Le blogueur. Avant d’être un mot, le nom tient déjà du barbarisme. C’est moins classe que de dire journaliste. Ou webmaster. Blogueur, ça n’est pas une fonction, ça n’est pas vraiment un métier (même si ça peut rapporter). Comme son nom, contraction de « web log », l’indique, bloguer, c’est raconter sa vie, tenir le journal de ses passions. Tout le monde s’y est mis depuis que l’Internet existe. On dit qu’il y a un sélectionneur d’Équipe de France de football dans chaque Français. Mais il y a sûrement un blogueur qui n’attend qu’un déclic pour s’exprimer dans chaque Français. C’est aussi facile que de consulter ses mails, pour peu qu’on ne soit pas allergique au clavier et que la langue française ne soit pas votre ennemie. Parce que l’accès à l’expression de ses avis personnels s’est furieusement démocratisé, la position du blogueur ciné est difficile à définir. Via des tops, des critiques, des sélections, chaque jour ou presque, nous vous donnons notre avis sur les films qui nous plaisent, nous énervent, nous indifférent.

L’Édito de Nico : ça sert à quoi, un blogueur ciné ?

 Qu’avons-nous de plus légitime que le contributeur régulier d’un senscritique.com, qu’un internaute postant son avis « éclairé » (mais mal orthographié) sur Allociné, ou que le cinéphage postant ses coups de cœur hebdomadaires sur Facebook ? Dans l’absolu, nous avons ça : un site, à nous. Mais de plus en plus, les distributeurs, les studios, les agences de communication, se penchent sur le cas de cette « blogosphère » de cinéphiles, en majorité parisienne (parce que c’est ici que l’on peut tout voir, on ne va pas se le cacher), parce qu’il se dit que si, vraiment, nous avons de l’influence. « Vous êtes importants pour nous parce que vous touchez une cible que nous avons du mal à capter », a-t-on entendu il y a quelques jours au Showeb d’automne, grand raout professionnel initié par Le Film Français spécifiquement pour nous, les blogueurs, et qui consiste à présenter le line-up des gros distributeurs des mois en amont de la sortie des films. Alors ça serait ça, notre rôle ? Être une chambre d’écho pour une génération de 15-25 ans accro au web, dédaigneuse des médias établis et uniquement captable via une communication virale assurée par, rappelons-le, les « amateurs » que nous sommes ?

L’Édito de Nico : ça sert à quoi, un blogueur ciné ?

C’est un peu triste, et un peu court, jeune homme. Il y a autant d’avis qu’il y a de spectateurs pour un film, et oui, si nous passons autant de temps à nous gratter la tête pour émettre le nôtre sur un site, c’est que nous lui donnons une importance. Aujourd’hui, les blogueurs ciné sont, en grande majorité, vus moins comme des cinéphiles défendant le 7e art dans toute sa diversité, que comme des adulescents avides de reconnaissance, adeptes du karaoké sur Frozen et adorateurs aveugles et bêta du Marvelverse. Une version 2.0 du geek attardé, en somme, qui s’accompagne d’un deuxième préjugé encore plus tenace : nous serions tous des « jeunes » (voire même des « jeunes cons » si j’en crois quelques aigris en ligne ulcérés d’apprendre l’existence des Golden Blog Awards). Des kids, qu’il est donc bien plus facile de regarder de haut.

Désolé de vous dire qu’à mon grand regret, ça n’est plus trop mon cas – même si je fais tout pour rester jeune dans ma tête, comme tous les futurs/déjà vieux. Et, oui, s’il manque bien au blogueur la légitimité professionnelle, encartée, rémunérée, d’un véritable « passeur critique », pour reprendre le nom d’un de nos confrères, sa passion est souvent – pas toujours – assez forte, informée et argumentée pour mériter le statut, précaire et modeste, de critique de cinéma à temps partiel. C’est un peu brinquebalant et dérisoire. D’ailleurs, c’est un peu présomptueux aussi, doivent se dire les vrais journalistes. Mais ça nous permet de rappeler que contrairement à ce que certains imaginent, ne nous sommes pas vraiment là, sur Borntowatch, pour nous exciter sur la dernière « bouffonnerie de malade » de Kev Adams, les peluches « trop kawai » des Minions ou la bande-annonce de La Tour 2 contrôle infernale « qui promet du lourd ! ». On est là pour vous parler de cinéma.