Quentin Dupieux franchit avec Wrong Cops la ligne rouge où seuls ceux qui l’aiment le suivent. Sauf que certains qui croyaient l’aimer se casseront les dents. Pourtant, le « passif » de Monsieur Dupieux démontre un talent indéniable pour confectionner des films qualifiés, article après article, d’« Objet filmique non identifié ». En 2006, il mérite une mention dans le Guinness des records pour réussir à rendre le duo Éric et Ramzy cinématographiquement intéressant dans Steak. En 2010, il réalise Rubber, diffusé à l’Étrange Festival. Des salles entières se retrouvent scotchées au caoutchouc d’un superbe pneu « tubeless » quelque peu fatigué, mais capable de tuer des gens dès qu’il met la gomme. Après cette géniale parenthèse « Michelin », Dupieux revient aux humains avec Wrong.
Wrong movie…
Le créateur de la théorie du « no reason », maître du mélange entre l’expérimental et le mainstream se fourvoie avec Wrong Cops : une comédie, non seulement de mauvais goût, mais d’une vulgarité à tous les étages. Comme un énorme doigt d’honneur lancé aux Américains et financé en France, Wrong Cops traîne sa provocation non-sensique devenue cette fois exaspérante à la face du monde.
L’histoire, aussi légère que les soucis gastriques aquatiques de Clovis Cornillac dans Protéger et Servir (oui, de ce niveau), se résume à dresser le portrait d’une brigade de police opérant dans la ville du crime, alias Los Angeles. Au vu du titre du film (qui était au départ une collection de courts-métrages, expliquant en cela le côté décousu de l’histoire), la théorie du « tous pourris » s’impose. Au menu des réjouissances, Duke, le dealer mélomane, et ses improbables collègues, de l’obsédé sexuel au borgne persuadé d’avoir du talent musical, en passant par la mère de famille maître chanteur. Les gags salaces et tombant souvent à plat s’enchaînent : une affaire de rançon autour d’un magazine porno gay, voyeurisme…
Pour couronner le tout, Quentin Duprieux se complet dans l’autosatisfaction étouffante. Un extrait de Rubber présenté comme « un film génial », le chien et son maître vedettes de Wrong se baladent tranquillement dans le champ. Plutôt que d’insuffler un peu de nouveauté dans ses gags, le réalisateur comme le musicien se recyclent en proposant une version absurde et triviale de Southland sans réelle épaisseur.
…wrong music…
[quote_left] »Wrong Cops une comédie, non seulement de mauvais goût, mais d’une vulgarité à tous les étages. » [/quote_left]Côté musique, parlons-en ! Monsieur Oizo (pseudonyme de Quentin Dupieux qui se tortille de la boîte à rythmes) la met en avant au point,qu’elle devient plus puissante que le film lui-même. Sincères condoléances, donc, à ceux qui saignent des oreilles à la seule évocation d’un mash-up électro, qui font une syncope lorsqu’un rythme passe en boucle lors d’une soirée. Wrong Cops, plutôt un objet musical non identifié matraque vos neurones, torture vos tripes et détruit ce qui reste de votre amour du son.
…but very good Marilyn !
Côté interprétation, heureusement, le casting recèle quelques surprises. Éric-le flic-borgne-Judor, repris en solo après l’excellente première saison de Platane et Wrong, se cantonne à un rôle d’idiot de la brigade. Un rôle somme toute banal, s’il ne plaçait pas le Français délicieusement en décalage avec le ton américano-beauf de ses soi-disant collègues. L’irremplaçable Ray Wise (Twin Peaks) apparaît également le temps d’un mémorable et incorrect enterrement. Seul Marilyn Manson, le seul et l’unique, parvient vraiment à sortir du lot grâce à une interprétation plus que convaincante (et étonnante) pour un caméo de cet ordre. Le chanteur, apparu dans Californication cette saison, interprète ici un jeune ado timide incroyablement crédible nommé David Dolores Frank. Marilyn Manson, icône du métal des années 90, mérite amplement sa place dans un film capable de mettre en valeur ses talents d’acteur, de manière plus évidente que dans ce très oubliable patchwork de gags lourdauds, synonyme pour l’heure d’impasse artistique pour son iconoclaste réalisateur.
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Wrong Cops, de Quentin Dupieux
France / 2013 / 85 minutes
Avec Mark Burnham, Marilyn Manson, Eric Judor
Sortie le 19 mars 2014
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