Salto : décryptage d’une plateforme mi-replay, mi-SVOD
Fruit de la collaboration entre les mastodontes TF1, M6 et France Télévisions, Salto propose des heures d’émissions, de séries, de téléfilms… mais peu de cinéma.
C’est une arlésienne devenue un gag ambulant à force d’annonces avortées et de reports sans date. Présentée, depuis au moins trois ans, comme le « Netflix à la française » que tout l’audiovisuel frenchy appelait de ses vœux, la plateforme Salto a eu, c’est le moins que l’on puisse dire, du retard à l’allumage. Il faut dire aussi que la promesse de créer un portail SVOD payant dans le but de proposer des séries aussi incroyables que Plus belle la vie, Capitaine Marleau ou Joséphine Ange Gardien faisait moyennement rêver les accros du streaming.
Francophone mais pas trop
Gestation compliquée, offre de programmes brumeuse, retard considérable pris sur la concurrence américaine, barrières improbables posées par l’Autorité de la concurrence (qui empêches les chaînes actionnaires d’alimenter à plus de 40 % le site avec leurs contenus, entre autres), budget de production dérisoire (250 M€ sur trois ans, pas de quoi (re)créer une Révolution) : Salto est parti du mauvais pied, indubitablement, et on a eu peine à croire qu’elle verrait le jour comme promis le 20 octobre, après une fabrication express du portail en neuf mois. Et pourtant, nous y sommes, appli en main, en train de découvrir un nouvel acteur de la SVOD qui se distingue par une architecture interne étrange : Salto veut en effet à la fois être un pourvoyeur de contenus illimités, et une alternative au replay chaotique proposé, chaîne par chaîne, sur les box TV traditionnelles.
« Pour soigner son image, Salto communique plutôt sur des achats de séries anglo-saxonnes que sur sa pléthore de fictions franchouillardes. »
Est-ce la bonne stratégie ? La raison nous souffle que c’est peut-être bien la seule qui vaille. Salto, par nature, va se destiner à une cible légèrement différente des plateformes généralistes habituelles, même les françaises comme OCS (dont elle se rapproche par certains aspects). Car si on y trouve pas exclusivement des contenus français diffusés sur la TNT, ces programmes constituent néanmoins la grosse majorité des 10 000 heures disponibles officiellement. Et le public qui regarde, par millions rappelons-le, les séries susnommées, les téléfilms avec Samuel Le Bihan ou Astrid Veillon ou les feuilletons de l’été sous le soleil de Provence, n’est pas, soyons honnêtes, le même que celui qui fera un marathon Lovecraft Country ou The Boys. Pour soigner son image, Salto communique en tout cas plutôt sur des achats exclusifs de séries anglo-saxonnes (l’anthologie Small Axe de Steve McQueen, la saison 4 de Fargo, Becoming a god in Central Florida, A very English Scandal ou bientôt la version US de Quatre mariages et un enterrement), que sur la pléthore de fictions franchouillardes qui constitue la colonne vertébrale de son offre illimitée – seule l’exclu Ils étaient dix, adaptation d’Agatha Christie, est mise en avant.
Le cinéma, parent pauvre de Salto ?
A côté de cela, la dimension « télé à la maison » prend une importance non-négligeable. Salto permet de regarder en direct, à la volée, 19 chaînes de la TNT (Arte est aux abonnés absents, et ça se comprend vue l’identité que s’est construite la chaîne sur le web), et d’accéder aux replays d’une bonne partie de leurs émissions, documentaires et fictions en replay. Salto, en gros, remplace un peu votre box télé, et ce n’est peut-être pas un hasard si les opérateurs sont pour l’instant frileux à l’idée de l’intégrer en accès direct : vous pouvez trouver Salto sur Internet, sur votre smartphone, sur les TV connectées, mais par chez eux. Etonnant, non ?
La cohabitation entre ces deux formes de contenu et de consommation risque en tout cas de générer de la frustration, certaines séries (Parks & Recreation, par exemple) étant disponibles en intégralité quand d’autres (NCIS et autres procedurals du dimanche) n’auront que les épisodes de la semaine en cours à proposer. Une gymnastique particulière, propre à Salto, qui ne s’appliquera que modérément à la partie cinéma du site, celle qui devait nous intéresser le plus. De ce côté-là, pas de risque de se perdre : Salto propose pour l’heure 45 films dont aucun inédit (l’intégrale des Rocky, quelques Belmondo, trois films de Sofia Coppola, Sing Street) et les annonces basiques pour novembre (un mini-cycle Delon, Le Hobbit) laissent entrevoir une ambition ultra-mesurée dans le domaine du 7e art. Si vous voulez voir du cinéma sur Salto et pas juste vous refaire Dirty Dancing, le mieux sera encore… d’y regarder la télé en direct. A 6,99 € l’abonnement mensuel (pour un écran, soit le même prix de lancement que Disney+), cela rend l’investissement à peine plus cher que la location d’une box TV. Un rapport service/prix qui pourrait permettre à Salto de retomber sur ses pieds à l’heure des premiers bilans ? Ce serait un petit miracle.
Plus d’infos : www.salto.fr