Continent dont le festival du film fantastique de Bruxelles est amoureux depuis ses débuts, l’Asie était cette année encore présente en force dans la programmation de la manifestation. Souvent avec des titres invraisemblables, notamment japonais, mais aussi avec une solide sélection de thrillers, polars et films d’action qui ne risquent pas d’être vus chez nous sur grand écran de sitôt. Un coup d’œil s’impose donc, après coup, sur trois d’entre eux : le polar hong-kongais Cold War 2, le film de prison… The Prison, et, venu de Chine, le survolté (et méchamment patriotique) Opération Mékong !
Cold War 2 : on dit merci aux forces de l’ordre !
La brochure du BIFFF vantait fièrement les mérites de cette grosse production made in HK, au casting trois étoiles (le fringant Aaron Kwok, l’excellent Tony Leung Ka-fai, et ce vieux cabotin de Chow Yun-Fat), que l’on comparerait déjà à la trilogie Infernal Affairs. Cerise sur le gâteau, il n’y aurait pas besoin de voir Cold War 1, toujours inédit en France, pour comprendre cette « presque » séquelle. Autant dire que si, il aurait été plus facile pour nous de profiter des premières minutes de Cold War 2 si l’on avait compris les liens qui reliaient les nombreux protagonistes de ce thriller bourré de ripoux et d’agents doubles, mais paradoxalement à la gloire des forces de l’ordre. Il faut ramer, pour suivre les mésaventures du haut commissaire Sean Lau (Kwok), chef de la police de la ville, qui surfe sur le succès de l’opération « Cold War » mais perd tout crédit après un transfert de prisonniers se soldant par un attentat en plein métro. Il doit chercher l’aide de son ancien rival, Waise Lee (Leung), ainsi que d’un procureur fantasque (Yun-Fat) pour démêler un complot qui menace de renverser l’ensemble du gouvernement…
Ça, c’est pour le résumé rapide de Cold War 2, qui tout en étant calibré comme un divertissement populaire accessible – séquençage façon série TV, ton viril et acteurs glamourisés à mort, dialogues théâtraux -, complexifie jusqu’à l’absurde une trame trouée d’incohérences. Les réalisateurs en rajoutent à plusieurs reprises sur la réputation de « ville la plus sûre de Chine » de Hong-Kong, ce qui est drôle si l’on se base sur les raids destructeurs qui ponctuent l’intrigue. Cold War 2 vaut en effet principalement le détour pour ses rares scènes d’action : une fusillade chorégraphiée en plein tunnel autoroutier renvoie en particulier avec rage au cinéma de Michael Mann. C’est le moment le plus impressionnant, et finalement le plus marquant, d’un film par ailleurs trop formulaïque et forcé pour être mémorable.
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Cold War 2 (Hon Zin 2)
De Longman Leung et Sunny Luk
2016 / Hong-Kong / 110 minutes
Avec Aaron Kwok, Tony Leung, Chow Yun-Fat
Sortie prochainement
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Opération Mékong : la Chine tient son Rambo 2
Si le mystère demeure sur la distribution future en France d’Opération Mekong, on est ravis d’apprendre que le nouveau film de Dante Lam sera présenté au festival du film chinois de Paris. Lam, les amateurs de bandes hong-kongaises le connaissent bien : on lui doit une poignées de classiques du polar sombre et solide, comme The Crash, Fire of Conscience et The Insider. Le réalisateur, artisan doué et multi-cartes, a un peu déçu avec ses derniers choix (Viral Factor, That Demon Within), qui sans manquer d’ambition, patinaient un peu dans le vide. Après avoir représenté la Chine aux Oscars avec le film sportif To the fore, Dante Lam s’éloigne désormais un peu plus de son terrain de jeu habituel. Opération Mekong est une grosse production qui tient autant du film d’espionnage moderne à la Jason Bourne ou Mission : Impossible, que de la fresque guerrière sans pitié, façon Rambo 2. Un mélange des genres explosif, et pas qu’un peu !
