Comme les navrants Sharknado 1 et 2 l’ont encore prouvé récemment, le sous-genre du film catastrophe peine à ressembler aujourd’hui à autre chose que des nanars anémiques, dont le seul attrait (des images de destruction, massive si possible) dépend entièrement du budget dédié aux effets spéciaux. Le problème semblait résolu avec Into the Storm (retitré Black Storm chez nous, sans doute parce que Warner Bros estime que les Français ne comprennent pas le mot « Into »), budgété à 50 millions de dollars et propulsé sur les écrans au cœur de l’été avec une campagne marketing misant tout sur le côté immersif – mais sans 3D cette fois – du spectacle, au détriment du casting, pas très bankable sur le papier, ou même de l’histoire, réduite au strict minimum dans la bande-annonce.

Pur produit de studio, conçu avant tout comme une démo technique construite à partir de mots-clés qu’on imagine cochés à chaque page du scénario, et réalisé de fait par un pur technicien (Steven Quale, réalisateur de seconde équipe sur Avatar déjà « auteur » d’un très générique Destination Finale 5), Black Storm prend donc la suite, vingt ans plus tard, du Twister de Jan de Bont, référence par défaut du film de tornades-qui-soulèvent-des-vaches, en y ajoutant une patine found footage pour être plus en phase avec son époque (sic). En prenant exemple sur un tel chef d’œuvre, il ne fallait pas s’attendre à une révolution cinématographique de premier plan. Vous voulez voir une tornade qui détruit tout le décor d’une bourgade du Midwest ? Hé bien patientez un peu, parce que comme dans Twister, les scénaristes de Black Storm ont eu la bonne idée de mettre des bouts d’histoire en place pour remplir le vide. Et oui, le cinéma, c’est pas comme Youtube, ça demande de se creuser un peu la tête pour tenir 90 minutes.

La tornade à clichés est en marche

Black Storm : petite bourrasque estivale

Bon rassurez-vous, Black Storm ne se creuse pas beaucoup plus le cerveau que ça. Il faut 20 pénibles minutes à Steven Quale pour mettre sur les rails son « intrigue ». D’un côté, nous avons, tiens tiens, un groupe de chasseurs de tornades équipés des dernières technologies (en gros des relevés météo et un tank anti-ouragans), mené par un ronchon obsédé des tornades (l’excellent Matt Walsh, échappé pour un temps de la non moins excellente série Veep) et une maman météorologiste qui pleure chaque fois qu’elle Skype avec sa fille (Sarah Wayne Callies, qui ne s’est donc pas retirée de la profession après Walking Dead). De l’autre, une famille pas très soudée composée de deux frères et d’un père courageux, mais absent, joué par un Richard Armitage (The Hobbit) cette fois complètement imberbe, ainsi que le quota comique : deux bouseux échappés de Jackass ne rêvant que de passer sur Youtube. Tous se retrouvent piégés par une série de tornades gigantesques s’apprêtant à ravager la petite ville de Silverton.

[quote_center] »Rassurez-vous, Black Storm ne se creuse pas beaucoup plus le cerveau que ça. »[/quote_center]

Soyons clairs : tout ce qui motive, émeut ou attriste cette brochette de clichés sur pattes a autant d’intérêt qu’une toile de Soulage. Steven Quale paraît tellement intéressé par leur sort qu’on ne remarque la présence de certains personnages qu’au bout d’une heure, certains quittant l’écran sans que personne n’ait pu retenir leur nom. Le fait que tous les adultes aient l’air de cachetonner tandis que les comédiens plus jeunes semblent avoir pris leur premier cours de théâtre à même le plateau (mention spéciale à Max « Donnie » Beacon, au centre de la scène de confession intime la moins émouvante de la décennie) n’aide pas spécialement à se passionner pour leurs problèmes de parentalité ou leurs projets de « capsules temporelles ». Twister, malgré sa beauferie généralisée et son rythme pachydermique, avait au moins pour lui d’avoir un casting concerné et homogène à sa disposition. Black Storm n’a pour lui, définitivement, que ses tornades, et une justification écologiste tellement naïve et stupide – voyez-vous, il faut envoyer des tarés en plein dans les tornades pour mieux les connaître, parce que sinon, bientôt on aura des ouragans « à Chicago, ou même à Londres » ! – qu’elle ferait même s’écrouler de rire Nicolas Hulot.

Quelle tête a la tempête ?

Black Storm : petite bourrasque estivale

Et alors, que valent-elles à l’écran, ces machines à détruire les champs, les pavillons et les abris même pas situés au sous-sol de nos vaillants Américains ? Résultats d’un travail conjoint entre plusieurs sociétés dont Rythm & Hues et Digital Domain, les moments de bravoure de Black Storm se révèlent il est vrai parfois impressionnants. La séquence de la tornade de feu, en particulier, qui se conclut avec une mort digne… d’un Destination Finale, marque l’esprit par son réalisme physique. Sans être une date en matière d’effets spéciaux, avec quelques scènes très génériques à ce niveau, le film remplit son contrat de ce côté-là. Quale a choisi de ne pas « saloper » le résultat en abandonnant dès qu’il le peut le très ringard gimmick du found footage, comme le prouve l’abondance de plans aériens, de musique martiale et d’images de cameramans en train de filmer (alors que logiquement, c’est leurs images à eux que l’on devrait voir).

Il en faudrait toutefois plus, dans un été embouteillé en terme de productions autrement plus ambitieuses, pour qualifier Black Storm de divertissement incontournable. Avec son classement PG-13 empêchant le film de tailler sèchement dans le lard de son générique de têtes à claques (même les bouseux inconscients survivent !), son humour forcé, ses dilemmes humains ô combien inintéressants (Max réussira-t-il à filmer la tornade de ses rêves ? Donnie arrivera-t-il à conclure avec sa nouvelle copine aux cheveux soyeux ? Suspense…), et sa morale patriotique qui n’a pas grand-chose à faire là, Black Storm s’évapore de notre esprit avant même que le générique de fin ne commence. Comme un orage passager, en fait…


[styled_box title= »Note Born To Watch » class= » »]
Deux sur cinq
Black Storm (Into the storm)
De Steven Quale
2014 / USA / 89 minutes
Avec Richard Armitage, Matt Walsh, Sarah Wayne Callies
Sortie le 13 août 2014
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