Extraterrestre : l’invasion vient du cœur

par | 13 juin 2025

Extraterrestre : l'invasion vient du cœur

Avant de s’illustrer avec Colossal, Nacho Vigalondo signait en 2011 avec Extraterrestre une véritable comédie romantique de science-fiction.

Nacho Vigalondo fait partie de ces cinéastes espagnols dont on attend avec impatience le retour sur grand écran. Ce conteur pas comme les autres, spécialiste depuis son coup d’éclat Timecrimes dans les high concept délirants mais toujours connectés à l’intimité contrariée de ses personnages, avait signé en 2016 le renversant et irrésistible Colossal avec Anne Hataway. Depuis, plus de nouvelles ou presque : entre séries et émission de télé en Espagne, l’artiste n’a pas chômé, mais il nous tarde de voir son Daniela Forever actuellement présenté dans les festivals et qui présente, par son angle puissamment romantique, plusieurs similitudes avec un film plus méconnu de son auteur, quasi invisible chez nous depuis 2011 : Extraterrestre.

Avec ce film espagnol, le dernier tourné dans son pays avant qu’il ne prenne un virage hollywoodien, Vigalondo prend une fois de plus les clichés d’un genre (après le voyage dans le temps de Timecrimes, l’invasion extraterrestre) à rebours, en y plaquant les ingrédients qui ont fait son succès. Comme son nom le laisse espérer, Extraterrestre parle donc de soucoupes volantes, qui un beau matin viennent stationner façon District 9 au-dessus des grande villes d’Espagne. De leurs intentions, on ne saura rien, car Vigalondo restreint l’action à un pâté de maison déserté, plus précisément à un appartement, où quatre personnages (la femme, le mari, l’amant et le loser jaloux), voient leur quotidien chamboulé non pas par ce silencieux débarquement, mais par leurs affaires de cœur.

Un ménage à quatre intergalactique

Extraterrestre : l'invasion vient du cœur

Le héros, Julio (Julian Villagran, Groupe d’élite, Open Windows), découvre un matin que son aventure d’un soir, Julia (Michelle Jenner, Bird Box Barcelona, La casa de papel : Berlin) est déjà casée avec Carlos (Raul Cimas), qui revient sans prévenir à la maison malgré les quarantaines mises en place par l’armée. S’y ajoute le voisin, Angel (Carlos Areces, l’un des acteurs fétiches d’Alex de la Iglesia), rondouillard et inquiétant, qui brûle d’un amour non partagé pour Julia. Le vaudeville est en place pour une série de quiproquos à la fois absurdes et irrésistibles, qui reposent non pas cette fois sur des claquements de porte, l’arrivée du facteur ou la perspective d’un héritage, mais sur ces fameux ET, dont Carlos pense qu’ils prennent la  forme d’être humains. Aveuglé par sa paranoïa, il ne voit pas que Julio et Julia, coincés dans cet appartement, tombent peu à peu amoureux…

« Nacho Vigalondo fait preuve d’un talent certain pour peaufiner son scénario, tout en résonances avec les classiques du genre et jeux sur la perception. »

Peut-être trop maniériste, trop malin pour son propre bien, Nacho Vigalondo fait malgré tout preuve d’un talent certain pour peaufiner le scénario d’Extraterrestre, tout en résonances avec les classiques du genre et jeux sur la perception. L’histoire menace toujours de tomber dans le gag facile, notamment à travers le personnage d’Angel, mais choisit à chaque fois l’option de l’intelligence, de la réplique qui fait mouche. Mine rien, ce type de récit minimaliste mais furieusement rafraîchissant, fusionnant des archétypes opposés pour donner naissance à un univers aussi unique et original, n’est pas si facile à maîtriser.

Que le couple d’Extraterrestre soit plus préoccupé par son coup de foudre que par l’astronef aperçu à leur balcon n’est certes pas très réaliste – c’est aussi le plaisir de la fiction que d’imaginer des tangentes de ce style, qui lâchent prise avec notre bon sens habituel. Le parti-pris théâtral du film fonctionne à chaque instant, chacune des révélations typiques du genre (la zone de quarantaine interdite, le coup du body snatcher, la mise en place d’un réseau de résistance) étant utilisée à des fins intimistes, comme un moyen grandiloquent de contourner le côté possiblement gnangnan de la romance – même si le couple Villagran / Jenner est parfaitement adorable. Extraterrestre choisit un ton doux-amer pour clore son aventure, affirmant avec un sourire tendre qui est aussi caractéristique du style Vigalondo, qu’il faut parfois l’intervention d’un événement intergalactique pour que les hommes expriment enfin leurs sentiments.