À la frontière entre le Mexique et les États-Unis, des familles mexicaines tentent chaque jour de rejoindre une vie meilleure, en traversant illégalement cette frontière au milieu du désert. Comme si le jeu de cache-cache avec les autorités sur ce territoire hostile et inhospitalier ne suffisait pas, un groupuscule appelé MinuteMen s’efforce de repousser ceux qu’ils considèrent comme une menace contre leur modèle américain vieillissant et raciste. En gros, les électeurs de Donald Trump. Face à ce phénomène, qui n’est bien évidemment pas à l’abri de débordements meurtriers, même si les leaders du mouvement s’en défendent aujourd’hui, Jonas Cuaron, fils d’Alfonso et architecte dans l’ombre de son père de Gravity, qu’il a co-scénarisé et autour duquel il a réalisé un court-métrage, y a puisé une source d’inspiration pour son premier long-métrage.
La porte de l’enfer
Après avoir présenté de manière très didactique le calvaire du passage de la frontière, durant lequel les migrants doivent marcher (vite) durant des heures sous un soleil de plomb, en économisant l’eau et en tentant de rester discret, le film plonge dans une atmosphère digne du western. Le petit groupe, dans lequel figure Gaël Garcia Bernal (No, et plus récemment la série Mozart in the jungle) qui incarne Moises, un personnage fort et attentif au plus faible. Il fait bientôt la rencontre tragique d’un mystérieux homme armé, « Le Chasseur » (Jeffrey Dean Morgan), un illuminé alcoolique et violent, prêt à tout pour « nettoyer » ce qu’il considère comme ses terres de ses indésirables. L’acteur, qui s’est fait connaître dans un rôle de mourant dans Grey’s Anatomy, puis dans Watchmen, a quitté provisoirement son rôle de détective privé dans The Good Wife pour se glisser naturellement et férocement dans la peau de ce tueur. Ce pseudo-policier psychopathe se heurte impitoyablement aux malheureux candidats à l’exil qui osent croiser son chemin. Avec son chien surentrainé et assoiffé de sang, il est déterminé à traquer ces étrangers jusqu’au dernier. Une véritable chasse à l’homme débute au cœur du désert de Sonora, rocailleux et vertical, qui rappelle un peu le récent Hors de portée avec Michael Douglas.
Plutôt que de traiter en profondeur le drame humain de l’immigration illégale, Cuaron, qui gagne ici ces galons mérités de réalisateur efficace, préfère frayer avec le film de genre. Entre western tendu à l’extrême et horreur pure, il tire parti de son décor naturel, personnage à part entière de son histoire, et particulièrement délicat à mettre en scène. En s’appuyant sur un scénario précis et haletant, Desierto, magnifié par la photographie sublime de Damian Garcia (El Infierno), s’appuie sur un montage parfait, qui respecte, et ce n’est pas une chose aisée, la continuité des plans, rocher après rocher, au rai de lumière près. Nous imaginons sans peine le cauchemar de logistique qu’a dû représenter le tournage avec des ombres et des sources de lumière naturelle en constante évolution. Mais le résultat, dans les limites du genre choisi par Cuaron (et de son budget de 3 millions de dollars, visibles jusqu’au moindre centime) s’avère magistral !
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Desierto
De Jonás Cuarón
2016 / Mexique, France/ 94 minutes
Avec Gael García Bernal, Jeffrey Dean Morgan
Sortie le 13 avril 2016
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Crédit photos : Version Originale / Condor