Pour les moins danophones d’entre vous (et ils sont nombreux), Northwest n’évoque sans doute rien d’autre qu’un classique d’Alfred Hitchcock. Mais pour les habitants du pays de Kierkegaard, Nordvest – comme on dit là-bas – est le nom d’un des quartiers les plus pauvres de la capitale, Copenhague. Cet équivalent en plus froid du 9-3 est le théâtre du nouveau film de Michael Noer, co-réalisateur avec Tobias Lindholm (Hijacking) d’un drame carcéral très remarqué car très réaliste, R. Le cinéaste persiste et signe dans le domaine du drame qui ne rigole pas avec Northwest. Le film traite de l’engrenage de la délinquance juvénile, avec cette fois un respect des codes trop visible pour ne pas décevoir.[quote_left] »L’évolution de l’intrigue est cousue de fil blanc. » [/quote_left]

Le héros se nomme ici non pas Tony mais Casper, gentil grand frère tout juste majeur, qui joint les deux bouts pour aider sa mère en trafiquant des biens volés dans le quartier. Petite graine de délinquant au crâne d’œuf, Casper a envie de gagner plus, et pour cela, il faut travailler pour le plus offrant, à savoir le gang de Bjorn, qui malgré son patronyme a plutôt l’air avec ses patibulaire amis musculeux de venir d’Europe de l’Est (le film les appelle des bikers, même si aucune moto n’est à l’affiche). La suite, on la connaît : petites courses pour livrer drogues et prostituées, argent facile, et la sensation tangible que « the world is yours ». Le jour où Casper entraine son frère dans ce dangereux business, alors que son ancien « partenaire », Jamal, commence à manifester un certain mécontentement, c’est le début des gros ennuis.

La pathétique quête de Casper

Étrange festival – Northwest : n’est pas Pusher qui veut

Le problème de Northwest ne se situe pas dans la réalisation, très propre, très sèche, de Michael Noer. Sans toucher au génie, ce dernier parvient à saisir toute l’ambivalence d’un Casper voulant jouer les chefs de famille avec sa mère, sa petite sœur et son petit frère, sans parvenir à faire oublier sa jeunesse, son inexpérience et ses peurs, et à brosser efficacement une galerie de personnages en peu de scènes, sans verser dans la violence gratuite et l’outrance. Mesuré, Northwest l’est assurément, bien plus qu’un Black’s Game au thème similaire, et qui versait quant à lui ouvertement dans la formule « sexe, drogues et 9 mm » à la mode au nord de l’Europe depuis le Pusher de Nicolas Winding Refn. Le souci vient plus du fait que la majorité de ces personnages sont tout simplement antipathiques au possible, et qu’on se soucie autant de leur sort que celui d’une vieille paire de chaussettes. Casper en premier lieu, avec son visage fermé et ses réflexes égoïstes (il cache son argent dans une tombe, grande classe) a encore moins de circonstances atténuantes que Frank dans Pusher. Tout innocent qu’il soit, son frérot – pour l’anecdote, les deux comédiens sont frangins aussi dans la vraie vie – se révèle encore pire que l’aîné, contribuant à dessiner un paysage bien machiste où les seuls personnages féminins sont destinés à être abandonnés, brutalisés ou défigurés.

Le plus grave là-dedans, outre le fait que l’évolution de l’intrigue soit cousue de fil blanc (on sait dès les premières minutes comment tout cela va se terminer, à quel moment notre « héros » va flancher, et qui va prendre des coups dans l’affaire), c’est que Noer se garde bien de juger la minable quête d’enrichissement de Casper. Le dénouement, sorte de version réaliste (et honnêtement inspirée) de l’ouverture de 28 semaines plus tard, se fige dans un hors-champ indécis, qui invite moins à la réflexion qu’à la circonspection. Un peu comme si, à l’époque de La Haine, Kassovitz avait décidé de faire sauter la dernière bobine pour se retrancher dans un non-dit anonyme. Ça n’est pas seulement frustrant, c’est aussi un peu malhonnête.


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Northwest (Nordvest), de Michael Noer
Danemark / 2013 / 91 minutes
Avec Gustav Dyekjær Giese, Roland Møller
Sortie le 9 octobre 2014
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