De New World à The Agent : dix thrillers coréens à découvrir

par | 27 octobre 2016

Viril, sophistiqué, et souvent bien violent : le polar sud-coréen est une école en soi, riche de titres méconnus de haute volée. Découvrez notre dossier spécial !

Après la sortie, inespérée cet été, de films aussi originaux et marquants que The Strangers et Man on High Heels, la nouvelle édition du Festival du film coréen, avec des titres aussi attendus que Asura : city of madness, Tunnel ou Inside Men, vient confirmer la très bonne santé actuelle du polar façon Corée du Sud. Depuis la fin des années 90, et le boom à l’international de la production locale, le cinéma sud-coréen, audacieux, exubérant, et remarquable par sa pratique répétée de l’alliage entre drame et comédie, s’est taillé une place de choix dans le cœur des cinéphiles. L’un des genres les plus prolifiques de cette vaste cinématographie, propulsée par les grands groupes industriels (Showbox, CJ Entertainment) et la « loi des quotas » qui soutenait la création culturelle, reste encore aujourd’hui le thriller. Les classiques de la dernière décennie ont acquis une réputation qui parle pour eux : Old Boy, Memories of Murder, A bittersweet life, The Chaser, Lady Vengeance, City of Violence, J’ai rencontré le diable

Ce dossier ne s’appesantira pas sur ces titres bien connus. Car même si le cinéma sud-coréen traverse actuellement une belle période en terme d’exportation, avec des titres marquants arrivant dans nos salles ou sur Netflix, la plupart des longs-métrages distribués chez nous restent méconnus. Leur donner un coup de projecteur permet de se rendre compte de la diversité de ton, de traitement, et de la maestria filmique de ces films souvent violents, virils, parfois peu aimables, et saupoudrés d’une bonne dose d’excès mélodramatiques. Ce sont les caractéristiques marquantes, et inévitables du thriller made in Séoul. Ce sont celles qui séduisent de plus en plus de spectateurs, ouverts au mélange des genres, à la rupture de ton et aux récits non-conventionnels.

Born to Watch a sélectionné dix longs-métrages, inédits en salles à une exception près et tous disponibles en France. Ajustez votre cravate, et suivez le guide…

THE MAN FROM NOWHERE

De New World à The Agent : 10 thrillers coréens à découvrir

Reparti du Festival de Beaune 2011 avec le Grand Prix, The Man from nowhere n’a malheureusement pas profité à l’époque de la mini-vague de sorties coréennes prestigieuses : contrairement à un Murderer, le film de Lee Jeong-beom a atterri directement en vidéo, où il n’a pas manqué de se tailler une réputation méritée. En apparence, ce thriller syncopé et saignant marche aussi bien sur les terres de Man on fire que de Taken. La popstar Won Bin (Mother) y incarne un ex-agent secret d’élite devenu prêteur sur gages chevelu, qui sort du trauma dans lequel il végétait pour dessouder façon Jason Bourne une horde de trafiquants et de gangsters sortis d’un manga pour ados. The Man from nowhere ne remportera pas l’Oscar de l’originalité, certes, mais il compense ces facilités par une énergie grisante, et une croyance absolue dans son traitement très mélodramatique d’une intrigue de série B. Servi par un montage astucieux et d’une fluidité exemplaire, des chorégraphies brutales et une photographie aux teintes métalliques de toute beauté, The Man from nowhere, malgré ses longueurs, fait partie de ces valeurs sûres qu’on se plait à redécouvrir, contrairement au film suivant de Jeong-Beom, No tears for the dead.

NEW WORLD

De New World à The Agent : 10 thrillers coréens à découvrir

Nous n’allons pas vous mentir : par ici, nous sommes tous très fans de Choi Min-Sik. Et chacune de ses apparitions sur un écran (même petit, même dans Lucy) dans nos contrées est toujours un mini-événement, même quand, comme ici, il est cantonné à un second rôle. Il faudra donc se concentrer plutôt sur le film en lui-même, sorte de best of / hommage au film d’infiltration (vous prenez Election, Infernal Affairs et même Le Parrain, et vous avez à peu près une idée des ingrédients réunis ici), pas très original, mais maîtrisé de bout en bout. Tous les ingrédients du (bon) polar d’infiltration sont là : flics ripoux, suspense haletant, scénario ciselé (le film est écrit -et réalisé – par Park Hoon-jeong, scénariste du génial J’ai rencontré le diable), révélations et twists à foison… Le tout porté par des acteurs formidables (même si Choi Min-Sik ne paraît pas toujours complètement concerné, mais bon, il est pardonné) et une réalisation léchée aux petits oignons. Manque juste un peu de folie et d’imagination pour faire oublier qu’on a déjà vu un peu tout ça ailleurs.

