On ne saurait nier l’ambition des productions chinoises actuelles. Avec une audience potentielle de plus d’un milliard de spectateurs (en réalité, une bonne partie ne peuvent pas être comptabilisés, faute d’un nombre d’écrans proportionnel), il y a c’est vrai de quoi exciter les convoitises commerciales de nombreux financeurs, et quoi de mieux pour faire l’événement que de concocter de grosses productions, si possibles en costumes et dédiées à l’Histoire (récente ou non, mais en tout cas « supervisée » par le Parti) du pays. La fin d’année en Chine sera une nouvelle fois marquée par la sortie de films très attendus, dont certains feront sûrement aussi l’événement chez nous : l’arlésienne The Grandmasters de Wong Kar-Wai et le retour à la grosse cascade de Jackie Chan dans Chinese Zodiac, en particulier. Mais cette sélection de My trailer is rich propose de mettre en lumière les titres que l’on devra sûrement attendre plus longtemps, trop longtemps pour certains… Il y a un rip-off d’Avatar avec des sirènes, un gros mélo avec des Oscarisés déracinés, du gangster rétro et des maîtres de la guillotine portative. Sérieusement ? Oui, sérieusement, mais n’essayez pas de comprendre : regardez !

Il était une fois à Shangaï

Malgré son titre, The Last Tycoon (Le dernier nabab en français) n’a rien d’un remake du film d’Elia Kazan, ni d’une biographie de Bernard Arnault. Cela pourrait malgré tout être une appellation appropriée pour le producteur-réalisateur Wong Jing, crédité d’une centaine de films allant de I corrupt all cops à Nicky Larson en passant par Future X-Cops et la saga God of Gamblers. Le mogul hong-kongais retrouve d’ailleurs sur The Last Tycoon la star de ses multiples …Gamblers, en la personne de l’immense Chow Yun-Fat. L’action, est celle d’un film de gangsters classique, avec un puissant caïd devant faire face des trahisons, des règlements de compte et des alliances suprenantes, le tout dans le tumulte du Shangaï des années 20. Le premier teaser révélé sur Internet, un ample plan-séquence rappelle Election et surtout Volte/Face, auquel il emprunte le concept du morphing de visage en plan circulaire. Chow Yun-Fat partagera l’affiche avec Sammo Hung et Francis Ng dans ce qui s’annonce comme un film épique et sérieux, dont le premier titre était, élément révélateur… Il était une fois à Shangaï.

Némo s’en va-t-en guerre

On ne sait pas encore quand (ou si) il sortira, mais Empires of the Deep fait déjà parler de lui sur Internet. Il n’y a pas à aller loin dans le trailer pour comprendre pourquoi : on parle ici d’une superproduction à 100 millions (certains sites annoncent 130) de dollars, financée à la fois par des capitaux chinois – en particulier ceux du nabab (tiens, tiens) Jon Jiang, auteur du script – et américains, annoncée pour la première en 2009 avec Monica Belluci au casting… et Pitof à la réalisation. Trois ans plus tard, le casting technique et artistique a changé, la réalisation confié à un producteur de documentaires télé, et le film ressemble à un futur flop d’ampleur prométhéenne, les sociétés d’effets spéciaux engagées sur le projet ayant visiblement pensé que le projet était destiné à devenir un jeu Xbox 360 plutôt qu’un vrai film. On assiste donc, médusés (ah ah), à une guerre improbable entre plusieurs royaumes sous-marins, avec des sirènes combattant des crustacés géants, une reine des bas-fonds incarnée par une Olga Kurylenko (Quantum of Solace) apparemment en service commandé et… c’est tout. De la même manière que les gens ralentissent souvent pour voir de plus près un accident, on a une envie irrépressible de voir à quoi peut ressembler un truc aussi kitsch et improbable.

International melodramatic conspiracy

Le réalisateur Feng Xiaogang est loin d’être aussi connu chez nous que des habitués cannois comme Chen Kaige ou Zhang Yimou. Le cinéaste né à Pékin est pourtant le véritable golden boy du cinéma chinois actuel. Il a enchaîné les succès depuis ses débuts avec des comédies populaires, jusqu’à son « couronnement » récent avec une série de titres ayant drainé les foules dans les salles : Héros de guerre, La légende du scorpion noir, If you are the one et dernièrement le film catastrophe Aftershock, plus gros succès enregistré chez lui pour un film chinois. Nulle surprise donc à le revoir aux commandes d’un gros mélo patriotique se déroulant durant la Seconde guerre mondiale, Back to 1942. Jugez plutôt : le film décrit la souffrance endurée par des millions de Chinois de la province de Henan, lors de la grande famine de 1942. Une catastrophe bien évidemment amplifiée par l’Occupation de ces satanés Japonais. Comme pour Flowers of War de Zhang Yimou, qui avait fait beaucoup parler de lui en engageant Christian Bale, Back to 1942 s’est assuré la participation de deux acteurs oscarisés pour se donner un prestige international. Tim Robbins, qui comme Bale jouera un prêtre, et Adrien Brody dans un rôle de journaliste, joueront les observateurs indignés dans cette œuvre au parfum propagandiste, qu’on guettera tout de même avec curiosité.


Attention chérie, ça va trancher…

Pour les amoureux du cinéma chinois (et plus particulièrement taïwanais) classique, Master of the flying guillotine (poétiquement retitré Le bras armé de Wang Yu contre la guillotine volante), sorti en 1975, est un titre incontournable, dans lequel Quentin Tarantino a massivement puisé pour les combats de Kill Bill. Le projet de remake lancé par Peter Chan (Wu Xia) aura malgré tout pris du temps pour décoller. Après de nombreux changements de personnel et de scénario, le film qui a émergé s’intitule désormais simplement Guillotines et est réalisé par Andrew Lau (Infernal Affairs). Dans un esprit pulp visiblement assumé, Guillotines suit les exploits d’une équipe d’assassins impériaux, dont la létale efficacité est mise en danger par un complot visant à tous les éliminer. Le film sort en décembre en Chine, et une première bande-annonce mystérieuse, où l’on entrevoit rapidement la fameuse arme tranchante en titre, a été révélée. Vivement qu’on entre dans le vif du sujet !