Malgré un trailer qui grillait en toute connaissance de cause les meilleures cartouches du film (on en parlait ici) et la réputation de bide désastreux que se coltinait le métrage depuis sa sortie aux USA, il y avait quelques raisons d’attendre cet Évasion, alias Escape Plan, longtemps annoncé puis repoussé. D’abord parce que si on oublie la galette des rois des anciens combattants que représentait Expendables 2, le film marque officiellement la première rencontre en tête d’affiche de Stallone et Schwarzie, vieux potes de business et faux rivaux de cinéma dans les années 80 et 90, qui n’avaient de cesse d’annoncer ce match au sommet (c’est bon pour l’ego) fantasmé par leurs fans. Ensuite, le budget de 50 millions de dollars, pas si étriqué si l’on considère les récentes contre-performances au box-office des deux stars, permettait d’espérer un retour glorieux du film de zonzon à l’ancienne, façon Haute Sécurité, par exemple, avec matons sadiques, bastons pleines de sueur et plans d’évasion tarabiscotés. D’une certaine manière, Évasion nous offre tout ça. Mais ça n’en fait pas pour autant un bon film, ni une bonne nouvelle.
Comme pour coller à la nature assez nostalgique du projet, le film semble avoir été conçu comme si nous étions encore dans les années 90. Passée une séquence d’introduction plutôt ludique en forme de cours d’évasion (hautement improbable, puisque on a rarement vu des casernes de pompiers collées à des établissements pénitentiaires), la prison hi-tech dans laquelle échoue le spécialiste Ray Breslin (Stallone, en mode sobre et jeu minimal) évoque essentiellement des classiques de cette décennie : Fortress, la série Oz, et surtout Volte/Face, auquel on pense d’autant plus que SPOILER ! la fameuse prison, surnommée « La tombe », se trouve être un cargo en plein Océan Atlantique.
Prisonniers des clichés
Anonyme, fonctionnel et peu inspiré visuellement, le décor ne présente donc pas de raison de s’émerveiller, d’autant plus que les créateurs de costumes ont jugé bon d’affubler les gardiens de masques à la THX 1138, rendant ainsi moins compliqué l’usage massif de cascadeurs. On soupire un peu plus en évoquant les personnages qui peuplent cet improbable cargo, du chef des matons forcément plus coriace et violent que la moyenne (Vinnie Jones, what else ?) au médecin noyant ses remords dans l’alcool (Sam Neill, littéralement sacrifié dans un rôle où il semble lui-même souffrir), en passant par le sidekick musulman qui doit prononcer à peu près dix fois les mots « Allah Akbar » en une heure. La timbale est décrochée par le patron de « La Tombe », interprété par un Jim Caviezel littéralement sous acide, qui caresse le front de ses employés ou sa cravate avec l’air suave de celui qui cherche à chaque seconde un moyen de marquer les esprits pour compenser le côté ultra-cliché de son personnage.
Au milieu de ce casting aussi luxueux que bis (on oublierait presque de parler de Vincent d’Onofrio et 50 Cent, « héros » d’une intrigue parallèle à peu près aussi passionnante qu’un épisode de NCIS), celui qui semble finalement le plus s’amuser à bord reste Schwarzenegger. Cheveux et bouc décolorés, affublé d’un patronyme ronflant (Emil Rottmayer, sérieusement !), l’ex-retraité joue avec un réel entrain les seconds rôles de luxe, proférant des insultes en allemand ou dégainant, le temps d’un plan de quelques secondes aussi référencé qu’efficace, une sulfateuse comme au bon vieux temps de Commando. Il écope aussi de la seule réplique mémorable (« You hit like a vegeterian ! ») dans un film qui semble courir à chaque seconde après un genre et un état d’esprit qu’il sait déjà lointain. Tâcheron irrécupérable aux piètres titres de gloire (Le Rite, Dérapage, Shangai, et dans une moindre mesure Chambre 1408), Mikael Hafström tente bien de glisser ça et là des artefacts de réalisation façon Mission : Impossible – la visualisation informatique des plans de Breslin, les plans d’ensemble et explosions en CGI à peine corrects -, pour nous rappeler qu’on est en 2013. Mais la nature même d’un script aux rebondissements et aux dialogues à peine dignes d’un Randy Couture, torché par les responsables de Road House 2, nous ramène toujours à une triste réalité : tout cela n’est guère palpitant, et s’oublie avant même l’arrivée de l’ultime (et téléphoné) rebondissement de l’histoire.
S’adapter ou mourir ?
[quote_left] »Le film semble avoir été conçu comme si nous étions encore dans les années 90. » [/quote_left]Bien que bénéficiant de l’aura, indéniablement endommagée, de ses deux vedettes, Évasion ne vaut en essence guère mieux que les DTV shootés en Europe de l’Est avec des gloires du catch, des productions qui ont justement tiré vers le bas, et ce depuis longtemps, le genre de série B que Stallone et Schwarzie souhaiterait faire revivre à coups de millions de dollars. Comme dans le cas du Dernier Rempart ou Du plomb dans la tête (qui conservait un certain charme propre à son décor de Louisiane, où certaines scènes d’Évasion semblent aussi avoir été tournées), les vieilles recettes montrent vite leurs limites dans un monde où les têtes de gondole du divertissement se nomment Hunger Games ou Avengers. Pour les deux vétérans les plus célèbres du film d’action, la question se pose de savoir s’ils veulent s’adapter à cette époque ou persister dans une voie qui devient une impasse financière et artistique. Les films qui s’annoncent pour eux (le polar Sabotage, la comédie sportive Grudge Match, un troisième Expendables) semblent dire que leur décision n’est à ce jour pas encore prise.
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Évasion (Escape Plan)
De Mikael Hafström
USA / 2013 / 107 minutes
Avec Sylvester Stallone, Arnold Schwarzenegger
Sortie le 13 novembre 2013
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