A Girl Walks Home Alone at Night est une production franco-iranienne, diffusée par un heureux hasard en même temps que The Voices, le film de Marjane Satrapi à l’Étrange Festival, après avoir été sélectionné à Sundance et reçu le prix de la Fondation Cartier à Deauville. Ce premier film d’Ana Lily Amirpour possède une atmosphère poétique et bizarre et traduit une vision féminine particulière, celle de la réalisatrice, sur le genre horrifique et sur le mythe vampirique en particulier. Mais le film propose bien plus qu’une idée originale.

L’Iran, ses Ayatollahs, ses vampires

Étrange Festival - A Girl Walks Home Alone at Night : étrangement féminin

En Irak ou en Jordanie, une femme ne peut pas sortir de chez elle sans porter le voile intégral, parfois même, ne peut pas sortir de chez elle tout court et surtout pas pour aller s’instruire. L’État islamique se fait un plaisir de les lyncher à mort à la moindre mèche de cheveux qui dépasse. La réponse engagée de la réalisatrice iranienne Ana Lily Amirpour est donc, littéralement, « Une fille qui marche seule la nuit ». Et pas n’importe laquelle ! Vêtue d’une marinière et d’une burqa grande ouverte, les yeux cerclés de khôl, la « Fille » (Sheila Vand, vue dans Argo) ressemble davantage au petit chaperon noir qui se rend au Hellfest qu’à une jeune fille iranienne en balade nocturne. Mais sous sa cape, The Girl est également une super-héroïne qui cache bien son jeu : c’est une vampire vengeresse qui ne fait qu’une bouchée des hommes machistes et violents. Mais, contre toute attente, A Girl Walks Home Alone at Night est aussi une histoire d’amour impossible, drôle et touchante. Contrepoint de charme, l’acteur Arash Marandi (Kunduz) incarne… Arash, un jeune homme à la fois touchant et désopilant.

[quote_center]« La réalisatrice confère à son premier essai une emprunte musicale punk et pop qui accompagne avec un goût très sûr l’action. »[/quote_center]

Dans la ville imaginaire de Bad City, dont l’unique rue est filmée dans un noir et blanc superbe, les quelques personnages défilent dans une succession de cadres (de cases ?) proches de l’esprit d’une bande dessinée ou d’un roman graphique. La vampire voilée déambule dans un Iran pétrolier, avec des puits fonctionnant en permanence, comme une grondante menace. Elle marche aussi dans un univers sombre. Car, malgré son côté ironique et jouissif, qui contraste avec l’absence de couleurs, le film met en avant le désespoir des Iraniens et des Iraniennes confrontés à la violence psychologique et physique, à la drogue et à la pauvreté. Le film dénonce et combat l’amoralité et la peur qui règnent en maître aujourd’hui en Iran. Lentement, efficacement, avec une maîtrise confondante pour ses débuts (même si elle a signé une bonne poignée de courts-métrages), Ana Lily Amirpour dose le tempo de son film en prenant judicieusement le temps d’appuyer ses propos.

Une déclaration d’amour au cinéma

Étrange Festival - A Girl Walks Home Alone at Night : étrangement féminin

La réalisatrice se plait à multiplier les références savamment distillées, qui vont de l’absurde façon Monty Python, à un girl power digne de Quentin Tarantino, au western à la sauce Ennio Morricone en passant par les grands films de vampires, comme Nosferatu. Musicienne rock dans une autre vie, elle confère à son premier essai une emprunte musicale punk et pop ainsi que des musiques qui accompagnent avec un goût très sûr son action.

Produit, est-ce un hasard, par l’acteur Elijah Wood, A Girl Walks Home Alone at Night ne peut que susciter un véritable enthousiasme grâce à son propos engagé qui va jusqu’au bout de ses idées, sa photo expressionniste et élégante, voire fascinante, son histoire simple et dans l’air du temps qui utilise des figures classiques du fantastique pour mieux aborder des thèmes sérieux, et ses allégories et parallèles créatifs, aussi pertinents que joliment mis en valeur.


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Cinq sur cinq
A Girl Walks Home Alone At Night
De Ana Lily Amirpour
2013 / USA-Iran / 104 minutes
Avec Sheila Vand, Arash Marandi, Marshall Manesh
Sortie le 15 janvier 2015
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