Banishing, la demeure du mal : les fantômes s’essouflent

par | 13 août 2021 | À LA UNE, BLURAY/DVD, Critiques, VOD/SVOD

Banishing, la demeure du mal : les fantômes s’essouflent

Tout le talent de Christopher Smith, réalisateur de Triangle et Detour, ne peut sauver Banishing et ses spectres d’une avalanche de clichés.

Dans un sous-genre aussi représenté sur nos (petits) écrans que le film de fantômes, il devient difficile de marquer les esprits et de se différencier du premier voisin venu. L’un des moyens les plus efficaces reste d’utiliser les ficelles et les figures incontournables de ce type de récit comme un outil, pour faire passer un propos plus original, comme c’était le cas récemment dans le très bon His House. Malheureusement pour lui, Banishing : la demeure du mal n’applique que très modérément, et sans succès, cette recette, ses quelques fulgurances restant noyées dans un océan de déjà-vu et de mollesse généralisée dans la mise en scène, l’interprétation ou le script. Une vraie déception quand on sait que le cinéaste aux commandes de cette production britannique n’est autre que Christopher Smith.

Hallucinations, moines fous et méchants nazis
Banishing, la demeure du mal : les fantômes s’essouflent

On attendait des nouvelles du réalisateur anglais depuis Detour, thriller ludique marquant son retour aux affaires après une première partie de carrière truffée de coups d’éclats (Creep, Triangle, Black Death). Artiste éclectique et rigoureux, Smith s’attaque à un autre genre qui aurait pu lui convenir comme un gant : Banishing, derrière son vernis historique, n’est en effet rien d’autre qu’une histoire de maison hantée traditionnelle, dans la veine du roman gothique où les planchers de vieilles demeures craquent sous le poids de leurs sombres secrets. Nous sommes en 1938, dans le village de Morley, et Marianne (Jessica Brown Findlay, Downton Abbey) se rend compte que le manoir dans lequel elle emménage avec sa fille pour soutenir son révérend de mari, Linus, abrite quelques phénomènes dérangeants. Appartenant à l’église, la demeure a été le théâtre d’un fait divers resté secret, et elle exerce une influence néfaste sur Linus, qui redouble de rigueur morale, sur la petite Adelaide, qui joue comme il se doit avec d’horribles poupées, et sur Marianne, qui subit des hallucinations pour le moins violentes. Deux personnes semblent détenir les clés de cette histoire : l’évêque Malachi (John Lynch) qui les a accueillis et le pilier de comptoir Harry Reed (un Sean Harris rouquin comme jamais), versé dans l’occulte mais décidé à faire éclater la vérité…

« Banishing fait pâle figure comparé à des Conjuring
ou une série comme The Haunting of Bly Manor. »

Banishing met la barre assez haute en clamant raconter (plus que librement) l’histoire de la « demeure la plus hantée d’Angleterre», mais cette ambition se heurte dès les premiers instants à un constat flagrant : le film a plus des allures de téléfilm France 3 du samedi soir que de tour de montagnes russes à la James Wan. Avec sa photo sans éclat, sa musique au mieux fonctionnelle, son montage dénué de peps, ses décors un peu trop artificiels, Banishing fait pâle figure comparé à des Conjuring ou une série comme The Haunting of Bly Manor. Cela n’empêche pas Christopher Smith de tenter quelques belles choses en jouant, comme il l’avait fait dans Triangle, avec le thème du double ou des superpositions temporelles, ou le temps de quelques raccords étonnants, nous baladant entre réalité et hallucinations ou entre deux époques. Il faut cette inventivité, ce besoin de créer un moment de pur cinéma, pour tenter d’oublier le caractère désespérément prévisible et maladroit, du scénario pondu par David Beton, Ray Bogdanovich et Dean Lines (oui, ils s’y sont mis à trois). Banishing a beau essayer, il n’effraie jamais vraiment, et se fourvoie même lorsque les scénaristes balancent au petit bonheur des possessions incohérentes, des moines inquisiteurs ou même des nazis dans leur concoction en guise de distraction. Le casting, en particulier Findlay, parfaite en héroïne imparfaite mais en avance sur son époque, n’est pas à blâmer. Mais il est difficile de transformer ce genre de matière bancale, abordant notamment trop timidement le sujet du rôle de la religion en temps de guerre, en or, même avec tout le charisme du monde.