Le rythme de la vengeance : du Bourne dans la peau
Porté par Blake Lively, Le rythme de la vengeance peut compter sur ses personnages pour dépasser le stade de film d’espionnage lambda.
Il est assez rafraîchissant de voir que depuis quelques années, l’industrie hollywoodienne conjugue le genre du film d’espionnage au féminin. Pas aussi prestigieux qu’un Atomic Blonde ou qu’un Red Sparrow, Le rythme de la vengeance parvient à tirer son épingle du jeu en délaissant la figure de l’espion infaillible pour suivre la vengeance familière d’une femme meurtrie, une proto-Nikita qui compense son absence d’entraînement par une rage sourde et implacable.
Incarnée par une Blake Lively (Adaline, Instinct de survie) dans un premier temps méconnaissable, Stephanie Patrick est une épave humaine lorsque nous faisons sa connaissance. De longs films de famille défilent pendant le générique pour faire comprendre ce que cette étudiante a perdu, lorsque toute sa famille a péri dans un accident d’avion au-dessus de l’Atlantique. Le crash a détruit psychologiquement la jeune femme, qui sombre dans la drogue et la prostitution dans un bouge londonien, jusqu’à ce qu’un journaliste freelance, Keith Proctor (Raza Jaffrey), la contacte pour lui apprendre que le drame cachait en fait un assassinat programmé. Ces révélations bouleversent Stephanie, qui décide de remonter la filière des commanditaires, pour les éliminer un par un…
Une espionne pas comme les autres
Tiré d’un roman signé Mark Burnell, que l’écrivain a adapté lui-même, Le rythme de la vengeance (The Rhythm section, le titre VO, qui fait référence à une technique de respiration avant de tirer au pistolet, est plus éloquent et logique) a beaucoup à voir, dans l’ampleur et la sècheresse des scènes d’action (dont une poursuite en voiture à Tanger en plan-séquence, bien plus immersive et réaliste que celle de Tyler Rake), comme dans ses jeux d’identités secrètes et de cache-cache géographique, avec l’univers des Jason Bourne. Ce qui donne sa personnalité au film, et qui conditionne même sa mise en scène assurée par Reed Morano (directrice photo récompensée pour The Handmaid’s Tale qui avait notamment réalisé Seuls sur Terre avec Peter Dinklage), c’est que son personnage n’a rien d’une super-héroïne surentraînée. Stephanie est ravagée par la tristesse et un sentiment de culpabilité, à peine capable de savoir pourquoi elle vit encore quand tous les siens ont disparu. Le rythme de la vengeance chronique, en prenant inhabituellement son temps (ce film d’espionnage entame vraiment les hostilités au bout de cinquante bonnes minutes), sa patiente transformation en dangereux assassin, motivé par une colère impossible à éteindre, comme l’apprend son « coach » de fortune, un agent secret désavoué incarné par un Jude Law jamais entièrement convaincu quand il joue les bourrus malpolis.
« Un thriller profondément humain et de plus en plus palpitant.. »
Dans le rôle principal, Blake Lively est investie à 200 %, s’abandonnant en gros plans à sa réalisatrice quand elle touche le fond, traverse un Loch gelé ou tente de se sortir vivante à l’instinct des « missions » dans lesquelles elle se retrouve entraînée, volontairement. De Londres à Marseille en passant par New York et l’Écosse, ce thriller profondément humain et de plus en plus palpitant perd essentiellement des points dans son dernier quart, où les motivations et les véritables identités de chacun s’entremêlent et créent une forme de confusion qu’une fin attendue ne fait qu’amplifier. Cet atterrissage manqué empêche Le rythme de la vengeance de tutoyer les sommets, mais son côté aride et anti-spectaculaire, centré sur des personnages autodestructeurs et au bord de l’abîme, lui garantit de rester dans notre mémoire, malgré l’anonymat de la sortie VOD et DVD auquel le studio Universal l’a cantonné – suite au bide carabiné du film aux USA.