Troll : ne réveillez pas un mythe qui dort
Le réalisateur de The Wave retourne aux sources du folklore norvégien pour emballer un King Kong norvégien sans éclat.
L’objectif affiché de Troll, production 100 % norvégienne, est plutôt noble : il s’agit de redonner tout son lustre à l’un des mythes les plus reconnaissables de la culture scandinave, capturé depuis des décennies par la littérature de fantasy et la pop culture. Non, les trolls ne sont pas que les compères des gobelins et des ennemis tout trouvés pour des centaines de jeux de rôles ou adaptations du Seigneur des Anneaux. La créature nordique issue de l’époque médiévale est originellement colossale, peu amicale, et symbolise métaphoriquement la force incontrôlable et hostile de la nature, liée à la montagne et aux forêts impénétrables. Ce côté mystique et destructeur à la fois est au cœur du projet de Roar Uthaug, réalisateur norvégien qui de The Wave à Tomb Raider, a à plusieurs reprises démontré son amour des films d’aventures spectaculaires et peu complexes. De ce côté-là, Troll ne risque pas de vous brûler les neurones.
Attention, ça va troller
C’est, encore une fois, l’avidité aveugle des humains qui les mène à leur perte. Parce qu’ils ont creusé, tels les nains de la Moria, trop profondément la montagne norvégienne, pour y construire un tunnel autoroutier, ils réveillent sans le vouloir, une créature issue du plus profond des âges. Un géant de pierre, a priori indestructible et peu sociable, qui risque bien de tout détruire sur son passage, jusqu’à la capitale Oslo. Désemparé et sceptique, le gouvernement se résout à faire appel à la paléobiologiste Nora Tidemann (Ine Marie Wilmann, Furia) et son père devenu ermite, pour résoudre un mystère pourtant évident : les légendes sont réelles et c’est grâce à elles qu’ils pourront arrêter ce troll plusieurs fois centenaire…
« Le Japon avait son Godzilla, les Américains avaient leur King Kong : Uthaug donne à son pays natal son Troll. »
Le Japon avait son Godzilla, les Américains avaient leur King Kong : Uthaug donne à son pays natal son Troll – l’évidence est carrément soulignée deux fois dans les dialogues. Nul discours caché sur le colonialisme ou le danger atomique ici : le film a beau nous inviter à déceler la part de vérité qui peut se cacher derrière chaque mythologie et à faire de sa créature le bras armé d’une Nature bafouée par l’homme, celle-ci est avant tout une force destructrice au sens le plus bourrin du terme. Le cinéaste joue la montre avant de la révéler au spectateur, prenant le temps nécessaire pour présenter en parallèle ses quelques personnages : un militaire extra-viril mais cool, une première ministre dépassée, son irritant assistant et sa copine militaire évidemment geek… Des clichés sur pattes au milieu desquels émerge à peine le docteur Tidemann, une scientifique bercée dans son enfance par les croyances poétiques de son paternel. Une héroïne logique, déterminée, mais douée d’empathie, que le scénario se garde heureusement de transformer en amoureuse en péril.
Elle est assurément le point d’ancrage le plus convaincant d’un film avant tout conçu pour enfiler comme les perles les scènes d’action, où le gigantisme du troll – dont le design de gros barbu doté d’une longue queue est aussi reconnaissable que fidèle à la tradition – cause autant de sidération que de dégâts. Hélicoptères, tanks, parc d’attractions, immeubles et l’inévitable maison du couple de vieux miraculeusement épargné (un clas-sique, on vous dit) : rien ne résiste longtemps au colosse, autour duquel le film tente d’établir une mythologie maison assez bancale pour justifier l’attaque d’Oslo. Linéaire et jamais extravagant, plutôt réussi dans l’intégration de ses effets spéciaux et la création de money shots parfois mémorables, Troll ressemble pourtant à une occasion manquée. Sa volonté de livrer une aventure familiale à grand spectacle semble brider Roar Uthaug : dénué de grandes péripéties, son film est simpliste, attendu, souvent naïf et ne brille jamais par l’intelligence de ses dialogues. Comme Tomb Raider, finalement, le résultat n’a rien de honteux ni d’ennuyeux, mais ne se hisse jamais au niveau des références qu’il convoque.