Project Power : un éphémère shoot d’adrénaline

par | 3 septembre 2020 | À LA UNE, Critiques, NETFLIX

Project Power : un éphémère shoot d'adrénaline

À l’image des pilules qui donnent des super-pouvoirs à leurs utilisateurs, Project Power s’agite beaucoup pour épater la galerie, mais s’oublie aussi en quelques minutes.

À chaque mois son film d’action événement sur Netflix. Quand ce n’est pas Chris Hemsworth qui fait un carnage en Asie dans Tyler Rake ou Charlize Theron qui tabasse de pauvres figurants dans The Old Guard, c’est un Jamie Foxx sûr de son swag qui vient jouer les vedettes du petit écran sur la plate-forme. L’éternel Django Unchained joue dans Project Power un mystérieux vétéran de l’armée, Art, qui arrive à La Nouvelle-Orléans avec une idée bien précise en tête : retrouver sa fille Tracy. Sa quête est étroitement liée à la prolifération de pilules « Power » à travers la ville : des petites gélules qui donnent à ceux qui les ingèrent un pouvoir insoupçonné (mais peuvent aussi les tuer) pendant cinq minutes. Son chemin va finir par croiser celui de Robin (Dominique Fishback), une jeune dealeuse de Power qui rêve de devenir rappeuse, et de Frank (Joseph Gordon-Levitt), un flic de La Nouvelle-Orléans qui prend en secret des pilules le rendant invincible pour contrer une nouvelle forme de super-criminalité. Le trio n’a d’autre choix que de remonter la filière et d’exposer la conspiration à l’origine de ces pilules dévastatrices…

Le pouvoir du déjà vu

Project Power : un éphémère shoot d'adrénaline

Parce qu’il peut se résumer en quelques lignes prometteuses (ce qui explique sans doute pourquoi le scénario de Mattson Tomlin, qui a depuis rédigé celui du nouveau Batman, s’est arraché à prix d’or), Project Power est d’autant plus décevant lorsqu’on s’aperçoit que son « argument de vente » ne va être qu’une toile de fond pour un film d’action fantastique tout public. Tout comme la série des American Nightmare frustre un épisode après l’autre par son refus d’explorer toutes les ramifications morales complexes de son idée de départ, Project Power ne fait que s’amuser avec le principe des pilules Power. Oh bien sûr, avec un budget de 85 millions de dollars, le film peut transformer le rappeur Machine Gun Kelly en torche humaine énervée (pas loin d’être la meilleure scène du film),  défigurer au ralenti le visage de Gordon-Levitt ou caser quelques monstres et mutations à la X-Men ici et là.  Le film est loin d’être ennuyeux. Mais plutôt que de montrer une société mise sens dessus dessous par la démocratisation de super-pouvoirs (on pense aux BD Top Ten ou Powers), il est dommage de s’en tenir à une histoire de conspiration frelatée (spoiler alert : il s’agit de tester discretos la population d’une ville pauvre avant de créer des super-soldats) à peine digne d’une série Marvel des mauvais jours – le climax consistant à passer vingt minutes dans un bateau cargo lambda à la Resident Evil, mais sans zombies.

« Atout de Project Power, sa mise en valeur bienvenue d’une ville martyre : la Nouvelle-Orléans.. »

L’énergie de la mise en scène d’Ariel Schulman et Henry Joost, éduqués au biberon Blumhouse sur la franchise Paranormal Activity puis sur les petits films-concept Viral et (surtout) Nerve, sauve à de nombreuses reprises Project Power de l’anonymat. Sans doute conscients du schématisme pesant de leur scénario, qui sert la soupe à sa star ou érige en héros cool un flic se droguant grâce à une dealeuse mineure – il faut bien tout le charme trendy de Gordon Levitt pour faire passer la pilule -, les deux réalisateurs rivalisent d’idées pour dynamiser leur long-métrage. Quitte à transformer parfois le résultat en bande-annonce long format ou en dérivatif de cinématique de jeu vidéo. Retenons, par exemple, une fusillade cruciale filmée en plan-séquence circulaire depuis l’intérieur d’un cylindre en congélation, ou une chasse au braqueur invisible aux effets très comic book. Dernier atout de Project Power, sa mise en valeur bienvenue d’une ville martyre, La Nouvelle-Orléans. Une toile de fond qui devient à force de plans aériens énamourés et de décors bien exploités un personnage à part entière, plus mémorable que la plupart des seconds couteaux humains parsemant ce film d’été trop formulaïque pour vraiment convaincre.