The Cured : zombie un jour, zombie toujours

par | 5 juillet 2018

Film d’infectés aux idées plus fraîches que la moyenne, The Cured brasse des thèmes inattendus, tout en se conformant aux règles du genre. Une vraie curiosité.

Il est toujours rafraîchissant de voir qu’entre deux productions pataugeant, un demi-siècle après l’arrivée des longs-métrages de George Romero, dans les mêmes clichés et situations recyclées jusqu’à l’indigestion, certains réalisateurs tentent d’apporter un peu de chair fraîche au film de zombies. Il suffit d’une idée ou d’un angle plus original que la moyenne pour redonner au genre un côté plus excitant. Et The Cured, même s’il n’a pas vocation à devenir un grand classique, fait partie de ces titres qui attisent immédiatement la curiosité du connaisseur et attirent les spectateurs plus rétifs à l’étalage de barbaques. Dans cette production 100 % irlandaise, les traditionnels infectés sont bien présents, rapides et sauvages comme il se doit… Mais le proverbial insaisissable vaccin a été trouvé cette fois, et comme le nom du film l’indique, les zombies guéris se réintègrent peu à peu dans la société. Mais bien entendu, les survivants, eux, n’ont rien oublié des cauchemars passés…

Le retour des infectés

Senan Brown (Sam Keeley, Au cœur de l’océan, Jadotville) fait partie de ces ex-infectés, frappés par le virus Maze et restés à l’état de cannibale primitif pendant plusieurs années. Vacciné et revenu à son état normal, il sort de quarantaine pour retrouver sa famille, composée de sa belle-sœur Abbie (Ellen Page, loin de son Amérique natale) et son neveu Luke. Comme beaucoup de ses « congénères », il veut se réinsérer, mais la population voit d’un mauvais œil le retour de ces « monstres » en ville. Face à ce mépris, Conor (étonnant Tom Vaughan-Lawlor, récemment dans Les évadés de Maze), ex-infecté entretenant un étrange rapport avec Senan, décide de mener une fronde généralisée…

Rendons à César ce qui lui appartient : cette idée excitante de l’après-épidémie, qui aurait pu servir de brillante entrée en matière à un 28 mois plus tard, n’est pas totalement inédite à la télévision. Série irlandaise elle aussi, In the flesh imaginait déjà en 2013 la possibilité d’une cohabitation forcée et problématique entre vivants et anciens morts-vivants, ces derniers devant porter sur eux le poids des innombrables meurtres qu’ils ont commis. Plus éthéré mais proche dans ses thèmes, Les Revenants faisait également se côtoyer personnages contemporains et disparus ressurgis du passé, avec toutefois nettement moins d’emphase sur le côté rongeur de chair.

Tu l’as vu, ma métaphore ?

De ce côté-là, The Cured ne cherche pas à innover : le look de ses infectés est tout à fait générique et l’on identifie vite les marqueurs les plus familiers de ce genre d’univers, du centre de quarantaine militarisé à la scientifique opiniâtre, qui tente désespérément de soigner les 25 % d’infectés encore rétifs au vaccin de base avant que le gouvernement ne se décide à les éliminer pour de bon. Là où le réalisateur David Freyne marque des points, c’est dans la juxtaposition de cet environnement post-apocalyptique classique et de la vie quotidienne dublinoise, au cœur de laquelle Abbie la mère-courage et Senan le revenant tentent de renouer des liens fragiles – le garçon, faut-il le préciser, cachant quelques lourds secrets. The Cured imagine cette population mise en ban et décidée à passer à l’action violente pour faire valoir ses droits : dès les premières échauffourées et meetings secrets, le parallèle que le film dresse avec l’Histoire agitée et tragique de l’Irlande saute aux yeux. La métaphore est tellement évidente qu’elle éclipse l’étude psychologique du personnage de Senan, passionnant parce que tiraillé entre ses pulsions tribales d’ancien infecté et sa volonté farouche de protéger la famille qu’il a lui-même traumatisée.

Au bout d’une heure, The Cured renonce à être ce drame psychologique mêlant avec application thématique politique et film de genre, pour verser dans l’action la plus basique et attendue. Les flash-backs pleins de malaise cèdent la place aux scènes de panique générale et fusillades désespérées, filmées sans trop de conviction et débouchant sur un épilogue frustrant. Reste la satisfaisante sensation d’avoir vu un « zombie-flick » qui ose, comme Les affamés récemment, raconter autre chose, même s’il se soumet lui aussi parfois aux lois du genre.