THE AGENT

De New World à The Agent : 10 thrillers coréens à découvrir

Éloignons-nous un instant du cadre de ce dossier avec un titre qui, s’il peut être catégorisé comme un thriller gorgé d’action, chasse plus sur les terres du film d’espionnage. The Agent, aussi connu sous son titre international The Berlin File, paie comme beaucoup d’autres films sa dette à la saga Jason Bourne. Le « héros », si l’on peut dire, est un agent secret nord-coréen, Jong-Suk, qui se trouve pris en étau à Berlin entre des collègues suspicieux, des agents du Sud qui le traquent sans relâche, et des terroristes arabes qui le pourchassent après une transaction ratée. Il doit s’enfuir et sauver sa femme, et il y aussi une histoire de trésor de guerre (le fameux « fichier Berlin ») après lequel tout le monde court. Autant dire que votre cerveau sera aussi en surchauffe que vos sens durant les 120 minutes que dure The Agent, qui venait rappeler en 2013 le talent de Ryoo Seung-Wan. Si ce scénariste s’est fait remarquer dès ses débuts avec Die Bad, puis avec les percutants Crying Fist et City of Violence, l’orchestration de ses scènes d’action prend ici une dimension encore plus opératique, avec des morceaux de bravoure qui laissent pantelant par leur efficacité. À découvrir d’urgence, en attendant que soit enfin distribué chez nous son dernier-né, le mastodonte du box-office Veteran !

HARD DAY

De New World à The Agent : 10 thrillers coréens à découvrir 
La sortie en salles de Hard Day, si elle ne s’est pas traduite par un succès inespéré, tient de l’anomalie. Certes, le film bénéficiait d’une très officielle sélection cannoise. Mais ce sésame n’a pas été d’une grande utilité pour des titres encore inédits comme The Target, Office ou Coin Locker Girl. Il faut croire que les qualités, nombreuses, du deuxième film de Kim Seong-Hoon, littéralement inconnu au bataillon un an auparavant, étaient faciles à percevoir. Plus ludique, mordant et absurde que beaucoup de ses congénères, Hard Day s’accroche aux basques d’un flic ripou, véritable éponge à emmerdes qui vit comme le titre d’indique une journée horrible, entamée par la mort d’un homme qu’il renverse sans le faire exprès. La première heure du film est tout simplement exemplaire, dans son enchaînement logique et inénarrable de catastrophes toujours plus macabres et a priori sans issue pour le héros. En état de grâce, Kim Seong-Hoon multiplie scènes d’anthologie, contre-plongées audacieuses et poursuites steadycamées, ne relâchant jamais la pression. Le film rebondit à mi-parcours en mettant en place un affrontement entre crapules plus familier, mais pas moins tordu. Hard Day retombe sur la fin sur des rails plus attendus, mais rien qui n’entame toutefois notre l’enthousiasme procuré par cette véritable merveille de polar.

NAMELESS GANGSTER

De New World à The Agent : 10 thrillers coréens à découvrir

Des films de mafia, le cinéma sud-coréen en a vu passer des tonnes et Nameless Gangster ne sera même pas le dernier de cette liste. Peu possèdent toutefois la résonance et la richesse évocatrice du film de Yun Jong-Bin (également auteur de l’excellente épopée Kundo), qui lui permet d’échapper aux comparaisons insistantes avec les classiques de Scorsese et Coppola. Nameless Gangster se déroule dans la région portuaire de Busan dans les années 80, aux dernières heures de la dictature militaire. Le crime organisé y est aussi florissant que la corruption administrative. Et au centre de cet univers fait de pots-de-vin, d’intimidations et de guerre d’influence, il y a un guignol sans scrupules, prêt à tout pour réussir et s’élever au-dessus de sa condition. Cette énigme ambulante, Ik-Hyun, est interprétée par Choi Min-Sik, l’Old Boy lui-même, qui prend un plaisir monstre à incarner cette figure fuyante, pathétique et dangereuse, incarnation même d’une société obnubilée par le pouvoir. Face à lui, même ses amis gangsters paraissent moraux ! Construit comme un rise and fall classique, Nameless Gangster sort du lot par sa narration opulente et le charisme évident de ce personnage hors du commun, contrepoint tragi-comique d’un univers par essence impitoyable et voué à l’auto-destruction.

