The Wandering Earth 2 : aller simple pour le grand spectacle

par | 24 novembre 2023 | À LA UNE, BLURAY/DVD, Critiques, VOD/SVOD

The Wandering Earth 2 : aller simple pour le grand spectacle

Fausse suite et vraie épopée de science-fiction massive autant que réflexive, The Wandering Earth 2 tient de la démonstration de force chinoise.

Alors que se profile sur Netflix une adaptation de la très populaire trilogie de romans de Liu Cixin Le problème à trois corps, le romancier chinois voit un autre de ses romans faire l’actualité au cinéma, et en France en vidéo – après des sélections remarquées à l’Étrange Festival et aux Utopiales de Nantes. The Wandering Earth 2, réalisé comme le premier par Frant Gwo, pioche à nouveau dans son livre Terre Errante pour mettre en images cette idée folle (comme dans follement invraisemblable et poétique) d’une planète Terre propulsée hors du système solaire pour éviter d’être engloutie par l’explosion du Soleil. Comment ? En construisant des milliers de réacteurs allumés en même temps tout autour du globe, ce qui nécessite évidemment la coopération de l’humanité tout entière. Une alliance sacrée de toutes les bonnes volontés pour construire un avenir commun : outre cette métaphore inattendue du changement climatique, il n’est pas étonnant que l’univers de The Wandering Earth plaise autant au public chinois (et aux autorités politiques, qui ont dû se réjouir que le premier film dame le pion à l’ogre hollywoodien au box-office international – covidé – de 2020).

Plus près de toi le soleil

The Wandering Earth 2 : aller simple pour le grand spectacle

Plus long (près de trois heures, la même durée qu’un Avengers Endgame), plus cher, mais aussi plus équilibré et encore plus spectaculaire, The Wandering Earth 2 est en réalité une fausse suite au premier opus, et fonctionne comme un blockbuster autonome. Là où son prédécesseur situait l’action sur une planète Terre déjà en mouvement, cette préquelle/reboot nous ramène 100 ans en arrière, au moment où les humains se rendent compte que le système solaire va imploser d’ici un siècle et eux avec. Deux réponses à cette crise s’opposent : engager le chantier colossal « Montagne Mouvante » et construire 10 000 réacteurs pour déplacer la Terre dans l’espace, en s’aidant notamment de stations spatiales, ou télécharger l’ensemble des consciences humaines dans une simulation virtuelle, comme le prône un mouvement de résistance violent, et laisser la planète se consumer peu à peu, un trou dans la couche d’ozone après l’autre. Pointe aussi la menace de l’inaction, car comme le prônent les Américains (qui ont évidemment le mauvais rôle) devant les Nations Unies, pourquoi s’occuper maintenant d’un problème qui ne concernera que les générations futures ?

« The Wandering Earth 2 empile les moments spectaculaires démesurés,
soutenus par des effets spéciaux inattaquables. »

Même si nous savons déjà (pour avoir vu où mène cette histoire) comment cette apocalypse annoncée se terminera, The Wandering Earth 2 ne lésine pas sur les tractations politiques tendues, les rebondissements désespérés, les comptes à rebours anxiogènes (inscrits directement à l’écran au cas où l’urgence ne serait pas évidente) durant ses 2h45 de métrage. Le film s’attache sur plusieurs dizaines d’années à la trajectoire de deux personnages : trait d’union avec le premier film, le major Liu (la superstar patriotique Wu Jing) est étrangement de retour en pleine jeunesse. Cette tête brûlée sans grand relief qui aurait trop regardé Top Gun : Maverick est au centre de l’action, tout comme sa sœur d’armes jouée par Whang Zhi, une militaire encore plus badass que lui dont il tombe amoureux – mais que le scénario sacrifiera sans trop de poser de questions. Parallèlement, le grand Andy Lau incarne le scientifique Hengyu, partisan de l’intelligence artificielle depuis qu’il a dupliqué la conscience de sa fille morte, Yaya, dans une clé USB contenant deux minutes de conversation avec elle. C’est à travers ce personnage de veuf inconsolable et mono expressif que le versant existentiel et transhumaniste de The Wandering Earth 2 se déploie, même si les vies des deux hommes, aux caractères et aux objectifs opposés, finiront par se croiser, à pleurer chacun un amour perdu, puis par se rejoindre – il faut s’unir pour le bien commun, on vous dit.

Digitale apocalypse

The Wandering Earth 2 : aller simple pour le grand spectacle

Si les deux stars locales sont l’épicentre de l’intrigue, The Wandering Earth 2 ne lésine toutefois pas sur les personnages et les interactions. On ne compte plus le nombre de bandeaux de présentation qui envahissent l’écran d’une séquence à l’autre, au point que même les robots ont droit à leur propre introduction ! Il faut dire que The Wandering Earth 2 tient du rêve humide pour un fan de méchas et d’ingénierie futuriste : le film déborde de machineries colossales, de vaisseaux, d’armures spatiales ou sous-marines, dans une orgie de technologie au croisement de l’anime foisonnant et du Star Wars avec caution scientifique. Cette générosité intimidante marque surtout les esprits pendant la première heure, notamment pour une scène d’action de vingt minutes où des drones piratés attaquent une base de décollage d’ascenseurs spatiaux. Un morceau de bravoure sur plusieurs niveaux de verticalité et de gravité qui donne le vertige et se paie le luxe de renvoyer les films de Roland Emmerich à leurs études.

Ce climax avant l’heure précède une partie centrale plus alambiquée, où des ellipses brutales font vieillir d’un coup certains héros et disparaître certaines intrigues (comme la résistance pro-digitale), où les enjeux et le ton général – plus crépusculaire que jamais, ce qui reste logique – se mettent à changer. Certains dialogues emphatiques, certains protagonistes bien caricaturaux (les Russes sont des clichés sur patte, même si sympathiques), certains passages émotionnels trop soulignés (c’est une habitude dans ce genre de films, mais la musique n’a rien de discret), entament le plaisir initial. Mais The Wandering Earth 2 continue, bille en tête, à empiler des moments spectaculaires démesurés, soutenus par des effets spéciaux inattaquables, en investissant des villes englouties ou en partant pour une excursion explosive sur une Lune en perdition (ce qui donne lieu aux séquences les plus saisissantes et inspirées visuellement du lot). Bien qu’invraisemblable, l’épopée de Frant Gwo conserve un vrai souffle, une ambition déraisonnable d’en remontrer à tous les classiques modernes du grand spectacle hollywoodien à la fois. Le film trébuche certes à plusieurs reprises, et pâtit d’un manque évident de subtilité malgré la complexité des thèmes abordés – qui restent passionnants. Mais impossible de nier l’ampleur grisante du résultat, qui ne devrait pas rester sans suite, puisqu’un troisième épisode de conclusion est annoncé… pour 2027 !