L’année 2013 a débuté en force sur le front du direct-to-video, marché de plus en plus ouvert et commercialement intéressant pour les éditeurs de tous poils. La multiplicité des supports de lectures, physiques ou virtuels, a décuplé en parallèle les moyens d’exposition médiatique pour les titres les plus modestes, qui peuvent parader sur la page d’accueil de votre site de VOD juste à côté des derniers blockbusters et comédies à la mode. Des études portant sur l’année 2012 ont montré un boom surprenant des chiffres de la vidéo à la demande, qui selon toute vraisemblance, va bientôt ingurgiter à vitesse supersonique le marché du DVD et du Blu-Ray, ce dernier support ne représentant toujours que 20 % des ventes de films physiques. La HD à la maison, c’est tellement facile maintenant…

[quote_left] »De la Tasmanie à l’Israël en passant par l’Ouganda et les forêts coréennes, vous allez voyager. »[/quote_left]Il y a donc de la quantité dans l’offre de films pas-vus-en-salles-mais-de-toute-façon-je-vais-pas-au-cinéma. Pas toujours de la qualité, c’est sûr, même si certains graphistes malicieux aimeraient bien vous faire croire que derrière leurs rutilants posters (et retitrages éhontés) se cachent de fabuleux trésors filmiques. En janvier, outre le plaisir de voir débarquer le longtemps inédit Shiver, la bonne surprise qu’on attendait vraiment pas se nomme Universal Soldier : day of reckoning. Un opus halluciné dont le plus grand défaut est sans doute de s’intituler Universal soldier, tant la simple mention de cette saga fait rire n’importe quel spectateur aujourd’hui (mais sait-il seulement pourquoi ?). La sélection de BTW est, pour le reste, assez spartiate : ce qui est sûr c’est que ce mois-ci, de la Tasmanie à l’Israël en passant par l’Ouganda et les forêts coréennes, vous allez voyager. Allez, bonne lecture… et, plus que jamais, bonne chasse !

Le Chasseur

Pasvujan2013_1Un film de Daniel Nettheim, avec Willem Dafoe, Sam Neill, Frances O’Connor

Sorti le 2 janvier – Seven 7

Genre : aventure

Lorsqu’on pense au lointain pays de Tasmanie, la première image qui vient à l’esprit, c’est Taz. Le héros de cartoon est un diable de Tasmanie, à ne pas confondre avec l’animal qui est au centre du Chasseur, deuxième long du téléaste australien Daniel Nettheim. Ici, il est question du tigre de Tasmanie, cette fameuse espèce considérée comme éteinte depuis 1936, mais mythique au point d’être l’emblème de la nation et d’avoir fait l’objet de réels projets de clonage dans les années 90. C’est sur ce postulat que se base le roman de Julia Leigh (Sleeping Beauty), que Nettheim aura mis du temps à adapter. Le chasseur est ici joué par Willem Dafoe, mutique, le regard inquiet, en mission dans la jungle tasmanienne pour retrouver et si possible capturer l’un de ces invisibles tigres. Une quête ardue dans une région spectaculaire, à couper le souffle, qui n’est pas du goût des autochtones. Le sujet est passionnant, l’ode à la Nature, tout entière symbolisée dans cet animal nimbé d’une aura mystique, très émouvante. Dommage pour Nettheim : il choisit de diluer le rythme et l’intérêt de son histoire dans un récit parallèle inintéressant avec la famille éplorée chez qui Dafoe doit résider. Comme tout bon chasseur, celui-là aurait dû aller droit à l’essentiel : le temps de quelques séquences (surtout vers la fin), Le Chasseur touche bel et bien sa cible.

The Day

Pasvujan2013_2Un film de Douglas Aarniokoski, avec Dominic Monaghan, Shawn Ashmore, Ashley Bell

Sorti le 16 janvier – Wild Side Video

Genre : post-apocalyptique

Présenté en 2012 au festival de Gérardmer, The Day a pris son temps pour rejoindre les bacs français. Dernier représentant d’un certain type de post-apo grisâtre et dépressif, The Day est un compagnon de route idéal au Livre d’Eli, à Stake Land ou encore Hell. Douglas Aarniokoski (Highlander endgame, un client sérieux donc) va toutefois plus loin que ses petits copains, désaturant l’image à un point tel qu’on se croirait dans un film expressionniste, et gardant l’action confinée entre les quatre murs d’une masure servant de refuge éphémère à une poignée de « survivants » pas très joyeux. Dominic « Charlie » Monaghan et Shawn Ashmore (X-Men), co-producteurs de la chose, sont les héros tourmentés de ce Day délavé, qui peut se targuer d’avoir des personnages féminins (joués par Ashley Bell et Shannyn Sossamon) particulièrement marquants. Mais il faudra pour cela passer outre la caméra sous ecsta de ce tâcheron d’Aarniokoski, une image décolorée donnant un aspect involontairement fauché, et une première heure pleine de lieux communs et de dialogues tellement familiers qu’on a l’impression d’avoir déjà vécu l’Apocalypse avant eux. Ce qui est impossible, on est d’accord ?

