Son nom vous est peut-être encore inconnu. Ana Lily Amirpour, réalisatrice trentenaire anglaise d’origine iranienne, est pourtant l’auteur d’une dizaine de courts-métrages et d’un film qui l’a catapulté illico jeune espoir du 7e art, catégorie « original et branché ». Œuvre pop expérimentale au carrefour des genres et des esthétiques (expressionnisme, horreur lynchienne, road movie tarantinien, drame engagé, parabole politique), A girl walks home alone at night a fait figure de révélation sur la scène internationale. Parrainée par l’acteur Elijah Wood, la cinéaste a rapidement fait fructifier cette réputation naissante en jonglant avec plusieurs projets alléchants. C’est l’un d’entre eux, The Bad Batch, qui est finalement devenu réalité en 2016.
Le Texas, nouvelle no-go zone
Tourné également de manière indépendante, sous la double bannière de VICE Media et Annapurna Pictures, la désormais fameuse société de Megan Ellison, The Bad Batch est aussi écrasé par le soleil et la couleur qu’A girl… se démarquait par son noir et blanc ténébreux. Tout comme son précédent film, qui se déroulait dans une cité fictive rassemblant malgré tout les composantes de la société iranienne actuelle, The Bad Batch se déroule dans les paysages rugueux d’un Texas transformé en société post-apocalyptique.
L’héroïne, Arlen (la top model Suki Waterhouse, vue dans Divergente 2) est une blonde opiniâtre échouant un beau matin dans cette zone de non-droit. Elle tombe rapidement sur une bande de cannibales particulièrement retors et affamés, ainsi que sur un chef de clan joué, comme une évidence, par le colossal Jason Momoa (Game of Thrones, et futur Aquaman). Un tatoué habile du couteau qui va prendre la frêle jeune fille sous son aile. Et la jeune Arlen aura bien besoin de son aide pour survivre dans cet environnement hostile, où évolue notamment un chef de culte (Keanu Reeves avec la moustache !) haut en couleur, et d’autres personnages joués par Giovanni Ribisi, Diego Luna… et un Jim Carrey incognito !
Post-apocalyptique et politique
Avec son décorum de casse mécanique futuriste, qui nous renvoie directement au séminal Mad Max 2, son mélange des genres foutrement bis dans l’esprit – et même visuellement -, The Bad Batch s’annonce, au vu de ses premières images, comme une nouvelle expérience à la fois bardée de références évidentes (Arlen a tout d’une Furiosa en devenir au vu des amputations qu’elle subit) et riche d’un sous-texte politique pas inintéressant à exploiter. Après avoir dénoncé à coups de canines le fondamentalisme religieux de l’Iran, Ana Lily Amirpour semble avoir tapé dans le mille de nos préoccupations politiques en situant l’action dans une zone tampon entre USA et Mexique, après ce qui s’apparente à une guerre de frontières meurtrière.
Présenté à la rentrée 2016 au Festival de Toronto et à la Mostra de Venise, d’où le film est reparti avec le prix spécial du jury, The Bad Batch ne semble pas avoir fait l’unanimité auprès des critiques. Ce qui est, finalement, assez logique vu les partis-pris sacrément pulp de la réalisatrice, et vu ce que laisse entrevoir la bande-annonce, aussi syncopée qu’un vinyle rayé joué dans une chambre d’écho – l’occasion de souligner qu’il faudra jeter une oreille attentive sur la BO, qui risque d’être aussi mémorable que celle d’A girl walks home alone at night. Le film est prévu pour une sortie limitée aux USA le 23 juin prochain, et peut-être dans la foulée en Europe. On croise les doigts…