Burning Bright : house of the tiger

par | 10 janvier 2012 | À LA UNE, BLURAY/DVD, Critiques, VOD/SVOD

Burning Bright : house of the tiger

Un tigre. Une maison. Un autiste. Une fille en shorty. Non, ce n’est pas un rébus, mais le pitch de Burning Bright, une série B aussi tendue que croquante.

Le cinéma nous enseigne parfois de bonnes leçons. Par exemple, il est absolument naturel d’avoir peur et de vouloir s’enfuir en présence d’un tigre du Bengale. S’il n’est pas le roi de la jungle, le tigre (ou la tigresse, c’est le même gabarit, après tout) n’en est pas pour autant un baltringue. Associer un de ses représentants à un environnement urbain n’est pas qu’incongru : c’est une promesse simple et évidente, celle qu’à un moment ou un autre, un malheureux innocent va se faire bouffer.

Cette façon d’évoquer la peur primale, qui nous saisit en présence d’un animal sauvage et carnivore que rien ni personne ne peut raisonner, dans un décor inhabituel, a nourri nombre de films de genre, à toutes les époques. Dans le raté Mamba (Fair Game), film italien de 1988 avec Gregg Henry (Body Double), un mari jaloux décide de supprimer sa maîtresse en enfermant un mamba dans son loft. Plus récemment, le rigolo mais très Z Des serpents dans l’avion lâchait une cargaison des plus exotiques en plein air, là aussi un lieu clos propice à jeu du chat et de la souris sous haute tension. Plus originaux encore, des films comme Cujo, Grizzly ou Terreur dans la savane (malgré son titre, ce n’est pas un film d’aventures colonialiste des années 50, mais une série B de 2007) enfermaient quelques malheureux protagonistes dans une voiture, seul abri possible contre l’attaque d’un mammifère enragé.

Un duel d’instincts

Burning bright : house of the tiger

Aucun de ces titres n’a toutefois poussé l’incongruité d’une présence animale indésirable aussi loin que Burning Bright, petite production financée par Lionsgate, tournée à la fois en Floride (pour quelques extérieurs) et en studio. Après un premier film resté invisible, Carlos Brooks a réussi à se faire remarquer pour de bon en mettant en images un scénario d’une simplicité biblique, qui n’en est pas moins solide. L’histoire prend le temps de présenter une famille éclatée : le décès de leur mère oblige la jeune Kelly et son petit frère autiste Tom à cohabiter avec Johnny, un beau-père qui ne les a jamais aimés. Celui-ci a d’ailleurs subtilisé les économies de leur compte commun pour acheter un tigre et monter un safari. Alors qu’un ouragan approche, Johnny renforce toutes les fenêtres avec des planches. Quand elle se réveille tard dans la nuit, Kelly s’aperçoit 1/ qu’elle et son frère ne peuvent plus sortir 2/ qu’un tigre de 120 kilos se balade au rez-de-chaussée.

« La palme revient sans doute à la séquence du vide-linge, dans laquelle Kelly grimpe à la sueur de son front pendant que la mascotte de Frosties inspecte les lieux en-dessous. »

La force de Burning Bright vient principalement du fait que Brooks cherche à poser une ambiance et à présenter deux personnages auxquels on s’attache immédiatement. Si elle est campée par la ravissante et athlétique Briana Evigan (Step up 2 ET Sœurs de sang, soit un CV sacrément schizophrène), et se balade pendant tout le film en shorty-pyjama – rappelez-vous, nous sommes en Floride – Kelly n’a rien de la bimbo écervelée et énervante. Coincée dans une maison devenue une cage grandeur nature, la jeune étudiante tiraillée entre ses ambitions universitaires et sa volonté de s’occuper de son petit frère s’improvise femme d’action, blessures de guerre et torche de fortune à l’appui. Chanceuse et inventive, certes, mais jamais de manière irréaliste (elle a beau trouver un revolver, elle vise malgré tout comme un pied). Kelly n’est pas un nouvel avatar de Ripley, simplement une fille acharnée à sauver sa peau et celle d’un frérot insensible au danger, par la même occasion.

Le maître de la maison

Burning bright : house of the tiger

Bien sûr, pour que la menace soit tangible et la tension présente une fois le piège refermé sur ses protagonistes, il fallait soigner les apparitions du félin. Introduit efficacement par un Meat Loaf de passage pour un monologue prometteur (« This tiger is evil »), le tigre est d’abord présenté en vue subjective : une manière efficace et toute carpenterienne d’introduire une menace encore invisible pour les personnages, d’autant plus que ces lents travellings alternent avec des plans d’exposition des différentes pièces de la demeure. Par la suite, les tentatives répétées du tigre (interprété par trois bestiaux différents) de sauter à la gorge de nos héros exploitent au maximum ce décor unique, riche en placards, pièces dérobées, vasistas providentiels ou parois facilement destructibles. La palme revient sans doute à la séquence du vide-linge, dans lequel Kelly grimpe (littéralement) à la sueur de son front pendant que la mascotte de Frosties inspecte les lieux juste en-dessous.

Astucieusement réalisés de manière composite, les plans réunissant acteurs et animaux sont trompeurs : ces derniers n’ont jamais été ensemble dans la même pièce. On peut toujours jouer à repérer certains composites plus faibles, mais dans l’ensemble, le travail sur les effets spéciaux est à saluer. Un bon point enfin pour la construction des personnages, qui ancre ce concept tout de même invraisemblable dans une réalité plausible, avec encore une fois ce souci d’incarner des archétypes qui soient plus que des vignettes caricaturales, avec des motivations crédibles. Brooks a même l’intelligence de ne pas diaboliser dans sa mise en scène son prédateur : celui-ci est coriace et sans pitié, mais il n’agit avant tout que par instinct. Ce point de vue, le réalisateur le renforce en toute fin de générique, lorsqu’il insère un message sur la situation critique des tigres du Bengale. Un post scriptum écolo qui renforce encore le capital sympathie de ce Burning Bright désormais disponibles chez nous sous le titre très stallonien Dans l’œil du tigre.