Black’s Game aurait pu commencer avec cette citation fameuse extraite des Affranchis « depuis tout petit j’ai toujours rêvé d’être un gangster islandais ». Bon, ok, peut-être Henry Hill ne parlait pas de la patrie de Sigur Ros dans son introduction. Le film d’Oskar Thor Axelsson (certains ont vraiment la chance d’avoir des noms pareils) paie toutefois sa dette avec déférence sa dette au classique de Martin Scorsese, à Scarface, et en quelque sorte à tous les films de gangsters de ces trente dernières années.

Car l’originalité n’est clairement pas le fort de Black’s Game. Se déroulant au tournant du millénaire dans les alentours glacés de Reykjavik, l’histoire suit l’évolution d’un jeune mauvais garçon pas bien méchant, Stebbi (Thor Kristjansson), qui tombe à la sortie du commissariat local sur un ancien copain de classe, Toti (Johannes Haukur Johannesson), qui se révèle être un dealer bodybuildé et ambitieux, désireux de dégager les vieux caïds islandais qui ont été les premiers à apporter sur l’île toutes sortes de drogues importées du Continent. Séduit par l’argent et les filles faciles, les nuits de folie et la grande vie qui s’offre à lui, Stebbi fonce sans se poser de questions en avant. Mais leur ascension se complique quand ils décident de s’allier à Bruno, un truand psychotique et autoritaire, et quand l’expansion de leur trafic finit par sérieusement déranger les autorités en place…

L’héro’ qui venait du froid

Bruno, Toti et Stebbi (en arrière-plan) : des malfrats adeptes de la poudreuse en toute saison…

Avec son héros aux mains sales, corrompu mais avec encore assez de conscience pour être attachant, son pote inquiétant, charismatique et violent, son bad guy presque trop bad pour être crédible (en plus d’être sadique et mal coiffé, c’est aussi un pédophile et un sodomite !), sa girl next door à la fois trashy et innocente (la ravissante Maria Birta, seule femme à évoluer dans ce monde machiste), ses montages musicaux et ses flics infiltrés, Black’s Game déroule comme il se doit les ingrédients d’un pur « rise and fall » venu d’un froid, mis en branle sous la houlette d’un producteur qui n’est pas étranger au genre. Nicolas Winding Refn, tout de même réalisateur des trois Pusher, Bronson et Drive, connaît son affaire en matière de gangsters sur grand écran. De la bande-son à dominante électro-rock aux éclairages abrupts et/ou atmosphériques des scènes nocturnes, des éclairs de violence de personnages paumés au travail sur le montage, l’influence de NWR pèse clairement sur ce Black’s Game sous influence, qui a pour principal atout son glacial, désertique et oppressant décor, une Islande aux allures de terre sauvage où l’aridité des grands espaces semble dévorer de l’intérieur les rues désertes de ses paysages urbains.

Plus que l’appât du gain (bien présent) ou le désir de contrôler leur destin, le gang de Black’s Game a cet air mélancolique des outsiders frustrés de tourner en rond au sein d’un univers trop limité. Stebbi, Toti & co ont beau voyager à travers la Scandinavie pour mettre en place leur réseau international, jamais le spectateur ne quitte l’Islande et ses nuits prolongées, propices aux méfaits les plus horrifiques (disons qu’il est fait bon usage des congélateurs dans le film). Le contraste entre l’horizon rugueux de ce décor et ces familières aventures de dealers suffit à donner un cachet, et de l’intérêt à ce Black’s Game autrement générique en diable, jusqu’à son épilogue capillo-tracté et paresseusement prévisible.


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Trois sur cinq
Black’s Game (Svartur a leik)
D’Oskar Thor Axelsson
2012 / Islande / 104 minutes
Avec Thor Kristjansson, Johannes Johannesson, Maria Birta
Sortie prochainement
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