DIRTY CARNIVAL

De New World à The Agent : 10 thrillers coréens à découvrir

Attention, chef d’œuvre. Loin de l’imagerie glauque et crade propre à un grand nombre de films de gangsters coréens (imagerie pourtant reprise par le distributeur français sur l’affiche), A Dirty Carnival est un petit bijou poignant qui nous immerge dans le quotidien d’une (pas si) petite frappe, qui gravit les échelons de son gang en essayant de garder une vie à peu près normale, sans jamais trop y parvenir ni échouer complètement. Étonnement chargé en émotions pour un film de mafieux coréen, A Dirty Carnival suit un truand paumé et attachant, mais pétri d’ambitions essayant de composer avec des événements qui le dépassent souvent (son quotidien de malfrat le rattrape toujours, dès que celui-ci veut passer du temps avec sa famille ou sa petite amie). Bien vite, l’intrigue dépasse le cadre du seul héros pour admirer le portrait qui nous est dressé d’une mafia coréenne à la fois surpuissante dans ses ramifications et toujours au bord du précipice. Dans un style parfois lyrique, parfois cru (les rares scènes de violences sont particulièrement réalistes et intenses, marque de fabrique du cinéma coréen), le réalisateur Ha Yoo – récemment auteur d’un Gangnam Blues toujours inédit – emporte avec lui le spectateur dans cette tempête sans retour, au cœur de laquelle se trouve pris un mémorable anti-héros.

MONSTER BOY

De New World à The Agent : 10 thrillers coréens à découvrir

Pour les fans énamourés de cinéma sud-coréen, Save the green planet ! fait figure de météorite incontournable dans la décennie 2000. Un film fou, véritablement, impossible à résumer, zigzaguant entre les genres et les ruptures de ton avec l’énergie d’un Bib-Bip cocaïné. Un OVNI comme on en voit peu, et qui a ressemblé pendant longtemps à un one shot pour son réalisateur Jang Joon-Hwan. Celui-ci a finalement donné des nouvelles dix ans plus tard, avec Monster Boy. Centré sur une « famille » étrange, composée d’un jeune garçon enlevé à sa famille et de ses cinq pères, tous escrocs et mafieux, le film prend le parti de contourner ses promesses codées (l’apprentissage d’un jeune tueur qui finit par se rebeller contre ses mentors) pour explorer la psyché adolescente à l’aide de détours culottés. Il y a littéralement dans Monster Boy un monstre dans la cave, symbole évident de la personnalité perturbée du héros, qui va devoir « tuer le père »… cinq fois ! Cela n’empêche pas le film de répondre à des passages obligés, avec des fusillades et des courses-poursuites éprouvantes : mais ces ingrédients-là ne sont que la partie spectaculaire d’un long-métrage bien plus tordu et singulier qu’il n’y paraît, jusque dans son choix de décor principal (une pépinière en rase campagne), dans lequel se cache l’explication de son titre original, Hwayi.