Morsures (Howling)

Pasvujan2013_3Un film de Ha Yoo, Song Kang-Ho, Lee Na-Yeong, Jang In-Ho

Sorti le 8 janvier – France Televisions

Genre : thriller

C’est inévitable : en entendant parler de Morsures (Howling, en anglais, même titre que le classique de Joe Dante), de ce mélange entre intrigue de thriller et de loups rôdant en pleine ville, il est inévitable de penser au sous-estimé Wolfen (1981) de Michael Wadleigh, et d’en espérer une version coréenne, où la star Song Kang-Ho remplacerait Albert Finney. Et on a droit, d’une certaine manière, à une sorte de variation sur ce thème, mais avec un twist qui rapproche Morsures du Dressé pour tuer de Samuel Fueller (autre film de genre malheureusement oublié). En gros, on a affaire à un buddy movie associant un vieux routard et une jeune bleusaille autour d’une enquête sur un trafic de jeunes filles. Le film est tout ce qu’il y a de plus coréen (inutilement alambiqué, trop long de vingt bonnes minutes, techniquement nickel), étrangement très misogyne – la jeune recrue ne fait pas que se faire taper dessus par ses collègues et les truands, mais elle s’avère être assez mauvaise enquêtrice – mais qui trouve son vrai – et seul – centre d’intérêt au moment où entre en scène un chien-loup (« un hybride entre chien et loup » comme nous l’apprennent benoîtement les inspecteurs) avec des yeux bleus hypnotiques et des crocs impitoyables. La bête devient le héros du film, on a même droit (deux fois !) à un flash-back sur son enfance, et Morsures nous montre que sous la fourrure de l’animal, il y a un cœur qui bat et qui a faim de justice. Miam.

Rabies

Pasvujan2013_4Un film d’Aharon Keshales et Navot Papushado, avec Lior Ashkenazi, Danny Geva

Sorti le 2 janvier – Filmedia

Genre : slasher

Rabies, doté d’un micro-budget réuni par deux jeunes réalisateurs motivés, a l’insigne honneur d’être considéré comme le tout premier slasher israélien. C’est un premier et bon moyen de se démarquer sur un marché encombré, mais ce n’est pas la seule originalité du film, qui se déroule entièrement dans un bout de forêt en proche banlieue. Rabies chasse d’abord sur les terres balisées du survival, avec un frère et une sœur (un poil incestueux, soit dit en passant) piégés par un serial killer dans un décor champêtre et anonyme, avant que les deux apprentis cinéastes-scénaristes ne déjouent nos attentes en faisant entrer une scène toute une série de personnages sans rapport apparent entre eux. Comme dans un bon vieux film choral à la Robert Altman, tout ce petit monde se croise… et se massacre, par erreur ou non, alors que les quiproquos les plus sanglants s’enchaînent, à la manière de Tucker & Dale vs Evil, mais avec un humour plus noir et acide que cartoonesque. Le duo Keshales / Papushado réussit là un bel exercice de style, aussi ludique que macabre, et souvent politiquement incorrect, avec ses champs de mines oubliés éradiquant la jeunesse locale, ses forces de police à la fois incompétentes et psychotiques et sa riche bourgeoisie décérébrée. Alors, les gars, à quand la suite ?

Machine Gun

Pasvujan2013_5Un film de Marc Forster, avec Gerard Butler, Michelle Monaghan, Michael Shannon

Sorti le 2 janvier – Metropolitan

Genre : humanitaire bourrin

Sam Childers est un biker, un vrai tatoué qui a la gueule à tendance déformante de Gerard Butler. Mais c’est aussi un drogué et un ancien taulard, qui comme Ophélie Winter va découvrir la Foi en son prochain en Ouganda. Au contact des orphelins de guerre, Childers devient donc une figure protectrice, au discours plutôt musclé… mais efficace. Précisons une chose sur le nouveau film de Marc Forster, bide critique et commercial cinglant aux USA : son titre complet est Machine gun preacher, ce qui est à la fois plus précis et logique, et résume bien la dualité quasi suicidaire que s’impose le film. Entre les pattes lourdaudes de Marc Forster, coupable d’avoir quasiment flingué le revival de 007 avec Quantum of Solace et qui s’est depuis fait viré de son propre plateau par Brad Pitt sur World War Z, Machine gun preacher devient donc ce qu’il devait être : un pensum pro-paix dans le monde vendu comme un film d’action humanitaire, où le chantage à l’émotion débouche invariablement sur des scènes d’action mécaniques et des boucs émissaires grossièrement dépeints. Il fallait un équilibriste de talent pour faire ressembler ce script à quelque chose, pas un bourrin tout terrain comme Forster, dont le seul coup d’éclat, À l’ombre de la haine, commence à ressembler sérieusement à un accident de parcours.

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