, mais finalement, c’est l’outsider préféré des votants, le Everything Everywhere All At Once des Daniels, qui a raflé l’essentiel des statuettes majeures de cette nuit de fête dénuée de toute polémique et de déraillement inattendu.
7 Oscars, dont meilleur film, meilleur réalisateur et meilleure actrice, pour le poulain doré du distributeur indé A24 : la razzia a en conséquence laissé sur le bas-côté nombre de films multi-nommés comme Tàr, Les banshees d’Inisherin, Elvis, Sans filtre, Babylon et surtout The Fabelmans. Des œuvres sans doute plus conformes à l’idée que l’on pouvait se faire d’un « film oscarisable », une notion définitivement plus floue maintenant qu’un long-métrage sur le multivers avec des bastons à coups de plug anal, une parodie de Ratatouille et des cailloux qui parlent a remporté une pluie de statuettes dorées.
A l’Ouest, une belle moisson pour Netflix
Tout ce discours autour du retour du public en salles (EEAAO a mine de rien cumulé 100 millions de dollars dans le monde) a éclipsé cette fois la présence des plateformes dans la compétition. Il n’y a pas eu de duel de streamers comme en 2022, où s’affrontaient le film Netflix The Power of the Dog et l’acquisition d’AppleTV+, CODA. Pourtant, la firme au N rouge a enregistré son plus grand nombre de récompenses pour un seul film avec A l’Ouest, rien de nouveau. Favori pour l’Oscar du film étranger, l’adaptation allemande du classique sur la Première Guerre Mondiale a déjoué les pronostics en raflant également les Oscars de la meilleure musique (face à John Williams, Carter Burwell ou Justin Hurwitz), de la meilleure photographie et des meilleurs décors. Quatre statuettes (contre 3 pour Roma) qui s’ajoutent à celle remportée pour le brillant Pinocchio de Guillermo del Toro – devenu le premier cinéaste primé pour meilleur film, réalisateur et film d’animation, et au court-métrage documentaire Ceux qui murmuraient à l’oreille de l’éléphanteau. La victoire du film d’Edward Berger signifiait la défaite côté film international d’Argentina 1985 sorti sur Amazon Prime Video. C’est une performance non négligeable pour Netflix, que l’on pensait un temps distancé après les campagnes de promotion décevantes engagées autour de ses poids lourds de fin d’année Glass Onion, Bardo et White Noise (2 nominations à eux trois).
AppleTV+, moins présent cette année car en déficit de films forts, a enregistré une belle victoire avec le court-métrage d’animation pour (très) jeunes enfants Le garçon, la taupe, le renard et le cheval, favori consensuel de sa catégorie. Avec Scorsese et Ridley Scott attendus l’année prochaine, cela pourrait être une simple année de transition pour le streamer américain, qui multiplie les productions maison ambitieuses. Dernière récompense « labellisée » SVOD, l’Oscar du meilleur documentaire est allé à Navalny, sur l’opposant à Poutine, emprisonné et victime de plusieurs tentatives d’assassinat. Un doc coup de poing produit par CNN, disponible sur HBO Max, et qui sera peut-être visible dans quelques temps sur Prime, via le pass Warner ?
Au final, un bilan loin d’être déshonorant pour les plateformes, qui aux côtés de distributeurs dans l’air du temps comme A24 (qui repart avec 9 statuettes grâce à EEAAO et The Whale), font figure de force incontournable et reconnue par l’Académie. L’échec à la fois commercial (aux USA) et « professionnel » des films de Spielberg, Todd Field, Damien Chazelle ou Martin McDonagh, tous bredouilles, sonne dans ce cadre comme un changement de paradigme important pour les studios traditionnels, qui doivent désormais composer avec le fait que les outsiders pour la récompense suprême peuvent surgir de nulle part, partout, en même temps.