Jason Blum doit être un producteur comblé. Depuis ses débuts à l’orée des années 2000, le créateur de Blumhouse Productions a fait un sacré bout de chemin, marqué entre autres par le carton monstrueusement invraisemblable de Paranormal Activity, dont la rentabilité maximale a donné une idée claire à cet ami d’enfance d’Ethan Hawke : le fantastique a encore sa place au cinéma, et le meilleur moyen de rendre ces films rentables est de donner carte blanche à ses auteurs ainsi qu’un petit budget (généralement pas plus de 3 millions de dollars) pour maximiser le retour sur investissement. Ce positionnement stratégique a jusqu’ici porté ses fruits au-delà de ses espérances : la saga d’Oren « j’ai filmé ma chambre et maintenant je suis millionnaire » Peli continue de prospérer, avec un Paranormal Activity 5 attendu pour l’automne, tandis que le petit prodige James Wan devrait sous peu révéler son Insidious chapitre 2. Les autres projets pilotés par la compagnie, de The Bay à Lords of Salem en passant par Sinister et American Nightmare (aka The Purge), tous deux avec… Ethan Hawke, ne sont pas non plus passés inaperçus.

 

[quote_right] »Dark Skies, tout comme Paranormal Activity, perd parfois de sa crédibilité en forçant ses personnages à se conduire comme des sceptiques bornés qui n’auraient jamais vu un épisode de X-Files. « [/quote_right]Avec Dark Skies, l’opportuniste producteur chasse sur des terres plus balisées que les récentes productions de la firme. Imaginé et réalisé par le peu convaincant Scott Stewart (géniteur du diptyque Légion / Priest avec Paul Bettany), cette série B rappellera à n’importe quel amateur du genre des titres aussi réputés que Signes, Poltergeist, The Fourth Kind, ou la mini-série Taken. En d’autres termes, le film se présente comme un avatar d’Insidious avec des aliens en guise de spectres. Même décor de banlieue cossue mais anonyme, même famille « nucléaire » avec deux garçons et un couple pas si harmonieux qu’il n’y paraît, même escalade dans le surnaturel agrémenté de jump scares dans la chambre du petiot, même choix d’une actrice au physique fragile contrastant avec la détermination du personnage (Keri Russell en lieu et place de Rose Byrne), même apparition d’un personnage étrange détenteur de la « vérité »… Pour l’originalité, on repassera. Dark Skies se résume-t-il donc à un simple copier-coller paresseux, dénué d’ambition et de surprises ?

Crise et enlèvements

 Dark Skies : un E.T. dans la nuit

Dès le très atmosphérique générique d’ouverture, qui fait planer une ambiance discrètement menaçante sur une banlieue ensoleillée d’Amérique, il est clair que Dark Skies se jouera là, dans les limites d’un pâté de maison imaginé comme une représentation en miniature d’un pays confronté aux effets désastreux de la crise financière. Aussi étrange que cela puisse paraître, le script se repose lourdement sur ce sous-texte sociétal : la famille Barrett, bien qu’elle vive dans un pavillon de rêve, galère pour joindre les deux bouts depuis que Daniel (Josh Hamilton, bonne bouille un brin énervante) est au chômage. Amené de façon un brin insistante, ce contexte dramatique permet de maintenir une certaine tension tandis que des événements inexplicables s’abattent sur leur maison. Des pyramides de conserves dans la cuisine, un suicide d’oiseaux très hitchcockien, des photos qui disparaissent… Bientôt, la menace se précise, et la perspective de pouvoir ou non payer les factures passe au second plan, quand il apparaît que quelque chose de très surnaturel, et de très malveillant se mijote chez les Barrett. Ils ne le savent pas encore, mais ils ont été « choisis ».

 

À vrai dire, n’importe quel être sensé aurait pu se douter que quelque chose clochait sérieusement dès la première « manifestation » surnaturelle (le fameux jeu de mikado dans la cuisine), vu que 1) la maison était fermée et aucun des deux adultes n’aurait pu jouer au mécano la nuit 2) l’empilement est tellement haut qu’aucun des enfants n’aurait pu le réaliser. Dark Skies, tout comme Paranormal Activity, perd parfois (souvent) de sa crédibilité en forçant ses personnages à se conduire malgré l’évidence comme des sceptiques bornés qui n’auraient jamais vu un épisode de X-Files. La série de Chris Carter représente d’ailleurs, malgré son âge respectable, l’une des influences esthétiques majeures du film, par ailleurs plutôt carré question réalisation : les lampes torches déchirant les ténèbres et les halos bleus sont légion, surtout lors du dénouement expéditif du film, sur lequel plane un tenace sentiment de « tout ça pour ça ? ». Stewart choisit de boucler en quelque sorte la boucle en faisant de son couple d’incrédules des proto-Mulder et Scully (puisqu’ils savent désormais que la vérité est bel et bien ailleurs) et en assumant une fin ouverte cruelle et frustrante, que n’aurait pas renié Carter lui-même. En choisissant de maintenir une chape de mystère et de fatalisme sur une histoire par ailleurs très basique, le réalisateur confère à Dark Skies un capital sympathie indéniable, même si le film ne risque pas de marquer autant les mémoires que le reste du catalogue Blumhouse.


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Dark Skies, de Scott Stewart
USA / 2012 / 89 minutes
Avec Keri Russell, Josh Hamilton, J.K. Simmons
Sorti le 26 juin
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