Perdu au sein de l’avalanche de films de science-fiction sortis cette année, Europa Report dispose à première vue de tous les atouts pour réussir. Aux commandes, le mexicain Sebastián Cordero (les thrillers Investigation et Rabia), produit et soutenu par Guillermo Del Toro, ne pouvait pas rêver meilleur pitch. Une mission privée part en direction d’Europe, la sixième lune de Jupiter, à la recherche d’une trace de vie. L’équipage international rencontre de tragiques déboires lors de sa longue Odyssée. Cette lune mystérieuse, déjà remarquée par Arthur C. Clarke (auteur de 2001 et de 2010), attire les fantasmes et les espérances d’une histoire racontée sur un ton relativement réaliste et scientifique, loin des circonvolutions métaphysiques de Stanley Kubrick.
L’important, c’est le voyage, pas sa destination
L’espace offre à qui veut bien l’explorer une multitude de possibilités de récit de découvertes et d’exploration. Sauf que la tendance grandissante dans les films du genre SF horrifique, à la manière d’un Red Planet, d’un Apollo 18 ou dernièrement Last days on Mars, se résume plutôt à faire mourir l’ensemble des protagonistes de manière méthodique, n’en déplaise aux passionnés des étoiles. Dans l’histoire d’Europa Report, l’action, entièrement filmée en huis-clos par les multiples caméras de surveillances de la station, relance le débat sur le found footage. Bien que ce mode de captation se justifie bien pour un thriller spatial, il comporte des sauts de caméras et des brouillages aussi volontaires que répétitifs. Le sujet aurait mérité un angle différent et rarement exploité, comme dans l’excellent Moon, projeté il y a quelques années à l’Étrange Festival. Ce style qui n’a plus rien de surprenant conduit l’intrigue vers une révélation finale décevante et que l’on pourrait trouver dans n’importe quel film de genre.
Dernier regret, de taille : le montage du film sous la forme d’un faux documentaire comporte des sauts dans le temps qui cassent inutilement le rythme et le suspense du long-métrage, sans que ce choix ne trouve de justification particulière. Le film aurait mérité d’être délesté de certains témoignages inutiles (et très moyennement interprétés), et d’un fil rouge plus linéaire, plus direct, au lieu de ce parti-pris maladroit.
Objectif : la vie sur Europe
Il n’en reste pas moins que ce slasher sans tueur se place nettement au-dessus de la moyenne de ses cousins spatiaux à tendance horrifique. À mi-chemin entre le récit d’aventures et le huis-clos angoissant, avec des péripéties extrêmement tendues, Europa Report maintient constamment la tension, dynamisé par ses multiples angles de caméra neutres. Malgré son petit budget, Sebastián Cordero parvient à garder l’illusion de l’espace, de la claustrophobie des passagers et de l’angoisse de l’apesanteur, sans laisser entrevoir ses limites technologiques et en ménageant quelques rebondissements surprenants. Avec trois fois rien, il délivre de nombreuses informations sur l’exploration spatiale en se servant de vérités scientifiques cohérentes. Le mode de captation respecte la vision du spectateur et permet de suivre l’action avec netteté. Eugenio Caballero, Oscar du meilleur décor pour le Labyrinthe de Pan, construit ici un vaisseau froid, fonctionnel et mystérieux. Sans mettre en lumière la totalité de l’appareil, le chef décorateur donne une vision claire de sa structure et de son fonctionnement. Plutôt porté sur les séries TV (Caprica, The Walking Dead ou The Cape figurent à son palmarès), le compositeur Bear McCreary accompagne avec une musique efficace les montées d’adrénaline de l’équipage et les situations stressantes qu’il doit gérer.
Le casting international du film sert également son récit de la meilleure manière. Sans être clinquante, la distribution se compose de talents remarqués aux quatre coins du monde. Anamaria Marinca (4 mois, 3 semaines, 2 jours), Daniel Wu (Tai Chi Hero, Overheard) Sharlto Copley (Elysium, District 9), Michael Nyqvist (Mission : Impossible – Protocole fantôme, Millenium) et Christian Camargo (Twilight) composent des personnages complémentaires, aussi professionnels qu’attachants.
Même si Europa Report ne dépasse pas les frontières du found footage et pâtit d’un montage capricieux et agaçant, Sebastián Cordero réussit le pari de faire décoller le spectateur avec minutie et créativité, loin, très loin de la maison.
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Europa Report
De Sebastian Cordero
USA / 2013/ 90 minutes
Avec Sharlto Copley, Michael Nyqvist, Christian Camargo
Sortie le 24 janvier 2014 chez Metropolitan
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