The Silencing : une traque pleine d’atmosphère
Après la révélation Les Ardennes, le Belge Robin Pront tente sa chance au Canada avec The Silencing, un petit polar rupestre du samedi soir, qui ne s’embarrasse pas de vraisemblance.
Il lui aura fallu un peu de temps, mais le réalisateur Robin Pront a fini par donner une suite à son petit coup d’éclat de 2016 Les Ardennes. Primé dans de nombreux festivals, sélectionné pour représenter (sans succès) la Belgique aux Oscars, ce pur film noir naviguait entre banlieues grises et forêts décharnées inquiétantes, avec une maîtrise certaine. Il était inévitable que Pront refasse parler de lui, et pourquoi pas de l’autre côté de l’Atlantique comme son ami Michael B. Roskam (Bullhead, The Drop) avant lui. C’est chose faite en 2020 avec l’américano-canadien The Silencing, polar aux ambiances une nouvelle fois très rupestres, qui doit s’apprécier pour ce qu’il est : une série B du samedi soir, et où les rebondissements importent plus que la cohérence globale du scénario.
Pour ses débuts en langue anglo-saxonne, Robin Pront peut s’appuyer sur une vedette européenne, le toujours charismatique Nikolaj Coster-Waldau, qui incarne ici le taciturne Rayburn Swanson. Chasseur repenti ayant décidé de créer une réserve pour animaux sauvages, Swanson pleure dans sa cabane au bord du lac un mariage détruit et surtout la perte de sa fille, portée disparue depuis cinq ans, qu’il s’entête vainement à vouloir retrouver. Sa route va bientôt croiser celle d’un tueur en série qui chasse ses proies, féminines, la nuit dans la forêt, et après lequel court le shérif Alice Gustafson, en délicatesse avec ses collègues à cause de son délinquant de frère. Les crimes qui secouent cette petite communauté rurale vont pousser chacun à révéler son vrai visage…
Twists dans les bois
Avec son générique aérien faisant cohabiter la majesté des paysages fluviaux de l’Ontario et la macabre dérive d’un cadavre, The Silencing se présente dès son entame comme une production plus soignée aux entournures que la moyenne. Soucieux de créer une véritable atmosphère dans le peu de temps imparti, Robin Pront prend aussi un malin plaisir à dépeindre une galerie de personnages qu’on pense au départ englués dans leurs archétypes. S’il est raisonnablement héroïque et typiquement bourru, Swanson est par exemple bien plus victime qu’acteur des évènements. Gustfason est loin quant à elle d’être la représentante positive de la loi que laisse espérer le regard acier et la blondeur froide d’Annabelle Wallis (Peaky Blinders, La Momie). Et ainsi de suite avec chaque protagoniste, dont la façade utilitaire débouche souvent sur une révélation tardive qui change notre point de vue sur leurs agissements.
« The Silencing est une production plus soignée aux entournures que la moyenne. . »
Cette richesse de caractères n’empêche pas The Silencing d’être du genre gourmand dans ses twists : il faut être de bonne constitution pour encaisser le revirement du shérif Gustafson à mi-parcours, la capacité de guérison fabuleuse des personnages, ou les motivations, à peine compréhensibles, du serial-killer, dont on ne pourra au moins deviner l’identité au départ tant la révélation sort de nulle part. Nous en venons à nous dire, avec un demi-sourire moqueur, que ces facilités font partie du jeu, tout en regrettant que le film ne soit pas plus rigoureux. Pront maintient malgré tout la barque avec aplomb, ne lésinant pas sur une violence sèche mais très graphique et shootant ses moments de suspense avec vigueur (l’arme étrange employée par notre psychopathe est en cela une bonne idée). Et au final, il réussit l’essentiel : parvenir à donner un sentiment de fraîcheur et de la chair à un pitch de procedural mille fois vu ailleurs. Espérons juste que la suite soit pour lui un poil plus ambitieuse.