Fall : plus haute sera la chute
Deux grimpeuses téméraires se retrouvent coincées au sommet… d’une antenne, dans ce vertigineux et efficace Fall.
C’est une manie au cinéma, ça, de se retrouver piégé dans les situations les plus inextricables et/ou invraisemblables possibles. Il y avait déjà eu les skieurs malchanceux de Frozen, coincés pour le week-end sur un téléphérique, Blake Lively échouée sur son rocher dans Instinct de Survie, Ryan Reynolds dans le cercueil de Buried, Colin Farrell dans la cabine téléphonique de Phone Game… Le cinéma bis a même eu son lot de personnages coincés dans des toilettes, une cabane de chantier ou bien sûr une voiture en panne. Le spectateur semblait avoir tout vu, mais c’était sans compter sur Fall, une « œuvre à sensations » comme le définit son réalisateur Scott Mann (à l’œuvre sur The Tournament ou Final Score) qui ne lésine pas sur les efforts pour justifier la panade stratosphérique dans laquelle se retrouvent ses deux jeunes héroïnes.
Quand l’inconscience atteint des sommets
C’est qu’elle paraît presque crédible, cette paire de copines carburant à l’adrénaline et à l’ivresse des sommets. Becky (Grace Caroline Currey) file le parfait amour avec son mari grimpeur Dan. Mais le conjoint fait un mauvais geste en pleine ascension et chute vers sa mort, sous les yeux de Becky et Hunter (Virginia Gardner). Un an plus tard, Becky est au fond du trou, malgré l’attention que lui porte son père (Jeffrey Dean Morgan) et Hunter, célèbre pour ses vidéos en ligne de varape de l’extrême, vient lui proposer d’escalader une antenne de télévision abandonnée au milieu du désert, la « B67 ». Un poteau de métal avec une échelle de 600 mètres, qui sent bon la rouille et les boulons en perdition. Plus ou moins convaincue par l’idée de disperser les cendres de son mari depuis le sommet de la tour, Becky accepte d’entamer l’ascension avec Hunter. Déjà tendu sur le papier, ce défi devient mortel quand la partie haute de l’échelle s’écroule, piégeant le duo à une altitude à laquelle seuls les vautours survivent…
« Fall maintient dans sa glorieuse imbécillité un rythme soutenu
malgré l’étroitesse de son décor. »
Que l’on soit pris de maux de tête à la simple idée de monter une échelle ou non, l’angoisse du vide est quelque chose d’existentiel, d’universel, qui conditionne même notre inconscient – tomber dans un rêve, par exemple, c’est souvent se réveiller de manière brutale. Recréer cette angoisse à l’écran en simulant une sensation de vertige, jouer sur la dilatation du temps quand un corps en vient à se balancer sur un fil au-dessus de sa propre fin, comme le faisait l’éprouvante ouverture de Cliffhanger : c’est visiblement l’objectif que s’est fixé Scott Mann avec Fall. Un film qui nous demande – non, qui nous supplie – de passer outre la délirante inconscience de ses personnages pour plonger dans un tour de montagnes russes exploitant au maximum un décor aussi rachitique qu’ouvert aux quatre vents. Oui, Hunter a la pire idée du siècle en proposant à son amie Becky de surmonter le traumatisme d’un accident d’escalade en… escaladant une tour suintant dès son premier barreau la décomposition avancée. Oui, Becky est encore plus bête de croire que cette catharsis peut l’aider à avancer – se balancer pour rire (et un selfie) dans le vide n’est pas non plus un grand signe d’intelligence.
Verticales limites
Mais si les héroïnes de Fall étaient raisonnées et prudentes, il n’y aurait pas de film. Et Scott Mann ne pourrait plus s’amuser à multiplier les zooms arrière et les contre-plongées isolant les deux filles dans l’immensité d’un ciel hostile, perchées sur leur grille précaire. Tourné en réalité à 30 mètres de haut (ce qui n’est pas une paille) dans des conditions difficiles – le making of vaut à ce titre le détour – Fall maintient dans sa glorieuse imbécillité un rythme soutenu malgré l’étroitesse de son décor et crée une esthétique remarquable avec ses lignes de fuite verticales et son soleil écrasant. Comme dans tout bon survival, Becky et Hunter épuisent-elles toutes les solutions possibles pour se sortir de cette impasse, tentent de surmonter les éléments et font face à de multiples épreuves (descentes en rappel, hallucinations et même des charognards). Le scénario tente même un twist inattendu en fin de parcours, qui joue avec les limites du plausible, mais relance malgré tout notre intérêt. On n’en dira pas autant du côté conservateur de la sous-intrigue sentimentale liant les deux copines – un aspect aussi superflu que bêtement moralisateur – gâchant les plaisirs simples et primitifs que Fall procure sur l’ensemble du métrage.
J’ai trouvé ce film absolument génial, angoissant au possible avec d’incroyables poussées d’adrénaline. Si on aime avoir peur, ce film coche toutes les cases