SHIRI

De New World à The Agent : 10 thrillers coréens à découvrir

Compliqué de chroniquer un film comme Shiri. S’il est présent ici, c’est plus pour le rôle essentiel qu’il a joué que pour ses qualités intrinsèques. Lors de sa sortie, le cinéma sud-coréen n’est pas encore ce qu’il est devenu aujourd’hui : une grosse machine bien huilée, avec des budgets conséquents et une exposition internationale importante. En 1999, la quasi-totalité des productions coréennes est composée soit de films d’auteur, soit de films de genre à petit budget et à la qualité discutable. L’arrivée de Shiri et d’autres (Sur la trace du serpent, Phantom) va lancer le nouveau modèle du cinéma coréen : une production variée, qui chasse sur les terres du cinéma américain, dont Shiri peut être considéré comme le premier représentant. Action, romance et arrière-plan politique (des terroristes nord-coréens veulent faire exploser une bombe à Séoul lors d’un match de football) : la recette est calée sur les plus gros succès made in Hollywood. L’intrigue est convenue, la musique pompeuse est de sortie. Si on rajoute au tableau des effets spéciaux obsolètes, on pourrait craindre un ratage… Et pourtant, nous en sommes assez loin. La réalisation est efficace, le jeu des acteurs convaincant (Song Kang-Ho et Choi Min-Sik sont au générique) et le traitement de la romance et des enjeux politiques rendent le visionnage pertinent. Depuis, les Coréens ont surpassé ce modèle un peu trop carré, à de très nombreuses reprises. Mais ne serait-ce que pour son importance historique, il reste intéressant de découvrir Shiri.

PUBLIC ENEMy

 De New World à The Agent : 10 thrillers coréens à découvrir

L’un des thèmes porteurs du thriller sud-coréen, outre la description comico-satirique de la corruption policière, est celle de la révolte des classes populaires (qui peuvent être personnifiées par ces mêmes flics) contre les élites capitalistes du pays, qui se gargarisent de leur impunité. C’est le cœur narratif d’un succès récent comme Veteran, et le moteur de la franchise Public Enemy, démarrée en 2002 sur les chapeaux de roue. Peu populaires chez nous (les deux séquelles, sorties en 2005 et 2008, sont restées inédites), ces films sont pourtant emblématiques du genre, ne serait-ce que par le mélange de charisme et de brutalité de leur héros récurrent, Kang. Un détective alcoolique, au coup de poing facile, qui remonte pourtant dans notre estime lorsqu’il s’attaque dans le premier film à un homme d’affaires psychopathe, Cho, sorte de Patrick Bateman coréen qui se lance dans un jeu du chat et de la souris à haut risque avec lui. Le rôle de Kang a fait de l’excellent Sol Kyung-Gu (Oasis, The Tower) une star, et même quinze ans après, Public Enemy est un polar rentre-dedans caractéristique qui se revoit toujours avec le même plaisir.

THE TERROR LIVE

 De New World à The Agent : 10 thrillers coréens à découvrir

Le cinéma sud-coréen, comme le reste du monde, n’est pas avare en productions critiquant les travers putassiers des médias modernes. Peu sont toutefois aussi rentre-dedans et anxiogènes que The Terror Live, remarqué au Festival du film coréen à Paris. Construit comme un huis-clos radiophonique puis audiovisuel, proche dans l’esprit de Pontypool, The Terror Live suit en temps réel l’épreuve de force d’un présentateur sur le retour, qui s’échine à garder au bout du fil un terroriste venant de faire sauter un pont. Bien vite, la quête du scoop prime sur la sécurité la plus élémentaire : politiciens, militaires, patrons de radio s’en mêlent, sans se douter que le terroriste en question n’a pas abattu toutes ses cartes… Il serait criminel de gâcher les surprises que réserve ce suspense nerveux, qui débute comme une satire glaciale du monde des médias avant de basculer dans le spectacle sous haute tension à la 24 heures chrono, cliffhangers vertigineux à l’appui. Le film peut également s’appuyer sur le charisme onctueux de l’omniprésent Ha Jung-Woo (Mademoiselle), qui parvient à créer une empathie réelle autour d’un personnage à la base méprisable. Quel talent !

Si avec ça, vous n’êtes pas encore rassasiés, il existe encore beaucoup d’autres films à dénicher en zone 2 ou en VOD venus de Corée du Sud : le polar est le genre local qui s’exporte le mieux avec le fantastique ! Jetez donc un coup d’œil à Confession of Murder (qui commence plus fort qu’il ne se termine), l’élégiaque La pègre du vétéran Im Kwon-Taek, l’enquête historique Blood Rain, le remake plutôt décent du Syndicat du crime (A better tommorow), le très glamour et surprenant Les Braqueurs, ou encore No Mercy, qui n’est pas pour les âmes sensibles. Et indiquez-nous dans les commentaires si des films que vous jugez tout aussi marquants manquent à l’appel !