La terre et le sang : une série B en bois

par | 27 mai 2020 | À LA UNE, Critiques, NETFLIX

La terre et le sang : une série B en bois

Spécialiste du film d’action à la française, Julien Leclercq se la joue petit bras avec La terre et le sang, série B moche et molle que même Sami Bouajila ne peut sauver de l’oubli.

Ils ne sont pas si nombreux, les réalisateurs français à pouvoir se targuer d’avoir une véritable expertise en matière de thriller et de films d’action. Aussi productif que passionné, Julien Leclercq fait indéniablement partie de ce cercle restreint et il s’avère qu’il est le premier à regretter que cette énergie ne soit pas récompensées dans son propre pays. Sans être parfaits, Gibraltar et Braqueurs démontraient la versatilité et la générosité d’un artisan ayant faim de cinéma, qui savait croquer des gueules de polar en ne cherchant pas à réinventer les codes, mais à les actualiser sans honte, à hauteur d’homme. Après l’échec de Lukas, où il tentait à son tour de réinventer la figure de Jean-Claude Van Damme, Leclercq a décidé de changer de boutique et de méthode. Direction Netflix, qui produit son nouveau long-métrage La terre et le sang. A en croire l’intéressé, frustré par les échecs successifs de ses œuvres et leur distribution chaotique en salles, ce ne sera pas la dernière collaboration avec la plateforme. Nous l’espérons plus convaincante !

Piège en forêt

La terre et le sang : une série B en bois

Ça fait mal de l’écrire, mais encore plus d’y assister : La terre et le sang, malgré des réminiscences cinéphiles aussi anglo-saxonnes (Walking Tall) que locales (Les Grandes Gueules, rare exemple de polar musclé et campagnard à la française) et un acteur, Sami Bouajila, judicieusement monolithique, est une sacrée déconvenue, nullement à la hauteur de son objectif de procurer les plaisirs simples et brutaux que promettait son pitch squelettique. Pour sa troisième collaboration avec le réalisateur, Bouajila incarne Saïd, propriétaire d’une scierie qu’il peine à rentabiliser et qui se retrouve dans de sales draps le jour où son apprenti, Yanis, cache à son insu un paquet de drogue dans l’usine. Un gang de malfaiteurs de la région parisienne, mené par l’inquiétant Adama (Eriq Ebouaney), débarque alors dans ce lieu isolé armes à la main pour récupérer son bien…

« Le film reste timide, jamais percutant, manquant d’idées assez folles
pour justifier l’existence du produit final. »

L’une des qualités, revendiquées, du cinéma de Julien Leclercq, réside dans sa volonté de concision. La plupart de ses longs-métrages ne dépassent pas l’heure et demi et La terre et le sang vise même en dessous de cette durée symbolique, en emballant l’affaire en moins de 1 h 20 montre en main. Ce côté ramassé n’empêche pourtant nullement le film d’être une souffrance. Emprisonné dans une photo grisâtre télévisuelle dénuée de profondeur, handicapé par un montage scolaire se résumant à montrer assaillants et poursuivis en champ / contre-champ en se fichant pas mal d’installer une géographie des lieux pourtant essentielle à un tel exercice de style, le film s’installe après dix minutes d’exposition rudimentaire dans une routine de « seul contre tous » campagnard qui fait peine à voir. Passe encore que les personnages, cantonnés à une fonction unique, soient à peine incarnés : La terre et le sang déçoit aussi et surtout sur le plan de l’action proprement dite. Leclercq semble vouloir émuler, peut-être inconsciemment, le style sans compromis des derniers Rambo, mais le long-métrage reste timide, jamais percutant, manquant d’idées assez folles pour justifier l’existence du produit final. Excepté son décor, unique en son genre, mais jamais mis en valeur à sa juste mesure, La terre et le sang est à l’image de son méchant principal, incarné par le pas très subtil Eriq Ebouaney : persuadé d’être badass et sans pitié, mais générique et coincé au stade de l’imitation caricaturale dénuée de personnalité.