Mosul : mon Irak, ma bataille

par | 29 décembre 2020 | À LA UNE, Critiques, NETFLIX

Mosul : mon Irak, ma bataille

Raconter la guerre contre Daech en Irak, du point de vue de combattants irakiens, c’est le parti-pris de Mosul, film de guerre sous haute tension.

La guerre contre Daech et les combattants fanatisés de l’Etat Islamique ne fait malheureusement pas encore partie du passé. Il règne pourtant comme un parfum de ruines fumantes, de dernière fuite en avant dans Mosul, production Netflix chapeautée, comme Tyler Rake cette même année, par les frères Russo (Avengers : Endgame), décidément amateurs de guerilla urbaine en tous points du globe. La guerilla, les opérations commando au milieu des vestiges d’une grande ville irakienne, c’est d’ailleurs ce qui occupe l’essentiel des 90 minutes du film, qui attise tout de suite notre attention en plaçant sa caméra du côté des Irakiens eux-mêmes, ou plutôt d’une petite partie d’entre eux : une escouade d’anciens flics dont les méthodes musclées et sans pitié finissent, nous dit le texte introducteur, par inspirer la peur chez leurs ennemis, qui ont pour consigne de ne jamais les faire prisonniers. Pour ne rien gâcher, leur nom de code est « SWAT » !

Quand ils arrivent en ville…

Mosul : mon Irak, ma bataille

Nous sommes en 2016, et les Islamistes sont en train de perdre du terrain à Mossoul, deuxième ville en Irak transformée à la fois en champ de ruines et en champ de tir. Un jeune policier est sauvé d’une mort certaine, en pleine fusillade avec les terroristes, par l’intervention de la fameuse unité spéciale d’intervention, aussi disciplinée que surarmée. Tout le monde les pensait morts, comme les dialogues se plaisent à le répéter. Mais non : les soldats sont en mission, et ils recrutent sans plus tarder le téméraire agent de police pour la mener à bien. Un périple s’engage à travers la ville, alors que le danger peut encore surgir de partout…

« Mosul travaille en creux la personnalité fracturée de ces barbouzes fantômes, qui ne vivent
que pour le groupe, pour l’unité. »

Si Mosul est intégralement tourné dans la langue natale de ses personnages et peuplé d’acteurs plutôt méconnus chez nous (le chef de l’escouade est incarné par le charismatique Suhail Dabbach, vu dans Démineurs, tandis que la jeune recrue est jouée par le français Adam Bessa, croisé dans… Tyler Rake, tiens tiens), aucune méprise n’est possible : ses références visuelles évidentes (Ridley Scott, Kathryn Bigelow), sa progression dramatique implacable, ses enjeux clairs et linéaires, rappellent qu’il s’agit bien d’une production américaine, réalisée qui plus est par Matthew Michael Carnahan, frère de Joe et habitué, en tant que scénariste, de ce type d’univers (il a débuté avec le script du Royaume de Peter Berg). Ce n’est pas un défaut en soi, mais il ne faut pas s’étonner dès lors que Mosul privilégie l’immersion tactique et une atmosphère virile écrasante à une réflexion plus large, plus contrastée, sur le poids du conflit dans le quotidien de ces soldats rebelles. Ce qui importe ici, c’est de mettre en avant le vieux tropisme du mentor et de son protégé, partagés entre devoir et vengeances personnelles. Mosul travaille malgré tout en creux, entre deux embuscades et tractations tendues avec des agents iraniens et une police locale corrompue, la personnalité fracturée de ces barbouzes fantômes, qui ne vivent que pour le groupe, pour l’unité. Des hommes en mission, mais aussi en perdition, désemparés et à bout de nerfs derrière leur masque de justiciers sans pitié, traversant des rues dévastées dans des véhicules blindés ornés de têtes de mort. Mosul, à ce titre, ne fait pas dans les grands sentiments. Le film se révèle aussi efficace qu’impitoyable jusqu’à une révélation finale (l’objectif secret de leur mission) qui fait sens, tout en conférant un vrai sentiment de tristesse, et de fatalisme, à cette histoire de lutte armée sans gloire au milieu des décombres d’une nation.