Balle perdue : de l’action frenchy bien carrossée
Avec l’énergie du débutant passionné, Balle Perdue vient secouer un peu le cocotier du film d’action à la française. Simple, humble et divertissant.
La distribution remarquée de Balle Perdue sur Netflix est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle pour le cinéma d’action à la française. La bonne nouvelle, c’est que le jeune loup Guillaume Pierret, après avoir réalisé une poignée de courts-métrages et bossé dur pour faire financer son premier long, prouve qu’on peut avoir l’ambition de réaliser du cinéma populaire dans l’Hexagone, en cultivant sa singularité et en tirant le meilleur de moyens plus limités que ceux de Dany Boon. La mauvaise, c’est que le fait que Balle Perdue soit une production Netflix prouve aussi que l’appétit des producteurs gaulois pour ce type de projet, au potentiel commercial certes incertain, est de plus en plus limité. Après tout, quand Fred Cavayé, Eric Valette ou Florent Emilio-Siri, les cadors modernes du polar moderne, galèrent à monter des projets quitte à bifurquer vers la comédie, que peut espérer un jeune metteur en scène qui veut absolument faire ses preuves dans l’univers qui le passionne, à savoir les films d’action qui déboîtent ?
Du plombe sur l’asphalte
Malgré sa brochette d’acteurs établis et un script qui, pour le meilleur et le pire, le destine clairement à un public d’amateurs de Fast & Furious (qui ne peuvent qu’être déçus s’ils s’attendent exactement à la même chose), Balle Perdue orne donc désormais les pages d’accueil du géant du streaming. A quelques jours de la réouverture des salles, cette sortie-là tient du beau pied de nez involontaire.
« On sent bien que Guillaume Pierret a huilé et dégraissé son scénario au maximum pour se concentrer sur la rythmique et la recherche d’impact. »
Ramassé sur une petite heure et demi, Balle Perdue ne perd pas de temps pour établir son intrigue et poser ses personnages (pour certains névrosés de l’action, c’est toutefois encore trop). Protagoniste sans passé ou presque – tout juste sait-on que son père travaillait dans la police -, Lino (Alban Lenoir, affuté comme jamais) est un spécialiste des voitures bélier qui sort de prison pour tuner les voitures de police de la brigade de Charras (Ramzy Bédia, dans un distrayant contre-emploi), capitaine d’une escouade anti-« go fast ». L’association entre le repris de justice et l’officier fait merveille, car l’unité, où évoluent aussi Julia (Stefi Celma, déjà aux côtés de Lenoir dans Antigang) et Areski (Nicolas Duvauchelle, qui devrait reprendre des dictions après ses années Braquo), enchaîne les arrestations sur les routes du Sud. L’idylle finit par tourner au cauchemar lors d’une descente et Lino se retrouve accusé de meurtre, obligé de retrouver une balle perdue dans une voiture pour s’innocenter…
Tout pour l’efficacité
Délaissant le numérique, les effets tape-à-l’œil et les bandes-son envahissantes de ses homologues américains, Balle Perdue se dévoile comme un polar rentre-dedans mais étonnamment sobre. On sent bien que Guillaume Pierret, qui a développé le projet sur plusieurs années avec son compère Alban Lenoir, a huilé et dégraissé son scénario au maximum pour se concentrer sur la rythmique, la recherche d’impact et l’optimisation de ses moyens. C’est ainsi que le film multiplie les décors en même temps qu’il minimise les figurants (les routes sont souvent désertes dans Balle Perdue, même lorsqu’on y traverse la touristique Sète à fond de train), recentre son attention sur une petite poignée de personnages et trouve dans son McGuffin en titre un carburant idéal pour avancer en ligne droite sans se poser de questions. Bien sûr, on est pas chez Michael Mann ou John Woo pour autant : privés de scènes d’exposition ou de dialogues complexes, les héros de cette course contre la montre ô combien classique sur le papier n’existent que comme des archétypes purs et durs.
Balle Perdue est un film véloce mais limité dans ses ambitions, qui vit et meurt par l’énergie de ses comédiens (on le redit ici, mais Alban Lenoir est un comédien épatant, dont l’implication dans l’action comme dans le jeu le fait ressembler à un Jason Statham français) et de ses scènes spectaculaires, qui font parler la poudre tout en restant réalistes, terre-à-terre. On retiendra notamment une baston douloureuse dans un commissariat qui rendrait fier Iko Uwais, un règlement de comptes à la ferme qui ne fait pas de cadeau et une poursuite finale destructrice, qui rappelle le John Frankenheimer de Ronin et se hisse sans honte sur le podium des meilleurs morceaux de bravoure de 2020. Pas mal pour une série B pas même sortie en salles, non ?