Grabbers : boire ou survivre, il faut choisir

par | 22 septembre 2012 | À LA UNE, Critiques, VOD/SVOD

Grabbers : boire ou survivre, il faut choisir

Entre Tremors et L’Irlandais, voici une série B insulaire qui oppose poivrots et poulpes de l’espace. Un « Guinness versus Aliens » servi bien frais.

Tout comme le récent Attack the block de Joe Cornish, Grabbers s’ouvre sur un plan du vide intersidéral. Dès cette première image, réminiscence de Predator, le film de Jon Wright cherche à prendre sa place dans une prestigieuse lignée, et se met illico les fans du genre dans la poche. Le secret de tout bon film d’invasion extraterrestre, c’est le choix du site « d’atterrissage », et quoi de mieux pour commencer sa domination sur Terre que de tomber au large d’une petite île d’Islande, uniquement peuplée de pêcheurs, de soûlards et de cas sociaux.

Un poulpe dans mon verre

Grabbers : boire ou survivre, il faut choisir

Les premières séquences de Grabbers font inévitablement penser aux Dents de la mer, avec ses victimes happées par un mystérieux agresseur, et ses plans insistants sur une mer idyllique cachant désormais un monstrueux danger : des poulpes venus de l’espace ! Le film prend en parallèle son temps pour nous présenter sa galerie de personnages hauts en couleurs, comme le policier Ciaran O’Shea (Richard Coyle, vu dans Prince of Persia), toujours entre deux gueules de bois, Brian, le tenancier de l’unique bar de l’île, Adam, le légiste forcément un peu geek, ou encore Lisa, venue épauler O’Shea dans leur enquête sur les récentes disparitions. Le ton est léger, car le scénario de Kevin Lehane cherche avant tout à retrouver l’ambiance de « réalisme fantastique » propre aux années 80, et plus spécifiquement aux productions Amblin, avec ses pochtrons sympathiques, ses héros romantiques et un peu gauche, ses rôles féminins pétillants…

De bulles, il en est justement question, car ce qui distingue Grabbers des autres imitations nostalgiques de Gremlins et Spielberg, c’est l’idée maîtresse que les aliens tentaculeux aient un talon d’Achille : ils ne supportent pas l’alcool, ou plus précisément, l’alcool que leurs victimes humaines peuvent avoir dans le sang. Une fois les créatures sur terre, le seul refuge possible pour les habitants se révèle être… le bar de Brian, où les pintes vont devoir couler à flots pour repousser la menace…

« Ils cherchaient un pub que jamais ils ne trouvèrent… »

Dans le genre idée cintrée, Grabbers touche donc le jackpot, son pitch pouvant réveiller l’intérêt de tous ceux qui se sont écroulés de rire devant le générique de fin de Very Bad Trip. Le prétexte est merveilleusement bien amené, les personnages devenant de plus en plus saouls alors qu’ils doivent dans le même temps prendre les armes et défendre leur pub contre d’impressionnants aliens (les CGI sont étonnamment perfectionnés pour une production de cette envergure). C’est l’occasion d’entendre des répliques comme « Comment ça, plus de bière ? Mais je n’ai bu que deux pintes ! ». C’est aussi un festival de cabotinage, Ruth Bradley (qui joue Lisa) et Russell Tovey (Adam) se lâchant particulièrement dans un jeu éthylique outré à faire pâlir Jackie Chan.

Des soûlards bien sages

Grabbers : boire ou survivre, il faut choisir

Le film fourmille de savants et savoureux clins d’œil aux films de Spielberg, à Carpenter, à Aliens aussi le temps d’une réplique bien sentie. Mais Grabbers rappelle surtout, dans sa description d’une petite communauté attaquée par des bestioles repoussantes, l’iconique Tremors de Ron Underwood. Même unité de lieu, même montée graduelle, patiente et maîtrisée de la menace, et même énergie comique entre les protagonistes, tous de sympathiques ratés qui ont l’occasion de montrer leurs ressources dans un moment critique.

Pour être honnêtes, Jon Wright (un pur réalisateur british, déjà auteur du slasher fantastique Tormented), n’arrive pas tout à fait à la cheville de ces prestigieuses références, même s’il n’a pas à en rougir, esthétiquement parlant. Grabbers exhibe ainsi une photo en 2 :35 particulièrement réussie, un design de monstres original (les mini-aliens, sorte de bigorneaux bondissants, sont à la fois repoussants et mignons), et des personnages plutôt bien campés. Plutôt que d’en rajouter sur les clichés de l’Irlandais exhalant de tenaces vapeurs de malt, il préfère faire ressortir leur humanité, leur bonhomie et leur attachement à un mode de vie simple. Cela se fait aux dépens du scénario, qui manque un peu de folie et de situations mémorables, restant modestement fidèle aux clichés et à la mécanique narrative typique de ces séries B en vase clos, qui fait que le rire l’emporte majoritairement sur le frisson (Tremors réussissait par exemple à être spécifiquement inquiétant à plusieurs reprises). Le film est irrémédiablement et durablement attachant, mais son manque manifeste d’ambition l’empêchera à long terme d’atteindre le statut de petit classique auquel sa brillante idée de départ le destinait.