Pour ce mois de décembre, le rythme des sorties de DTV s’est un peu ralenti, les fêtes de Noël étant surtout pour les éditeurssynonymes de grosse machines vouées à peupler les têtes de gondole au moment des achats de cadeaux. Les blockbusters de l’été, de Captain America à La planète des singes : les origines, squattent donc l’actualité, avant un mois de janvier qui s’annonce lui, au contraire, gargantuesque en inédits. Alors, bonnes fêtes… et bonne chasse !
Bunraku
Un film de Guy Moshes, avec Josh Hartnett, Woody Harrelson, Demi Moore
Sorti le 1er décembre – Seven Sept
Genre : fantastique
Le Sin City de Robert Rodriguez a initié aux USA une mode dont on a pas encore vu la fin. Filmer des acteurs sur fond vert pour y plaquer ensuite des décors dessinés volontairement bariolés, est une idée stylistique osée mais aussi très économique pour des producteurs sans le sou. Production indépendante, Bunraku tente lui aussi d’en mettre plein la vue avec des décors quasi-entièrement virtuels, bardés de couleurs vives, et d’influences trans-continentales. Mélange de cultures à la limite de l’indigeste, Bunraku croise des univers a priori très incompatibles (le comic book, l’univers de Sergio Leone, la comédie musicale à la Gene Kelly, le montage MTV, le théâtre japonais – le bunraku en est une forme séculaire – et les films de Misumi, les jeux vidéo expérimentaux type Killer 7…) avec une énergie indéniable et une louable envie d’expérimenter. Le casting est à la hauteur de ce film psychotronique et très singulier : l’endive Josh Hartnett ne doit pas nous faire oublier qu’on y revoit un Ron Perlman en méchant très poilu, Woody Harrelson et Demi Moore en supporting cast de luxe, et même Mike Patton de Faith no more en narrateur forcément rock’n’roll. Une vraie curiosité.
Super
Un film de James Gunn, avec Rainn Wilson, Ellen Page, Kevin Bacon
Sorti le 1er décembre – Initial Cuts
Genre : super-zéro
C’est l’événement du mois : la sortie, malheureusement directement en dvd et Blu-ray après qu’une distribution en salles ait été envisagée, de Super. Avatar très décomplexé de Kick-Ass, dont la violence comme l’humour s’avèrent beaucoup plus vicieux, Super est la deuxième réalisation de James Gun, formé à l’école du système D au sein de la firme Troma. Ce grand débrouillard avait déjà manifesté son goût pour l’horreur déviante et un mauvais esprit rigolard dans le bien-nommé Horribilis. Dans un tout autre genre, Super s’intéresse à une quarantenaire un peu médiocre et naïf (Rainn Wilson de The Office), qui après une épiphanie « tentaculaire » décide de se construire un costume de justicier masqué et de prendre une clé à mollette en guise d’arme, pour combattre le crime et récupérer sa belle (Liv Tyler), une ex-junkie sous la coupe d’un parrain de la drogue (Kevin Bacon). Une sidekick cintrée (Ellen Page dans un gros numéro de « lachage » hystérique) va l’assister dans sa « quête ». Débutant avec un fabuleux générique chanté façon Flight of the conchords, bourré de gags incorrects et outranciers, doté d’une morale bien plus complexe qu’il n’y paraît (loin de glorifier la violence, le film prouve surtout qu’elle est déclenchée par l’absence de repères moraux et la dérive des religion), Superest un vrai divertissement pour adultes attardés, qui vous fera certainement hurler de rire – jaune.
The Bleeding
Un film de Charlie Picerni, avec Vinnie Jones, Armand Assante, Michael Madsen
Sorti le 1er décembre – Initial Cuts
Genre : horreur
Mixer le film de vampires avec une approche de western moderne, en voilant une bonne idée ! Oui, sauf que d’autres (Bigelow et Carpenter, au hasard) l’ont déjà eu il y a maintenant pas mal d’idées, et que le résultat est resté dans les mémoires de tous les fantasticophiles. The Bleeding, à en juger par la réputation qu’il se traîne sur la Toile (« le pire film de tous les temps », s’empressent de dire certains spectateurs qui n’en ont clairement pas vu assez), ne risque pas de rentrer dans cette prestigieuse lignée, malgré son casting bad-ass (Michael Madsen et Vinnie Jones, grands cachetonneurs devant l’éternel) dominé par un fac-similé de Vin Diesel au regard bovin, Michael Matthias. Trouvant on ne sait comment le moyen d’intégrer à son histoire de chasseurs de vampires l’univers des voitures thunées façon Fast & Furious, le réalisateur Charlie Picerni tente même le tout pour le tout en émulant à la fin de l’histoire la poursuite de Mad Max 2. A recommander uniquement aux acharnés des films de grands mordeurs.
