The Room : vœux interdits

par | 15 mai 2020 | À LA UNE, Critiques, VOD/SVOD

The Room : vœux interdits

Un couple découvre dans sa maison une pièce qui exauce tous les vœux dans The Room, film fantastique confiné et soigné, à défaut d’être original.

Parfois, il n’y a pas besoin de partir aux confins du monde connu pour trouver une lampe magique. Dans The Room, production européenne sortie finalement en VOD après avoir été annoncé au cinéma le 18 mars, à ne pas confondre avec le nanar culte de Tommy Wiseau, ce n’est pas un objet qui peut vous octroyer le pouvoir de réaliser vos rêves les plus fous, mais une pièce. Un endroit secret sur lequel tombent Kate (Olga Kurylenko) et Matt (Kevin Janssens) lorsqu’ils emménagent dans la maison de leur rêves en pleine campagne. En pleins travaux, ils tombent sur cette chambre cachée et vide, où il suffit de demander quelque chose, n’importe quoi, à voix haute, pour qu’il se matérialise sous vos yeux. Le couple, aux moyens modestes, décide de profiter à plein de cette opportunité incroyable en faisant apparaître argent, victuailles et toiles de maîtres. Mais un jour, Kate décide un faire un vœu bien particulier, qui va faire basculer leur vie de rêve en plein cauchemar…

Matérialisme et créativité

The Room : vœux interdits

Absent des écrans depuis son téméraire film d’animation en noir et blanc Renaissance (2006), le réalisateur et artiste peintre Christian Volckman ne pensait sans doute pas coller de manière aussi incroyable à l’actualité pour son retour. Repoussé à cause du coronavirus, The Room est en effet un film fantastique où le scénario force un couple à ne pas sortir de chez lui. Soudainement riches comme Crésus, mais confinés dans leur maison magique, Kate et Matt deviennent paradoxalement les esclaves de leur propre imagination. Bien qu’abordant un thème classique du genre, celui du vœu magique qui tourne mal, le film témoigne d’une vraie richesse créative, en partie parce que la création est justement au cœur de la narration. Difficile de ne pas voir dans Matt, artiste peintre en difficulté financière confronté à une panne créative qui peut tout d’un coup assouvir ses désirs les plus matérialistes, un alter ego déréglé du cinéaste, qui a passé plusieurs années seul face à sa toile avant de retourner derrière la caméra. A défaut de créer, Matt peut tout exiger, sans crainte de l’avenir. Une ivresse dans laquelle il entraîne rapidement Kate, sans se douter que sa femme, elle, réalise plus rapidement que l’abondance de biens n’est pas la condition unique du bonheur. Après une ou scènes d’extérieur très classiques, servant à définir pour de bon le contexte surnaturel du script, The Room bascule alors dans un troisième acte plus ambitieux visuellement, où la narration pure et le suspense reprennent leurs droits.

« Le film s’installe dans sa dernière ligne droite sur des rails bien plus confortables et prévisibles. »

C’est dans cette dernière ligne droite, qui évoque étonnamment le récent Vivarium (dont la sortie salles aurait été elle aussi gachée par la pandémie), que The Room montre malheureusement ses limites. S’il se permet quelques escapades stylistiques stylistiques, en élargissant les frontières de son univers et en instaurant un certain malaise dans les interactions entre ses personnages, le film s’installe aussi sur des rails bien plus confortables et ferme trop vite la porte de l’étude de cas psychologique, pour lui préférer une forme de course contre la montre prévisible. Les références affichées de Volckman (Kubrick, Philip K. Dick) deviennent évidentes et si elles sont digérées et exploitées avec une certaine classe (le décor de la maison, qui dévoile ses oripeaux organiques progressivement, s’avère soigné et très évocateur), empêchent The Room d’imposer pleinement sa singularité. Volontaire et fragile à la fois, Olga Kurylenko, souvent mal exploitée à l’écran, trouve en tout cas ici un rôle riche qu’elle défend avec talent. Elle dame sans peine le pion à son partenaire Kevin Janssens, acteur belge vu dans Les Ardennes et Revenge, et sosie malheureux de Gregoire Ludig, dont le jeu « concerné » accuse d’autant plus vite ses limites qu’il se montre peu crédible dans ce rôle d’artiste torturé.