Un match plein de tension dans L’inconnu du Nord-Express, une rivalité de sexes qui se transforme en passion romantique dans La plus belle victoire (ce titre…), un double plein de sarcasmes dans Un éléphant, ça trompe énormément, une métaphore du destin au bord du filet dans Match Point… C’est un fait, le cinéma demeure timide et avare en longs-métrages marquants lorsqu’il s’agit de s’intéresser au tennis. Ce sport d’affrontement à distance, tactique, mais aussi répétitif par essence, passionne peu les scénaristes, semble-t-il, et reste souvent utilisé comme un gimmick d’arrière-plan, qui assimile volontiers la discipline à un hobby de riches oisifs.
Un duel de styles… et de légende
Pourtant, tout comme la boxe, l’histoire du tennis a fourni de tout temps son quota de rivalités épiques et de duels pleins de suspense. L’une de ces plus célèbres oppositions a marqué les mémoires du public pendant les années 80. Prodige des courts, le glacial Suédois Björn Borg était le Federer de son temps, et a remporté onze titres de Grand Chelem au total. En 1980, un seul joueur se dresse sur son chemin. Il va le rencontrer à 22 reprises en trois ans, le plus souvent en finale, et ne parviendra pas toujours à avoir le dessus sur lui. Cet adversaire, c’est l’Américain John McEnroe, connu pour ses colères homériques sur le terrain. Il existe clairement une opposition de styles entre le droitier de Stockholm, avec son jeu précurseur pour l’époque, qui ne laissait rien transparaître de ses émotions, et le gaucher tempétueux, attaquant né et extraverti qui s’imposait par sa rage. Leur finale de 1980 en cinq sets (et un tie-break à perdre haleine) est restée célèbre : c’est ce match qui fournit le point d’ancrage du film Borg/McEnroe, production scandinave réalisée par le documentariste Janus Metz Pedersen (Armadillo).
[quote_center] »Leur finale de 1980 en cinq sets (et un tie-break à perdre haleine) est restée célèbre. »[/quote_center]
Cheveux longs, bandanas fluos, survêtements Fila, raquettes en bois… La bande-annonce de Borg/McEnroe, d’une surprenante intensité, nous téléporte avec délice dans une époque sportive révolue, sans pour autant jouer la carte du second degré. Le film n’hésite apparemment pas à plonger dans la vie privée des joueurs, tous les deux des perfectionnistes notoires, avec un côté romanesque effréné qui fait inévitablement penser à Rush, qui travaillait ces mêmes motifs à une période similaire. Face à Stellan Skarsgard, dans la peau de l’entraîneur Lennart Bergelin, et à Sverrir Gudnason (Wallander), qui a adopté avec succès la coupe longue de Borg, on retrouve, ô surprise, l’imprévisible Shia LaBeouf dans la peau de McEnroe. S’il n’a pas rencontré son modèle pour les besoins du film, voir l’acteur, récemment à l’affiche d’American Honey, disparaître sous la tignasse de la terreur des courts apparaît en quelques plans comme une évidence. On est très curieux de voir comment Pedersen filmera le match et ses innombrables rebondissements. Le moment est peut-être venu de faire passer la discipline à la postérité, cinématographiquement parlant… !