Le film s’inspire (très, très librement) de faits réels, pour explorer le Triangle d’Or, cette jungle au carrefour de la Thaïlande, du Laos et du Myanmar, où sévissent les cartels de la drogue. C’est là, sur le fleuve Mekong, que 13 pêcheurs chinois sont tués, et soupçonnés de faire transiter de la poudre blanche. Intolérable pour le gouvernement chinois, qui dépêche donc une escouade spéciale sur place pour enquêter. À sa tête, le capitaine Gao (Zhang Hanyu), qui doit composer avec le renfort d’un agent des renseignements (Eddie Peng, attifé d’horribles postiches). Ils doivent intercepter et remonter la piste d’un réseau dirigé par le cruel Naw Kham. À eux de le débusquer et de le ramener vivant… coûte que coûte !
Il est permis, voire même requis, de sourire devant le ton exagérément sérieux et aux relents patriotiques évidents d’Opération Mekong. Barbouzes pas vraiment tatillons sur la destruction de biens publics, Gao et son équipe sèment mort et destruction à travers toute la Thaïlande (qui a banni le film sur son territoire !), tout ça pour laver l’affront fait au peuple chinois ! Dante Lam joue donc un peu les Michael Bay de l’Est, à cette différence près que le cinéaste n’a pas à se coltiner les limites d’un classement PG-13. Opération Mékong a beau être régressif et va-t-en-guerre, il se révèle tout simplement trépidant à suivre, et souvent sans pitié avec ses héros. Avec ses cascades over the top qui louchent sur Bollywood, ses paysages somptueux, son découpage qui quadrille avec inventivité l’espace, ses exploits guerriers inattendus (Bingo le chien d’élite est l’une des nouvelles mascottes du BIFFF !), le film en donne pour son argent aux adorateurs de films d’action bien emballés… et à ceux disposant du second degré nécessaire pour « apprécier » son sous-texte politique chargé.
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Opération Mekong (Mei Gong he xing dong)
De Dante Lam
2016 / Chine – Hong-Kong / 140 minutes
Avec Eddie Feng, Zhang Hanyu, Vithaya Pansringarm
Sortie prochainement
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The Prison : le roi de la taule
Les Sud-coréens ont un truc avec leurs prisons. Est-ce parce qu’ils cherchent comme souvent à dupliquer les plus fameux sous-genres américains, est-ce parce que la situation du monde carcéral est vraiment particulière dans leur pays ? Toujours est-il que le bien-nommé The Prison n’est que le dernier d’une liste notable de longs-métrages ayant pour principal décor les murs gris d’une taule où l’on aurait pas envie de moisir. Yoo-gun en particulier aurait aimé tombé ailleurs : c’est un flic, brutal et acharné (comme tous les flics dans les films coréens, donc), mais aussi un ripou un peu trop gourmand, qui enfile donc le même uniforme que ceux qu’il a mis à l’ombre. Il attire l’attention du maître des lieux, Ik-ho : un détenu au-dessus des gangs, qui a tout le monde, y compris les gardiens et le directeur, dans sa poche. Yoo-gun comprend que Ik-ho dirige un vrai empire du crime tout en restant derrière les barreaux : ses hommes peuvent sortir de prison pendant la nuit pour commettre des braquages parfaits…
The Prison prend son temps pour révéler les ressorts importants de son intrigue, aussi invraisemblable sur le papier que jouissive à l’écran. Il est facile de comprendre, au fil des minutes, que Yoo-gun n’est pas vraiment arrivé dans cette prison par hasard, et les multiples flash-backs ne font qu’enfoncer ce clou de l’évidence. Le nœud de l’histoire réside donc dans l’affrontement, mêlé d’admiration mutuelle, entre Han Suk-kyu (vu dans le très bon The Agent) et Kim Rae-won (Gangnam 1970), qui fonctionne suivant une dynamique éprouvée dans les films d’infiltrés et de prison en général. Dommage que certaines circonvolutions de scénario ralentissent un peu trop le rythme d’un film sinon efficace… et presque totalement dénué de personnages féminins. The Prison fleure bon la testostérone et les empoignades viriles, jusqu’à un dernier acte bourrin qui donne l’impression d’être tombé dans une série B de Jean-Claude Van Damme, du style Coups pour coups.
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The Prison
De Heyon Na
2017 / Corée du Sud / 125 minutes
Avec Han Suk-kyu, Kim Rae-won , Jeong Woong-in
Sortie le 10 août 2017 en VOD (Canal VOD)
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