Le programme pantagruélique de l’Étrange Festival a ceci de bon qu’il garantit à chaque fidèle spectateur son compte de belles découvertes et de coups de cœur. Certains ont déjà inscrit Neuf Mois ferme en haut de leur panthéon personnel, d’autres ne se sont pas encore remis du dernier opus de Sono Sion, Why don’t you play in hell ? Il y a aussi, c’est la règle, des titres qui seront loin de faire l’unanimité, ou pire, qui feront l’unanimité contre eux. Born to Watch passe en revue dans ces premières Brèves de l’Étrange trois films qui ont fait peu de bruit lors de leur projection… ou qui en ont fait pour de mauvais raisons.

The Major : inspecteur La Bavure

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[quote_left] »Un engrenage meurtrier dont l’absurdité et le côté fataliste évoquent souvent l’univers des frères Coen. »[/quote_left]La première demi-heure du film russe The Major est un modèle d’impitoyable exposition : le capitaine Sobolev, pressé de rejoindre sa femme sur le point d’accoucher, fonce sur des routes enneigées, et remarque trop tard cet enfant qui traverse la route pour prendre le bus. C’est le drame, et pour couronner le tout, l’accident s’est passé sous les yeux de la mère. Sobolev calcule rapidement ses options : faire jouer ses relations et son grade pour couvrir cette « bavure » ou aller en prison. Bien sûr, c’est la case « corruption » qui est choisie, une décision que Sobolev ne pas tarder à regretter…

Parler de corruption en évoquant les forces de police russes est presque devenu un cliché. Cela n’empêche pas le réalisateur Yuri Bykov d’exposer sans fard l’absence de scrupules (mais pas de remords) du « Major » et de ses subordonnés, dont les décisions vont affecter toute l’unité, et déclencher un engrenage meurtrier dont l’absurdité et le côté fatalisme évoquent souvent l’univers des frères Coen. The Major n’a toutefois pas les qualités de mise en scène du duo, et passées les trente passionnantes premières minutes, le rythme faiblit grandement, le troisième acte virant à une traque attendue, à la faveur d’un revirement de notre « héros » un peu trop artificiel.


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The Major, de Yuri Bykov
Russie / 2013 / 99 minutes;
Avec Ilya Isayev, Yuri Bykov
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 Omnivores : viande avariée

Brèves de l’Étrange – The Major, Omnivores, Contracted

[quote_right] »La réponse est encore plus stupide que la question… »[/quote_right]Chaque festival recèle toujours son mouton noir, son navet ni fait ni à faire qui embarrasse généralement une salle médusée. Omnivores est le grand gagnant de cette édition, et le plus triste est qu’il s’agit d’un film espagnol, contrée peu habituée à nous décevoir quand il s’agit de film de genre. Las, cette série Z hideuse, bête et affreusement fauchée, filmée au mieux comme un épisode de Plus belle la vie, est ratée sur toute la ligne. Un critique culinaire est chargé d’enquêter sur les « diners clandestins », sa molle et pathétique investigation étant montée en parallèle avec les exactions surréalistes d’un homme de main chargé de kidnapper (en pleine rue et sans se cacher, pas peur le mec) des innocents pour les servir à manger à des rupins pris en flagrant délit de cabotinage honteux. Notre héros, aussi concerné et charismatique qu’un candidat de télé-réalité sur la TNT, mangera-t-il le mets interdit ?

La réponse est encore plus stupide que la question, et ce n’est pas avec ses actrices dénudées et son absence volontaire d’humour (ça n’empêche pas de se gondoler à de nombreuses reprises devant la pauvreté de la chose) qu’Omnivores marquera des points. Seul point positif de ce navet quatre étoiles : il ne dure que 74 longues minutes.


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Omnivores, d’Oscar Rojo
Espagne / 2013 / 76 minutes
Avec Angel Alcero, Fernando Albizu
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Contracted : protégez-vous, bon Dieu !

Brèves de l’Étrange – The Major, Omnivores, Contracted

[quote_left] »Ces scènes, aussi choquantes qu’elles soient, ne suffisent pas à faire de Contracted une réussite. »[/quote_left]On ne le dira jamais assez : en cas de coït impromptu à la fin d’une soirée arrosée, pensez à vous protéger, les jeunes ! Cela vous évitera de subir le calvaire de Samantha, ex-junkie vivant une relation orageuse avec Nikkie, et qui un soir de fête, tombe sur un charmant ténébreux… qui glisse une petite pilule interdite dans sa boisson. Ce qui n’aide pas Samantha à se souvenir de cette nuit fatale, où elle a couché avec ce dangereux inconnu que le prologue nous présente comme peu soucieux des normes sexuelles en vigueur.

Contracted embraie immédiatement après ce point de départ peu glorieux sur un décompte macabre décrivant par le menu les effets de la MST extrême qui a été refilée à Samantha. Manifestement traumatisé par le cinéma de Cronenberg, Eric England (le grindhouse Madison County) ne lésine pas sur les détails scabreux et intimes, même s’il sait jouer de la suggestion pour laisser le spectateur deviner les implications poisseuses de ce qu’il montre. Le martyre à la Brundle-Fly de Samantha, dont on devine aisément l’issue à mi-parcours, et aussi choquant qu’il soit (le film réussit l’exploit de filmer la scène de sexe la plus repoussante possible), ne suffit pas à faire de Contracted une réussite. Le simple fait que notre héroïne (Najarra Townsend, dans une performance pour le moins exigeante), malgré des symptômes aussi extrêmes que des vomissements de sang ou des yeux rouges, ne soit pas placée immédiatement par son médecin en quarantaine, est une aberration scénaristique sacrément handicapante. Peu importe après que le film se transforme en une sorte de slasher du pauvre et sacrifie aux conventions du genre : à ce stade, Contracted a perdu toute forme de crédibilité, et sa fin, pour logique qu’elle soit, ne fait que souligner le côté vain de l’entreprise.


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Contracted, d’Eric England
USA / 2013 / 90 minutes
Avec Najarra Townsend, Caroline Williams
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