Casse-Noisette 3D
Un film d’Andrei Konchalovski, avec Elle Fanning, John Turturro, Nathan Lane
Sorti le 14 décembre – Universal
Genre : conte de féés
Ne vous laissez pas berner par sa jaquette inoffensive : Casse-Noisette (en 3D pour les télés équipées – par des inconscients fortunés, sans aucun doute) n’a rien d’un téléfilm de Noël produit de manière hâtive pour berner les enfants un soir de fête. Quoique. Ce kouglof britanno-hongrois (et un peu russe aussi) de 90 millions de dollars a défrayé la chronique lors de sa sortie limitée aux USA, ne récoltant que 200 000 dollars, en plus d’être anéanti par les critiques. Adaptant à la sauce conte de féé / fantasy steampunk le conte d’Hoffman, réutilisant bien entendu la musique de Tchaïkovski, Casse-Noisette est un projet de cœur pour le réalisateur septuagénaire Andrei Konchalovski, celui de Oncle Vania, mais aussi de Tango et Cash, Runaway Train et du téléfilm L’odyssée avec Armand Assante. Le metteur en scène avoue avoir voulu réaliser un film familial dans la veine de Mary Poppins, mais les enfants risquent d’apprécier modérément l’approche dystopienne du film, qui rappelle beaucoup Terry Gilliam, sans parler de l’humour pataud et des références assumées au totalitarisme nazi et stalinien. Stars invitées, John Turturro et Nathan Lane cabotinent en tentant d’oublier les ridicules perruques qu’on a leur collé sur le crâne, tandis que dans le rôle principal, la jeune Elle Fanning découvre les fastes d’une superproduction, un an avant d’exploser dans le Super 8 de JJ Abrams.
Milo sur Mars
Un film de Simon Wells, avec Seth Green, Joan Cusack, Dan Fogler
Sorti le 7 décembre – Disney
Genre : science-fiction
150 millions de dollars de budget pour 6 millions de recettes. Quelle que soit la qualité du produit, voilà ce que l’histoire retiendra de Milo sur Mars, méga-production conçue avec les mêmes techniques que le Drôle de Noël de Scrooge, et qui a sans doute pour un temps douché pour un temps l’enthousiasme des producteurs pour la performance capture dans le cadre d’un film d’animation (la réussite artistique du Tintin de Spielberg a rétabli quelque peu la balance, même si le film n’a pas encore trouvé ses marques outre-Atlantique). Robert Zemeckis doit être dégoûté, mais à sa décharge, le film de Simon Wells (Le prince d’Egypte) n’est sans doute pas l’œuvre la mieux marketée de tous les temps. Une histoire basée sur l’idée que les Martiens enlèvent les mamans des Terriens pour élever leurs propres enfants n’a rien d’attirant, spécialement pour ces derniers. Le budget engagé permet d’afficher une animation des personnages spectaculaire et une utilisation vertigineuse des décors martiens, mais ne résout pas le problème rédhibitoire des « yeux morts » qui fait ressembler des personnages censés être attachants à des marionnettes aussi expressives que des lapins de Garenne. Logique, du coup, qu’après ce four historique, ce Mars needs Moms échoue chez nous en vidéo. C’est encore le meilleur moyen de lui donner, si vous en avez le courage, une deuxième chance.
Braqueurs
Un film de Mike Gunther, avec Ryan Philippe, 50 Cent, Bruce Willis
Sorti le 17 décembre – Aventi
Genre : polar
On l’annonçait il y a quelques temps : Bruce Willis peut lui aussi être condamné aux linéaires de vidéo-clubs et aux VOD en promotion. Emballé de manière anonyme par un célèbre coordinateur de cascades, Mike Gunther, Braqueurs fait partie de ces séries B à budget moyen, façon Takers, qui se montent essentiellement sur la promesse d’un casting rutilant alors que leur scénario mérite à peine d’être utilisé pour un épisode d’une série CBS. Cette histoire de casse qui tourne mal et de gentil héros cherchant à tout prix à retrouver celui qui l’a trahi, on l’a tous déjà vu cent fois (ne serait-ce que dans Heat), et le seul intérêt à la revoir encore une fois, c’est son casting, malheureusement en pilotage automatique. A commencer par Bruce Willis, qui joue le boss de manière uniforme et squatte la jaquette alors qu’il n’apparaît qu’une dizaine de minutes dans le film. A essayer, si vous devez combler une après-midi digestive après un trop plein d’huîtres.