Paris, de nos jours. Face aux méthodes extrêmes du grand banditisme, l’escouade menée par le vétéran Serge Buren fait figure de riposte graduée. Les hommes de sa brigade font partie de l’antigang, et à ce titre, se montrent aussi brutaux et expéditifs que les bandits qu’ils traquent. Battes de base-ball, arts martiaux et fusils mitrailleurs : leur attirail est aussi peu conventionnel que leurs méthodes, ce qui va bien sûr finir par leur attirer des ennuis. Car un vieil ennemi de Buren est de retour aux affaires en France, et les braquages qui s’enchaînent dans la capitale vont bientôt mettre Paris à feu et à sang…

Braquage à la française… ou à l’anglaise ?

Antigang : la brigade stupéfiante

Si nous avons pris soin de rappeler à deux reprises le lieu de l’action où se déroule Antigang, c’est pour souligner que ce pitch, certes classique mais furieusement évocateur et filant droit au but, est bel et bien celui d’un film franchouillard, à 100 % conçu pour le cinéma ! Et cette fois, comme quoi tout arrive, le film n’est pas produit par EuropaCorp, ce qui lui garantit déjà de n’être ni sexiste, ni xénophobe, et surtout vraiment drôle au lieu d’être drôle parce que nul. Le responsable de cette exception spectaculaire à la règle ? Un fan de plus en plus sympathique du film de genre, un vrai de vrai. Si l’on peut discuter à loisir les qualités de La Horde, son premier essai zombiesque coréalisé avec Yannick Dahan, Benjamin Rocher avait réussi à se faire joliment remarquer en coréalisant Goal of the Dead, une comédie pleine de morts-vivants et de football, farcie d’hommages à Edgar Wright, John Carpenter, Romero… et au Jean-Jacques Annaud de Coup de tête !

[quote_center] »Les balles claquent, les vannes fusent, les méchants perdent, et tout le monde rentre chez soi avec la banane. »[/quote_center]

Cette fois, sans doute pour faire plaisir à sa mamie (c’est pas nous, c’est lui qui le dit dans le générique de fin), Rocher a décidé avec son scénariste Tristan Schulmann de partir explorer un autre genre, tout aussi codé, et tout aussi peu fréquenté en France, à l’exception nous l’avons dit des étrons beaufs produits ou même écrits par l’ami Besson. À la vue de ses premières images, Antigang s’était vu coller la mention de « Heat français », preuve supplémentaire que toute scène de fusillade en pleine rue se devait d’évoquer le classique de Michael Mann. La réalité est un peu plus ironique : s’il n’est pas un remake en bonne et due forme, Antigang reprend en fait fidèlement la trame d’un polar britannique méconnu chez nous (car sorti directement en vidéo), et pas mal inspiré par Mann, appelé The Sweeney. Jean Réno, Alban Lenoir et Caterina Murino rejouent, quasiment scène pour scène, les aventures vécues par Ray Winstone, Ben « Plan B » Drew et Hayley Hatwell. Et la bibliothèque François Mitterrand y remplace Picadilly Circus en tant que champ de bataille urbain inattendu et très cinégénique.

De l’énergie, les jeunes !

Antigang : la brigade stupéfiante

Loin d’être cachée, cette parenté évidente entre les deux films est en fait délibérée, la production citant clairement le réalisateur de The Sweeney au générique comme source d’inspiration. Pour qui a vu la version british de cette chasse aux braqueurs, les rebondissements d’Antigang auront certainement un gros parfum de déjà-vu. Mais même avec ce « léger » handicap à gérer, difficile de nier le pouvoir d’attraction d’un film d’action manifestement tourné à l’énergie, débordant d’une envie de bien faire et d’en mettre la plein la vue à chaque seconde, même avec un budget pas pharaonique (en bonus, la bande originale de Laurent Pérez est loin d’être désagréable). Une note d’intention toute entière contenue dans le personnage de Cartier, le fidèle lieutenant un peu benêt mais redoutable sur le terrain, qui cavale comme Coyote et défonce des voitures en riant : une pile sur pattes au sourire goguenard qui prend vie grâce à une nouvelle prestation pleine de charme d’Alban Lenoir. L’acteur faisait déjà des étincelles dans Goal of the Dead, et a marqué les esprits récemment en tenant le rôle-titre d’Un français : si jamais les producteurs sont en quête d’un nouveau Bébel, en plus potache, c’est lui qu’il faudra désormais aller chercher.

Certes, l’histoire, cousue de fil blanc, n’a rien de palpitante, le personnage de Jean Réno (barbu comme s’il sortait d’un tournage en montagne avec Alejandro Gonzalez Inarritu) en particulier manquant cruellement d’épaisseur dramatique. Certes, la brigade dopée à l’adrénaline de Buren est tout sauf réaliste dans ses agissements. Et malgré les fusils automatiques maniés avec gourmandise par Reno à deux pas de Bercy (il faut voir son regard presque sadique quand il vide ses chargeurs sur les portiques de la bibliothèque Mitterrand : mais qu’a-t-il contre la culture, ce fan de Johnny ?!), Rocher n’a manifestement aucune envie de tutoyer les cimes d’un Heat. La référence ici, c’est L’arme fatale, au pire Bad Boys : du divertissement taillé pour le samedi soir, sans chichi ni prétention auteuriste déplacées. Les balles claquent, les vannes fusent (ou tombent à plat, c’est selon), les méchants perdent, et tout le monde rentre chez soi avec la banane. Un menu pas si fréquent dans le cinéma français !


[styled_box title= »Note Born To Watch » class= » »]
Trois sur cinq

Antigang
De Benjamin Rocher
2015 / France / 98 minutes
Avec Jean Reno, Alban Lenoir, Caterina Murino
Sortie le 19 août
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