Prix du Jury au festival Premier Plans d’Angers, prix spécial du Jury à Beaune, Meilleur film à Valence, Diamant Noir prouve que le cinéma français peut parfois nous livrer des pépites aux multiples facettes. Pour son premier film, Arthur Harari (croisé en tant qu’acteur dans Ainsi soient-ils saison 2 et La Bataille de Solférino) ne choisit pas la facilité, bien au contraire. Il signe un film noir fascinant à bien des aspects, mais également un drame propice à la catharsis.
Être ou ne pas être de la famille
Dans Diamant Noir, Pier (Niels Schneider) fait des chantiers à Paris et participe également à des cambriolages en compagnie de sa famille d’adoption, menée par son père de substitution Rachid, un commerçant du Sentier. Il apprend que son véritable père vient de décéder dans le dénuement le plus total. Cet ancien tailleur de diamants d’Anvers est devenu le mouton noir de sa famille, propriétaire d’une société renommée, Ulmann, après une blessure à la main. Persuadé que les Ulmann sont responsables de la déchéance et de l’exil de son père, il décide de venger celui-ci en organisant un vol de diamants avec la complicité de Rachid. La proposition de travail de son cousin Gabi (l’acteur allemand August Diehl, En Mai, Fais Ce Qu’il Te Plaît) lui offre une occasion de s’immerger dans le clan. Il troque son pantalon de travail et ses boucles rebelles contre le costume et les cheveux laqués des garçons de bonnes familles. Impossible de ne pas faire l’analogie avec un Hamlet des temps modernes dans une quête vengeresse !
[quote_center] »La fragilité et les tourments intérieurs de Pier transparaissent de manière animale à travers une interprétation tendue et ultra réaliste. »[/quote_center]
Arthur Harari débute Diamant Noir sous la forme d’une note d’intention glauque, tragique et illuminée qui rappelle le giallo italien. La suite s’avère plus nuancée : elle présente des personnages fiévreux, habités par une obsession hitchcockienne. Pier, jeune orphelin en perte de repères, cherche un guide, une influence, mais également l’amour et l’attention qu’il n’a jamais reçu. En découvrant la famille de son père qu’il avait fantasmé dans une noirceur et une antipathie surréaliste, il perd ses maigres certitudes et se trouve pris dans un tourbillon implacable, typique du roman noir. Abdel Hafed Benotman incarne Rachid, la seule figure stable dans la vie de Pier. Pour l’anecdote, ce comédien était un auteur de romans noirs, et a passé une grande partie de son existence en prison après une série de braquages. Son décès durant le tournage a suscité une vive émotion de la part de l’équipe et de ses lecteurs.
Il y a quelque chose pourri au royaume des diamantaires
Dans la famille Ulmann, Gabi est l’archétype du gosse de riche, un peu rebelle, voire instable, qui cache un grave problème de santé, ce qui déclenche chez lui une grande nervosité. En conflit permanent avec son père sur des questions d’orientations économiques de la firme familiale, il perd la face devant Pier et déploie une facette plus sombre de sa personnalité. Son épouse, archétype également de la femme fatale provoque le désir de Pier, torturé par ce que la vie aurait dû lui donner. Enfin, le patriarche, cet oncle inconnu se révèle être un homme aigri, jaloux du talent de son frère avant de le briser avec un machiavélisme froid, mais reste pour son neveu une figure imposante. Dans leur maison en Belgique, Pier observe cette famille évoluer dans un cocon et se fait le témoin de scènes parfois malsaines, aussi terrifiantes que fascinantes. Par instants, le passé de la famille semble ressurgir et se rejouer à travers Pier et Gabi, implacablement. Mais la vérité se fait plus trouble, plus distante, comme si la lumière pouvait soudain apparaître… à moins que la haine et le ressentiment n’éclatent.
Arthur Harari braque sa caméra sur un milieu rarement exploré au cinéma. Le tournage de Diamant Noir s’est d’ailleurs déroulé à l’intérieur même d’un des plus prestigieux ateliers de taille de diamants au monde. Le regard attentif et malade de Pier s’immisce au cœur des ateliers, qui révèle petit à petit leurs secrets. Dans le bleu franc et un peu triste de ses yeux, une couleur nouvelle se dessine : celle du diamant qui capte le regard et semble absorber une partie des êtres. À mesure que la vocation du jeune homme pour le métier de son géniteur pointe, Diamant Noir illustre de manière méticuleuse cet artisanat de luxe pratiqué par quelques virtuoses qui rivalisent de rigueur et d’abnégation. Le réalisateur joue avec la perception du regard et des faux-semblants pour mieux faire miroir à la vision approximative de son héros et aussi du spectateur, témoins des reflets contrastés de ces secrets de sa famille. L’acteur franco-canadien Niels Schneider, protégé de Xavier Dolan, insuffle une intensité rare à son personnage. La fragilité et les tourments intérieurs de Pier transparaissent de manière animale à travers son interprétation tendue et ultra réaliste, et forge un acteur à surveiller de près. Diamant Noir creuse son sillon dans le polar moderne européen, ancré dans les racines du genre (évoquant tour à tour le cinéma de Palma et de Verhoeven, entre autres) pour construire un drame d’un réalisme saisissant et puissant.
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Rencontre avec Arthur Harari
Sélectionnée au Festival du film policier de Beaune, l’équipe de Diamant Noir est venue présenter sa projection. Son réalisateur est revenu sur la notion de film policier ou plutôt de film noir.
« Pour moi, le film noir est un véhicule dans lequel nous pouvons exprimer une multitude d’émotions personnelles, parfois bizarres. Claude Chabrol disait très justement : “Je fais toujours des films policiers pour que le spectateur ne s’ennuie pas et tienne jusqu’à la fin du film.” Le genre policier a l’élégance de permettre d’aller gratter sous la surface et exprimer des choses différentes, une opportunité rare aujourd’hui quand on touche au cinéma d’auteur. Le film touche d’ailleurs plusieurs genres, auteur, policier… »
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Diamant Noir
D’Arthur Harari
2016 / France / 155 minutes
Avec Niels Schneider, August Diehl, Hans Peter Cloos
Sortie le 8 juin 2016
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Crédits photos : Ad Vitam