Summer of 84 : le rejeton sinistre de Stranger Things
Surfant sur la vague de nostalgie pour les 80s, Summer of 84, où quatre ados affrontent un serial-killer, ploie sous les références et pâtit de choix douteux.
On a pas fini d’entendre parler des années 80, et plus précisément de la mythologie associée au cinéma américain de cette emblématique époque. De l’adaptation de Ça (et sa suite qui arrive dans quelques mois) à Ready Player One, de JJ Abrams à Stranger Things, la décennie reaganienne qui a vu émerger comme autant de marqueurs pop Amblin, John Carpenter, les coupes mulet et deux flics à Miami continuent de fasciner les artistes et créateurs de tous horizons. Avec Summer of 84, c’est le trio RKSS (pour Roadkill Superstars) composé de François Simar, Anouk et Yoann-Karl Whissell qui se frotte à cet exercice de nostalgie déférente, en profitant de notre adoration proustienne pour les ambiances, les couleurs et la technologie analogique typiques de cette période.
Mon voisin le serial-killer
Darker things
Quatre gamins à vélo, une période révolue et iconique, une aventure pleine de danger façon Les goonies… Summer of 84 sait pertinemment quel univers il aborde dès ses premières images. Le duo électro Le Matos rempile après Turbo Kid pour livrer une BO synth wave en adéquation avec ce décor de banlieue familier, ce cul-de-sac plein d’innocence et de « secrets cachés derrière les rideaux » qui était justement au cœur du méconnu Les Banlieusards avec Tom Hanks. Dans ce film de Joe Dante, les soupçons se portaient également sur un voisin un peu trop creepy pour être honnête, un mouton noir qui viendrait ternir un paysage idyllique fait de barbecues et de maisons cossues. Mais le trio RKSS n’est guère animé par une ambition aussi satirique ici. L’œil rivé sur l’héritage du club des Losers au centre de Ça (dont l’action se déroulait aussi durant l’été), Summer of 84 déroule une enquête plan-plan principalement portée par son quatuor d’attachants jeunes acteurs, qui héritent de personnages mal dégrossis (toutes les tentatives d’approfondir leur background familial, par exemple, tournent court) et tentent à tout prix de « sonner vrai » en multipliant les insanités et les références à la pop culture de cette année-là. Les réalisateurs s’amusent particulièrement à glisser des citations visuelles, textuelles ou méta à Karaté Kid, Gremlins, The Thing, Les griffes de la nuit ou bien sûr Star Wars, ce qui fait toujours sourire, mais rarement avancer l’action.
Même s’il dure moins de deux heures, Summer of 84 tire ainsi en longueur, étirant la promesse d’une aventure estivale au moyen de sous-intrigues (la girl next door Nikki, jamais vraiment crédible) et de situations répétitives, qui donnent l’impression que les comédiens ont été laissés à eux-mêmes pour transformer une suite de saynètes en chronique automatiquement culte de l’adolescence. Ce qui handicape le plus le film reste l’absence de surprises du script, tout du moins jusqu’au dernier acte, qui entreprend un virage tonal à 180° ayant au moins le mérite d’être imprévisible. Sentant sans doute que le périple de Davey et ses amis n’aboutissait pas à un résultat mémorable, les réalisateurs durcissent le ton sans prévenir et font basculer Summer of 84 dans un autre genre. Le résultat sert peut-être de rappel à l’ordre au spectateur, pour souligner que derrière leurs apparences de parenthèse idyllique fantasmée, les années 80 n’étaient en fait tout aussi cruelles que notre époque contemporaine. Peut-être. Mais cet épilogue ressemble surtout à la note d’intention d’un autre film, éloigné dans son discours et ses codes de tout ce qui a précédé. Comme si RKSS avait tenté un mash-up tardif façon Turbo Kid, sans parvenir à rendre le mélange aussi cohérent et organique. Dommage.