À l’origine de All cheerleaders die, il y a un moyen métrage amateur, réalisé avec les moyens du bord par deux amis d’enfance nommés Lucky McKee et Chris Sivertson. Un galop d’essai qui servira de prélude potache à leur carrière respective. Lucky McKee s’est fait rapidement connaître sur le circuit indépendant avec son très remarqué (et assez poignant) May, avant de connaître des expériences de studio compliquées avec The Woods et le plutôt bon Red. En parallèle, Sivertson a peu fait parler de lui, puisque après son très noir premier long The Lost, il est d’une certaine manière rentré dans l’Histoire par la mauvaise porte en réalisant l’un des films les plus haïs de ces dernières années aux USA, le maladroit I know who killed me avec Lindsay Lohan.
Deux films montrant un net regain de forme plus tard (respectivement The Woman et l’inédit Brawler, cousin de Warrior en mode underground), les deux potes ont décidé de décompresser et de se faire plaisir en retournant à leurs racines. Réécrit, rallongé et certainement mieux doté financièrement, All cheerleaders die et son titre rentre-dans-le-lard ressuscitent pour de bon.
Sorcière/vampire/morte-vivante malgré moi
Le maître-mot est ici « divertir ». Divertir avec une histoire… de pom-pom girls, forcément, que le duo nous fait découvrir à travers le personnage de Maddy. Une rebelle typique du teen movie, tiraillée entre son attirance pour les cultures alternatives et son envie d’être populaire, en gros d’être une cheerleader ayant les garçons à ses pieds. Sauf que tout ça n’est qu’un plan, que la jeune fille a échafaudé pour détruire cette équipe, et celle de football américain, de l’intérieur, suite aux conséquences « douloureuses » d’une figure acrobatique (oui, bon, c’est bien plus clair quand on voit le film). Maddy réussit à s’intégrer dans cette équipe qu’elle déteste, au grand dam de son ex-petite amie, Leena, très portée sur la sorcellerie, et du capitaine des footballeurs, Terry, un sociopathe en puissance. Bientôt, la guerre des sexes devient littérale, et Maddy et ses amies se retrouvent obligées de composer avec une force surnaturelle, qui va les aider à régler leurs comptes avec les hommes…
Tout ça vous paraît compliqué ? Rassurez-vous, dans les faits, ACD n’a rien de shakespearien, car ici, rien n’est vraiment pris au sérieux. Sans doute désireux eux aussi de signer une série B populaire et post-moderne, McKee et Sivertson ont jeté tout ce qu’ils pouvaient dans le mixeur pour en ressortir une tambouille fonctionnant grâce à un simple principe d’accumulation : tout semble ici familier, du complot entre filles à la Lolita malgré moi à la revanche anti-mâles facilitée par un élément fantastique, qui évoque inévitablement Jennifer’s Body. L’utilisation de la sorcellerie dans un cercle féminin rappellera aux plus « anciens » le bizarrement culte Dangereuse Alliance, tandis qu’on s’amusera dans certaines scènes à repérer des clins d’œil (volontaires ?) à Scream 2, Body Snatchers ou même Freaky Friday. Dire qu’une impression tenace de déjà-vu imprègne le film tient donc de l’euphémisme, d’autant que tous ces éléments sont agencés avec une dose minimum de cohérence. Ainsi, sans trop en révéler de l’intrigue, quand nos cheerleaders sont (au bout d’une heure quand même) amenées à se transformer de manière radicale, le scénario patauge clairement dans ses influences : sont-elles devenues des succubes ? Des zombies ? Des vampires télépathes ? Un peu de tout ça mon capitaine.
De noirs desseins
[quote_left] »Tout ça vous paraît compliqué ? Rassurez-vous, dans les faits, ACD n’a rien de shakespearien. »[/quote_left]Tout occupé à gérer le côté fun et inconséquent de son délire, le duo finit par en oublier de bétonner son script. Certains gags font mouche (les orgasmes télépathiques embarrassants), d’autres (la majorité) beaucoup moins, et le jeu forcé des acteurs, tous inconnus ou débutants – à part Maddy et Leena, jouées par deux Australiennes révélées dans le feuilleton Les Voisins – n’aide pas vraiment à se passionner pour leurs tourments, surtout quand ils sont amenés à en faire des tonnes dans un registre limité. Et cela vaut particulièrement pour les hommes, réduits au stade d’abrutis mono-cellulaires par deux réalisateurs qui n’ont jamais caché leur amour pour les personnages féminins forts et anti-conventionnels.
C’est là où le film marque des points, montrant qu’il y a derrière cette bisserie un peu infantile et vaguement Z (les CGI de seconde zone sont là pour donner à All cheerleaders die ce cachet un peu fauché) des auteurs ayant plusieurs obsessions chevillées au corps. Si l’on surestime peut-être un peu la richesse de l’univers personnel de McKee, il est impossible ici de ne pas reconnaître sa tendance à expurger la violence de son côté fun. Quand les pom-pom girls passent à l’action, les coups font mal, les plaies sont ouvertes ; les personnages, eux, n’ont rien de sympathique dans leurs motivations et leurs personnalités. Ici, pas de héros fleur bleue ou de romance attachante comme dans Détention, auquel on pense souvent : les coups bas, l’égoïsme et l’agression, y compris sexuelle, sont la norme dans le lycée de Blackfoot High. Cet aspect noir, un peu dépressif, en contradiction avec les arguments assez superficiels du projet, contribue à donner un peu de personnalité à cet All cheerleaders die qui ne restera par ailleurs pas dans les mémoires pour ses qualités plastiques (entre les plans constamment trop serrés ou carrément flous et le montage peinant à trouver un bon timing comique, il y a peu de raisons de crier au génie visuel) ou sa fin ouverte tombant comme un cheveu sur la soupe.
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All cheerleaders die
De Lucky Mckee et Chris Sivertson
USA / 2013 / 90 minutes
Avec Caitlin Stasey, Sianoa Smith-McPhee, Brooke Butler
Sortie le 19 août 2015 en DVD et Blu-Ray (Wild Side)
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