« L’homme en noir fuyait à travers le désert, et le pistolero le poursuivait ». C’est par ces mots qu’a débuté, en 1981, la saga littéraire de La Tour Sombre. Un « magnum opus », comme on dit, pour son auteur Stephen King, et une saga bien à part dans l’univers et la carrière du maître de l’épouvante. Huit volumes publiés en 30 ans, plus de 4 000 pages, une adaptation en bande dessinée, des millions de fans à travers le monde… En terme de franchise épique, King n’a finalement rien à envier à George R.R. Martin ! Aussi, il n’est pas étonnant que cette grande aventure à cheval sur plusieurs genres (science-fiction, western, heroic fantasy, horreur) ait longtemps été l’objet de convoitise de la part des producteurs de Hollywood. La Tour Sombre au cinéma, on en parle depuis plus d’une décennie. Et s’il fut un temps question que l’odyssée de Roland de Gilead prenne vie à la télé, c’est sur grand écran que cette arlésienne arrivera, juste avant Ça, avec dans la peau du Pistolero, l’excellent Idris Elba (Pacific Rim, Luther), et dans celui de Walter, « l’homme en noir » aux multiples identités, Matthew McConaughey.

Une adaptation complexe

Le chemin a été long et sinueux avant cela. J.J Abrams, puis Ron Howard devaient au départ réaliser une trilogie de films (ce qui n’est pas de trop vu la complexité des romans), avant que le studio ne fasse marche arrière. C’est que La Tour Sombre n’est pas « évident » à adapter : les univers parallèles qui s’entrechoquent, la profusion de personnages et de digressions font que cet univers est moins facile à vendre au grand public qu’un Seigneur des Anneaux ou les Harry Potter. Finalement, c’est le danois Nikolaj Arcel, réalisateur de Royal Affair (et le chouette L’île aux sorciers) et scénariste de Millenium et des Enquêtes du département V, qui s’est attaqué à ce défi d’envergure, aidé de son ami Anders Tomas Jensen, scénariste et cinéaste tout aussi chevronné. Le côté moins excitant de ce projet reste la présence aux manettes de producteur et de co-scénariste d’Akiva Goldsman, géniteur de titres aussi « prestigieux » que Batman & Robin, Jonah Hex, Je suis une légende, La 5e Vague ou les Da Vinci Code

L’influence de Goldsman pèsera-t-elle au final sur cette Tour Sombre, repoussée de près d’un an par Sony pour cause de SFX non finalisés ? Difficile d’en être sûr, mais la première longue bande-annonce du film d’Arcel, teasée joliment sur Twitter par Elba et McConaughey, permet de comprendre que l’un des personnages principaux de la saga, Jake Chambers (Tom Taylor), un jeune Terrien propulsé dans l’univers parallèle du Pistolero, sera au centre de l’intrigue. Arcel et Jensen ont fait le choix de situer le scénario après le dénouement des romans, faisant de La Tour Sombre une sorte de séquelle en même temps qu’une adaptation. Un casse-tête pour les connaisseurs, qui torpillent depuis des mois les choix de la production, de l’embauche d’Idris Elba (adoubé par King lui-même) dans le rôle principal à l’absence avérée de Susannah et d’Eddie Dean, compagnons de route essentiels du Pistolero.

Simplifier à tout prix ?

La direction choisie semble donc être celle de la simplification : au vu de ces premières images, qui insistent sur le don quasi-surnaturel pour les armes de Roland et le côté maléfique de Walter, La Tour Sombre semble lorgner sur les productions de fantasy faciles à digérer comme L’apprenti sorcier ou Le dernier chasseur de sorcières (eh oui). Une mégapole américaine à sauver, un ado « élu », un méchant suave et séduisant… La singularité des mondes et langages créés par Stephen King, la notion même de « ka-Têt » (terme qui désigne un groupe de héros lancé dans une quête) au centre de la narration, peine à transparaître dans cette bande-annonce relativement spectaculaire, mais peu mémorable, exceptée pour ses clins d’oeil aux classiques de l’écrivain, de Shining (l’hôtel Overlook apparaît en photo) à Ça (via une attraction foraine nommée « Pennywise »), qui sont une constante dans les romans.  Sony Pictures a annoncé la mise en route d’une série télé La Tour Sombre, qui adapterait cette fois littéralement le 4e tome de la saga, Magie et Cristal, et serait consacrée au passé du Pistolero. Reste à savoir si le film, lui, parviendra à convaincre à la fois les lecteurs et le public en quête de blockbuster et de spectacle fantastique. Réponse en France le 16 août.

Bande-annonce