Tyler Rake : le Big Mac du film d’action

par | 28 mai 2020 | À LA UNE, Critiques, NETFLIX

Tyler Rake : le Big Mac du film d’action

Bourrin et simpliste, Tyler Rake inaugure une wannabe franchise qui tente d’amalgamer tous les courants actuels du film d’action. Spectaculairement creux.

Lorsque nous annoncions début avril la sortie sur Netflix de Tyler Rake, premier film du coordinateur des cascades d’Avengers Endgame Sam Hargrave, le film était présenté comme « le blockbuster du printemps » de la firme américaine. Trois semaines à peine après sa mise en ligne en plein confinement, Netflix faisait savoir qu’Extraction (titre original) était devenu le film le plus vu sur la plateforme ! Les frères Joe et Anthony Russo, coscénaristes et producteurs de la chose entre deux mastodontes Marvelliens, peuvent avoir le sourire. Il faut dire que le long-métrage, en plus d’avoir une star reconnaissable issue du MCU en tête d’affiche, Chris Hemsworth, a bâti rapidement sa réputation de film d’action pétaradant et exotique, avec un tournage au Bangladesh, en Inde et en Thaïlande, et un plan-séquence à perdre haleine qui sert de note d’intention scénique pour son réalisateur pas si débutant. Au-delà de sa capacité à générer du buzz instantané, que vaut au final Tyler Rake ?

Routinière destruction

Tyler Rake : le Big Mac du film d’action

Bien qu’il soit tiré d’un comic book, Ciudad, dont l’adaptation a nécessité pas moins de quatre scénaristes, Tyler Rake déroule un scénario à peine plus évolué qu’une production Cannon des années 80. Le héros titre est un mercenaire australien dont la morale, comme le moral, sont à zéro depuis la disparition de son fils. Zombie ambulant (mais bodybuildé), Rake est embauché pour une mission dont on sait qu’elle va lui coûter cher, puisque le film a le mauvais goût de s’ouvrir sur un flash-forward nous plongeant sans explication dans une scène de fusillade dantesque (parviendra-t-on à comprendre un jour les raisons qui poussent Hollywood à ouvrir leurs blockbusters sur un « avant-goût » de la fin du film, à part le manque de confiance dans la capacité d’attention de leur propre public ?). Il doit sauver le fils d’un patron de cartel au Bangladesh, kidnappé par un concurrent ambitieux. Arrivé sur place, Tyler va faire le job, sans état d’âme, mais son équipe est prise au piège au dernier moment et la mission de routine se transforme en lutte pour la survie et une certaine forme de rédemption…

« Ce qui permet à Tyler Rake d’exister au-delà de son statut de série B basse du front, ce sont les dollars des frères Russo. »

Soyons bien clairs : si Tyler Rake possédait un budget dix fois moins supérieur et ne disposait, au hasard, que de Dolph Lundgren pour camper le rôle-titre, le film aurait même fait bailler de désespoir les aficionados de la TNT. Cousu de fil blanc du début à la fin, cet ersatz au filtre jaunâtre de Man on Fire (entre autres références venant immédiatement à l’esprit) prend un temps incroyablement long pour mener à bon port une intrigue incroyablement creuse, depuis le trauma larmoyant de son héros à l’amitié qui ô surprise le lie progressivement à l’ado qu’il doit protéger. Aucune originalité, y compris quand le script fait tout d’un coup apparaître David « Stranger Things » Harbour en vieux pote barbouze instantanément louche, ou transforme un ennemi redoutable en allié de dernière minute. Non, ce qui permet à Tyler Rake d’exister au-delà de son statut de série B basse du front, ce sont les dollars des frères Russo permettant à Hargrave de produire des scènes d’action emballées avec une spectaculaire envie de bien faire.

Des leçons bien apprises

Tyler Rake : le Big Mac du film d’action

De ce côté-là, Tyler Rake est bien un film de son temps : le film amalgame dans ses moments les plus énervés (en gros, dès que l’ami Thor décide de décimer la moitié du Bangladesh ou d’échapper à ses poursuivants) tous les courants possibles du genre dans une même séquence. Combats brutaux suivis par une caméra possédée comme dans les The Raid, fusillades au corps à corps chorégraphiées à la John Wick, plan-séquence destructeur aux angles et raccords impossibles tout droit sortis d’une cinématique de Call of Duty : Modern Warfare, ambiance de panique urbaine captée par de courtes focales façon cinéma HK…

À défaut d’afficher une personnalité établie, Tyler Rake montre que ses concepteurs savent appliquer les recettes du film d’action moderne, avec un recours aux plans d’ensemble, un découpage lisible et des effets de style percutants, qui en font un spectacle regardable même lorsqu’il est gâché par des effets numériques indignes de son statut (bouh, les explosions de voiture et d’hélicoptère !). Le dévouement physique d’Hemsworth, qui impose derrière un jeu un peu forcé une présence intimidante indiscutable, est tout aussi appréciable. Enfin, après deux heures d’émotions factices et de chargeurs vidés sans ménagement, la question d’une possible et inévitable suite se pose moins que celle de savoir si nous y recroiserons l’envoûtante Golshifteh Farahani, dont le CV reste très éloigné de ce genre de productions, avec son bazooka à la main.