Sans être une purge totale, Cassadaga déçoit fortement, et pour une bonne raison : avec son précédent film Dread (Terreur en VF), une adaptation efficace d’une nouvelle de Clive Barker, le réalisateur Anthony Di Biasi a gagné rapidement ses galons de cinéaste à suivre. Peut-être pas jusqu’au bout du monde, certes, mais au moins jusqu’à la prochaine étape. Est-ce le fait d’avoir abandonné l’univers du romancier britannique, dont il a également produit deux autres adaptations (Midnight Meat Train et Book of blood), qui l’a privé de son inspiration indéniable et naissante ?
Impossible de le savoir, mais malgré toute sa bonne volonté, une chose est sûre : Cassadaga ne convainc pas. L’étrange titre s’explique facilement : c’est le nom d’une ville en Floride, réputée pour avoir le plus grand nombre de médiums au mètre carré. Autant dire que l’on nage dès le départ, après un générique introductif solaire, en pleine atmosphère Southern Gothic, dont le représentant filmique récent le plus saisissant reste encore Intuitions de Sam Raimi. Cassadaga prend son temps pour démarrer et installer son ambiance, à la lisière de l’étrange et du surnaturel.
Jeune, courageuse et dévouée, handicapée également puisqu’elle est sourde, Lily vient de changer d’État pour surmonter le décès de sa jeune sœur, dont elle avait la charge. Son travail d’institutrice ne suffit toutefois pas à l’apaiser, d’autant plus que suite à une virée chez une médium réputée, elle se retrouve persécutée… par l’esprit d’une victime d’un serial-killer, surnommé Gepetto. Tout le monde la croit folle, mais ça ne va pas l’empêcher de mener l’enquête pour l’arrêter, et faire en sorte que l’esprit tapageur repose en paix.
Un giallo chez les Yankees
Avec sa jolie héroïne que le handicap et la solitude rendent vulnérable, son tueur masqué prenant visiblement son pied (sexuel) en torturant à l’arme blanche d’accortes jeunes femmes, sa mise en images baroque et languissante d’intérieurs plongés dans une savante obscurité, Cassadaga fait immanquablement penser aux gialli italiens. Mélangeant allègrement ces influences européennes avec un traitement cousu de fil blanc de l’intrigue policière, dont les rebondissements ont vingt ans de retard sur les plus mauvaises séries policières yankees, Di Biasi et son scénariste Bruce Wood rallongent en plus artificiellement la sauce en rajoutant des sous-intrigues (Lily et sa copropriétaire, Lily et son nouveau boyfriend qui a une chtite fille trop sympa, Lily et son boulot passionnant d’enseignante en peinture) qui n’ont aucun intérêt. Elles tranchent radicalement avec les scènes situées dans l’antre de Gepetto, un bouge classique et anonyme à la Jigsaw où le cinglé s’amuse à transformer ses victimes en marionnettes non consentantes.
On sent dans ce portrait d’un déglingué de premier ordre, dont l’enfance nous est dévoilée lors du pré-générique, tout l’intérêt que Di Biasi porte à ses méchants et à leur psychologie (c’était déjà la force de Dread, qui jouait avant tout sur cet aspect-là). Si elles se révèlent complaisantes, ces scènes sont aussi plus soignées formellement, plus percutantes que la partie consacrée à la fatigante Lily, dont l’interprète simule d’ailleurs plus ou moins bien la surdité. Carrément trop long (deux heures !) et dénué d’une véritable tension, Cassadaga enchaîne rebondissements et fausses pistes prévisibles jusqu’à une conclusion aussi lénifiante que béate, dont le symbolisme crétino-chrétien, censé donner sa raison d’être à l’argument fantastique du film, laisse aussi pantois qu’énervé. Espérons que Di Biasi et Wood, déjà à l’œuvre sur un nouveau projet, Missionary, reprennent illico du poil de la bête.
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Cassadaga
D’Anthony Di Biasi
2011 / USA / 115 minutes
Avec Louise Fletcher, Kevin Alejandro, Kelen Coleman
Sortie prochainement
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