Believer : un polar stylisé mais sans surprise
Remake très libre de Drug War, Believer s’appuie sur ses qualités techniques évidentes pour orchestrer une familière histoire de lutte contre un cartel de la drogue.
L’un des meilleurs, sinon le meilleur titre de Johnnie To de la décennie en cours, était Drug War, sorti chez nous en vidéo après avoir remporté le grand prix du Festival de Beaune 2013. Ciselé avec soin et impitoyable, ce polar amoral critiquant en sous-main la politique chinoise en matière de lutte anti-drogue a donné naissance à un remake, ou plutôt une libre adaptation, que l’on doit aux voisins sud-coréens. Believer, qui a attiré presque 5 millions de spectateurs dans son pays, retient du long-métrage de Johnnie To la trame générale et de multiples personnages et scènes-clés, tout en affirmant sa propre personnalité et son style, plus clinquant que son homologue chinois.
Un emballage hautement addictif
Si vous avez vu Drug War, ou même si vous l’avez manqué, le scénario aura un air familier : le film débute sur l’explosion du laboratoire d’un cartel de la drogue, dans laquelle périssent plusieurs responsables du clan. L’un des seuls survivants est une petite main du gang, Rak (Ryu Jun-yeol, plus monolithique que dans A Taxi Driver), qui tombe entre les mains de l’inspecteur Jo Won-ho (le magnétique Cho Jin-woong, The Spy goes North, Mademoiselle). Ce flic des stups, après la perte traumatique d’une jeune indic, s’est juré de faire tomber « Mr. Lee », l’invisible et omnipotent chef du cartel, que personne n’a jamais vu physiquement. Rak accepte d’aider le policier à pénétrer le réseau de gangsters, où Won-ho et son équipe vont faire face à une série d’adversaires de plus en plus dangereux, alors qu’un deal de grande ampleur se prépare…
À la découverte sur grand écran de Believer, il est évident que le film de Lee Hae-yeong (qui s’est fait connaître du public avec le thriller en costumes The Silenced) profite d’une facture technique au-dessus de la moyenne, avec une photo alternant à la perfection froideur métallique et couleurs chaudes – une constante dans le cinéma coréen commercial -, un production design particulièrement soigné et une vénéneuse et percussive BO à tendance électro du compositeur Dalpalan (The Strangers). Cet emballage maîtrisé profite à un film musclé qui utilise le canevas du Drug War pour en extirper plusieurs idées de scènes sous haute tension, sans toutefois creuser en profondeur ses personnages. Ces derniers ne prennent du relief que grâce au traitement que les comédiens qui les incarnent leur réservent.
Un cartel haut en couleurs
Believer atteint en effet sa vitesse de croisière au bout d’une demi-heure, lorsque Won-ho doit prendre successivement l’identité de deux mafieux ayant rendez-vous dans un hôtel de luxe, et court-circuiter leur deal à leur insu. Dans cette scène issue de Drug War, que le film pousse tellement à son paroxysme qu’elle évoque plus la mission similaire de Protocole Fantôme, le quatrième Mission : Impossible, l’acteur Kim Joo-hyuk (à qui le film est dédié, puisqu’il est décédé en 2017 dans un accident de voiture) investit le rôle de Ha-rim, un trafiquant de drogue chinois paranoïaque et coké jusqu’à la moelle, qui parade en caleçon avec sa copine encore plus désinhibée devant un Won-ho inquiet et interdit. Joo-hyuk, qui dévore l’écran avec panache, emmène Believer sur un terrain beaucoup moins sérieux et réaliste que Drug War, et la tendance se confirmera par la suite, Lee Hae-yeong filmant ses truands comme des personnages de comic books cruels et ridicules. Ça n’est pas que le film ne se prend pas au sérieux : comme le révélera le curieux épilogue, Believer mise énormément sur le caractère tragique de son scénario. Seulement, c’est un traitement de série B de luxe qui lui est appliqué, ce qui est par ailleurs loin d’être déshonorant.
Le cœur du film demeure la relation de méfiance et de curiosité mutuelle qui lie Won-ho et Rak, le premier étant à regret dépendant des informations et connexions du second. Préoccupé par sa galerie de tarés (dont deux frères et sœurs chimistes muets et surdoués, adeptes de techno) et l’accumulation de retournements de situations, le scénario n’explore malheureusement que timidement les différents aspects de ce duo contre-nature. Un choix qui s’avère contre-productif lorsqu’arrive le temps de la confrontation finale déjà évoquée : Believer continue d’épater visuellement la galerie, mais échoue à nous convaincre de l’originalité de son histoire. Cela ne l’empêche toutefois pas d’être très divertissant et d’exister sans honte aux côtés du modèle dont il s’inspire.